Échéances électorales au Sénégal : Décryptage des dates et contraintes après le départ du Président

Le 29 février dernier, le président Macky Sall a confirmé son intention de quitter ses fonctions le 2 avril, en dépit de la proposition du dialogue national fixant les élections présidentielles au 2 juin. Cette décision a suscité un débat animé sur la faisabilité de reprendre le processus électoral ou non avant la date préconisée.

Face à la presse, le ministre de l’Intérieur, Me Sidiki Kaba, a indiqué clairement qu’en cas de départ du chef de l’État, il sera remplacé par le Président de l’Assemblée nationale et qu’en conséquence, le processus électoral sera repris intégralement.
Analyse juridique : Les experts Diakhaté et Diallo dissèquent les contraintes constitutionnelles
Mais est-il réellement possible de reprendre le processus électoral avant la date du 2 juin proposée par les acteurs du dialogue national ? Sur cette question, le professeur Meïssa Diakhaté, Agrégé en Droit public, et Cheikh Omar Diallo, Docteur en Science politique, ont donné leur avis. « N’étant pas dans les trois cas de figure prévus par la Constitution [article 39], d’une part, et que le processus électoral est en cours, d’autre part, l’idée de reprise du processus électoral pourrait-elle prospérer ? Le Conseil constitutionnel ne pourra le faire qu’en renonçant à sa récente témérité jurisprudentielle », ont-ils précisé, dans une longue contribution intitulée « Le Sénégal face à la vacance inédite de la fonction présidentielle ».

Dans leur argumentaire, le Pr Diakhaté et le Dr Diallo rappellent que « juridiquement, la reprise du processus électoral ne serait possible qu’en cas de « fin anticipée » de la durée du mandat présidentiel, provoquée par la démission, l’empêchement définitif ou le décès. Le pouvoir est expressément dévolu au Président suppléant. En termes clairs, cette disposition ne peut s’appliquer qu’en cas de force majeure, pourrait-on dire ».
Délais légaux et réalités pratiques : Les contraintes temporelles évaluées
Techniquement, poursuivent les universitaires, il ressort des termes de l’article L.O. 137 du Code électoral du titre 2 portant « Dispositions relatives à l’élection du Président de la République » : Les électeurs sont convoqués par décret publié au Journal officiel au moins quatre-vingt (80) jours avant la date du scrutin. En cas de deuxième tour, ou de nouveau tour de scrutin après l’annulation des élections, la publication du décret de convocation a lieu au plus tard huit jours avant la date du scrutin. Toutefois, en cas de vacance de la Présidence, par démission, empêchement définitif ou décès, le décret est pris dans les soixante jours ‘avant’ le scrutin », ont-ils ajouté, soulignant, par ailleurs, que ces marges sont supérieures au nombre de jours compris entre le 2 avril et le 2 juin 2024. « Les 28 jours du mois d’avril + 31 jours du mois de mai, donnent au total 59 jours francs (bien sûr en ne tenant pas compte du jour à l’origine du délai, ni du jour de l’échéance) », ont notamment observé les experts qui sont d’avis que « le Conseil constitutionnel devra certainement ajuster les délais dans sa décision portant avis à la demande du Président de la République pour non seulement respecter les délais légaux mais également permettre l’entrée en fonction du Président suppléant dans la sérénité ».

Les enseignants n’ont pas, tout de même, manqué de faire constater que « (…) le délai est également rédhibitoire pour la reprise du processus électoral si l’on sait que concernant l’élection présidentielle ‘’les candidatures sont déposées au greffe du Conseil constitutionnel soixante (60) jours francs au moins et soixante-quinze (75) jours francs au plus avant le premier tour du scrutin’’ (alinéa premier de l’article 29 de la Constitution). Ces marges sont supérieures au nombre de jours compris entre le 2 avril 2024 et le 2 juin 2024’ ».

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