Reportage – Couples formés sur les réseaux sociaux: le mariage au bout du clavier

Il existe mille et une manières de tomber sur l’âme sœur. Au temps des nouvelles technologies, le hasard se voit remplacé par les algorithmes et des relations amoureuses se tissent à travers Internet. Ce dernier ne connecte pas que des virtualités à d’autres. Les claviers des téléphones et des ordinateurs savent aussi unir des âmes dans les liens sacrés du mariage.


« J’ai connu ma femme à travers les réseaux sociaux. » Avec le recul, Daouda Bâ trouve « «J’ai leur histoire. La cause : « c’est ma cousine et on ne se connaissait pas». Cet heureux hasard qu’a vécu Daouda n’est pas un cas isolé, chez ceux dont les débuts de l’union se sont tissés à partir de la toile. Les réseaux sociaux ont aussi réuni le grand frère et la désormais belle-sœur de Ndèye K. Seck. «Ils ont d’abord découvert qu’ils étaient cousins» et maintenant, les voilà mariés depuis trois ans. Mais, entre le simple «salut» sur une application de messagerie instantanée et un engagement au mariage, ces relations passent par plusieurs étapes.

Généreux en explication, Daouda Bâ retrace la romance avec son épouse. Tout a commencé le jour de son anniversaire, au cours duquel celle qui partagera plus tard sa vie lui a envoyé un message via Facebook. Un message amical pour simplement dire «joyeux anniversaire». S’ensuit alors un échange de contacts téléphoniques. Le réseau social en bleu et blanc passe le témoin à celui qui porte les couleurs verte et blanche. WhatsApp devient alors le lieu de rencontre des deux tourtereaux qui ont fini par s’habituer l’un à l’autre. L’eau rose des discussions arrose les racines secrètes d’un amour que ne pouvait plus contenir le sable virtuel des réseaux sociaux. Le désormais mari de dire : «On s’est vu plusieurs fois et les sentiments ont commencé à naître». Le «joyeux anniversaire» d’Aïssatou Seydi en 2017 deviendra son «oui» deux ans après : en 2018, la relation virtuelle prend chair dans la vie réelle et 2019 devient l’année qui verra les cousins perdus de vue s’unir dans les liens du mariage.

Coup de hasard

Daouda et Aïssatou n’ont pas d’enfant et appellent de tous leurs vœux la venue d’une troisième âme dans leur vie.

Marème Sow, quant à elle, a vu cette prière s’exhausser. «Elle a un mois et trois jours.» La jeune maman de 25 ans est en train d’allaiter le fruit de son amour avec Pape Diadié Fofana. Et leur histoire est tout autre. C’est, en effet, sa passion pour «la tenue» qui a poussé Marème Sow dans les bras de celui qui, à l’époque, servait à l’Ecole nationale des officiers d’active (Enoa) de Thiès. On est en 2014 et P. D. Fofana était pour Marème un parfait inconnu, hasardeusement aperçu dans l’album du compte Facebook d’une amie. Mais, «puisque je rêvais de porter un jour la tenue de la police, je lui ai envoyé une demande sur Facebook», confie celle qui se dit très curieuse. «Un ami, un frère, un confident», voilà ce qu’est devenu Pape Diadié Fofana pour Marème au fil des discussions. Et pourtant, la jeune fille en classe de Première s’est voulue prudente et a longtemps refusé de communiquer son numéro de téléphone au jeune garçon.

Une prudence justifiée, selon l’avis du taximan Lahat Mbaye qui n’a absolument pas confiance en ces réseaux virtuels. Pour El Hadji Tall Ngol Ngol, animateur culturel à la 2Stv, le mariage est trop sérieux pour que ses débuts se fassent sur une plateforme virtuelle. Pas sur un site de rencontre, encore moins sur le réseau de Marc Zuckerberg.

Le refus de Marème de communiquer son numéro de téléphone n’a pas découragé P. D. Fofana qui disait vouloir qu’ils deviennent «juste des amis». L’instance se faisant, la requête a trouvé réponse favorable. L’originaire de Bambey se raconte et le ciel de son discours est tout à coup traversé par l’éclair d’un sourire. Un son pudique s’échappe de sa bouche : elle raconte cette nuit où, sous une timide pluie -pour ne pas déranger sa colocataire qui dormait déjà-, elle est sortie échanger au téléphone avec P. D. Fofana en reconnaissance de tous les efforts que ce dernier a consentis.


«Va voir la fille de ton oncle…»


Propos empreints de nostalgie, El Hadji Tall Ngol Ngol, animateur culturel à la 2Stv, rappelle qu’au temps, ce sont les parents qui suggéraient à leur fils la femme à demander en mariage. C’est le plus souvent la fille d’un oncle, d’une tante et pas n’importe laquelle. «Au cas où l’oncle en question avait plusieurs épouses, on recommandait la fille de celle chez qui on retrouve le plus de valeurs», en espérant que son enfant les ait héritées. D’ailleurs, précise l’animateur de l’émission télévisée «Demb», le garçon n’allait jamais directement vers la fille qu’on lui a recommandée : le respect de la hiérarchie exige qu’il aille voir l’oncle. Une méthode «old school», à voir l’attitude de la nouvelle génération. Avec la facilité qu’offrent les réseaux sociaux, les parents sont plutôt à la dernière étape du processus. L’initiative vient des concernés. «2014, 2015, 2016, 2017… » ! Marème énumère ainsi le nombre d’années durant lesquelles elle et son petit-ami ont été en contact. Jusqu’au 4 novembre 2018, date à laquelle, ils ont décidé d’unir leurs destins.


Ce n’est plus une rumeur : dans les tribunaux, nombreux sont les cas de divorce qui sont traités. Pour E. H. Tall Ngol Ngol, il n’y a pas de doute. L’abandon des traditions concernant le mariage en est pour quelque chose. Tel est le constat. Devrait-on espérer des réponses à la situation ? En attendant, les réseaux sociaux continuent de nouer des relations, de faciliter des rencontres et d’être les causes lointaines de mariages.


Par Moussa SECK

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