Edouard Mendy, gardien de Chelsea dispute sa première finale de Ligue des champions contre Manchester City

Du chômage à la Ligue des champions, l’incroyable histoire de Edouard Mendy. Sans club il y a six ans, le gardien de Chelsea, 29 ans, dispute sa première finale de Ligue des champions ce samedi (21 heures) contre Manchester City. Une folle trajectoire racontait au parisien par l’international sénégalais qui évolue au poste de gardien de but au Chelsea FC.

Le 13 mai, Edouard Mendy nous a donné rendez-vous sur l’application Zoom. Durant les trente minutes d’entretien, le gardien de Chelsea n’a jamais lâché son large sourire. L’ancien Rennais peut être satisfait, il n’est qu’à un match de remporter le titre suprême, la Ligue des champions, dès sa première participation. L’histoire serait alors un conte de fées. Cette saison, sa carrière a pris une autre dimension. Elle dépasse tout ce qu’il aurait pu imaginer.

Au chômage il y a six ans, le gardien international sénégalais vit un rêve éveillé pour sa première expérience à l’étranger, dans l’un des plus grands clubs du monde. Avec 24 clean sheets dont 8 en Europe, Mendy s’est fait un nom qui dépasse les frontières de l’Angleterre. Ce samedi (21 heures), contre Manchester City, il aura la ferme intention de rendre fier ses proches. Ceux qui l’ont toujours soutenu dans les moments de galères. Et il y en a eu beaucoup. Le portier de 29 ans nous raconte son incroyable histoire.

Quelles images vous passent par la tête lorsque vous éliminez le Real Madrid, le 5 mai ?
ÉDOUARD MENDY. Je suis ailleurs, déconnecté. Je me dis : « Waouh, finale de Champions League. » C’est un truc de fou ! Je prends conscience qu’il n’y a pas longtemps j’étais en Ligue 2, que dès ma troisième année au haut niveau j’atteins la finale de C1. Ce n’est pas rien. Thiago Silva, par exemple, a attendu ses 35 ans pour disputer sa première finale de Ligue des champions. Après le match, j’ai diffusé la joie du vestiaire sur Instagram. Ce n’est pas dans mes habitudes, mais, là, je n’avais pas le choix. Il y a tellement de joie, de gens qui ont souffert avec moi. C’était important de partager avec eux.

Il y a six ans, vous vous entraîniez avec la réserve du Havre, sans club, au chômage. Vous auriez pu tout arrêter ?
Ce n’est pas passé loin que j’arrête effectivement. Mon année au chômage a été usante pour moi et mes proches. Il fallait que je nourrisse mon foyer. C’était compliqué, mais je sais que je suis chanceux. Ma famille m’a toujours soutenu, que ce soient mes parents, mon grand frère, ma sœur, mes deux petits frères et, bien sûr, ma compagne. Elle a toujours été là alors qu’on attendait notre premier enfant. Elle ne me montrait rien. Elle était tellement convaincue que j’allais réussir que j’étais obligé d’y croire.

C’est un beau cadeau que vous leur faites aujourd’hui…
Ce sera un beau cadeau si je soulève le trophée. Pour un footballeur, la Ligue des champions, c’est le summum. Je n’ai que ça en tête.

Parler d’un potentiel sacre en C1 est inespéré quand on retrace votre parcours.
Inespéré, c’est le mot. Il y a deux ans, je jouais à Reims. Des clubs s’intéressaient à moi, mais aucun qui m’aurait permis de me projeter sur une Ligue des champions. Tout a été très rapide. J’ai la chance d’avoir un entourage qui me permet de garder les pieds sur terre. Je sais que je reviens de loin, je ne dois pas me prendre pour un autre.

A quel point la naissance de votre premier enfant a été importante dans votre volonté de ne pas lâcher ?
Dans une période comme celle-ci, plein de sentiments s’entremêlent. Parfois, tu as envie d’arrêter, parfois de te battre mais, à l’arrivée, tu veux tout arrêter car un an c’est extrêmement long. J’allais être père et je me suis dit : Que veux-tu laisser comme image à ton fils ? Celle d’un homme qui a abandonné ? Non ! Ce que je voulais, c’est lui dire que je me suis accroché, que j’ai travaillé pour avoir ce que je voulais. Dans les moments difficiles, j’aimerais qu’il puisse se raccrocher à mon histoire. Sur la fin de mon année de chômage, il a été ma plus grande force.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez dû pointer à Pôle emploi ?
Je flippais et quand je suis arrivé, c’était horrible… J’ai pris des KO pendant vingt minutes. C’était vraiment chaud ! Là-bas, tu croises des gens comme toi mais, en fait, c’est la vraie vie ça, t’es dans le système. Le conseiller disait qu’il ne pouvait rien. J’avais l’impression de ne pas être à ma place, de subir les événements. Ça me faisait vraiment mal.

Dans l’attente qu’un club vous appelle, vous avez travaillé dans une boutique de prêt-à-porter.
C’était quelque chose de bien. J’ai fait un bac commerce, j’étais à l’aise avec la relation clients. J’avais un salaire, une situation, mais ce n’était pas ce que je voulais. Moi, ce que je voulais, c’était jouer au foot. J’étais partagé entre ce que je devais faire et ce que je pouvais faire. Puis Marseille m’a appelé. Heureusement, car je n’aurais pas attendu une semaine de plus.

Sans l’OM, c’était fini ?
Probablement. Tout part de Ted Lavie, qui était à Cherbourg avec moi. Quand je lui explique que je vais peut-être arrêter, il me répond que je suis malade et que l’entraîneur des gardiens de la réserve de l’OM, Dominique Bernatowicz à l’époque, serait intéressé par mon profil. On m’avait tellement menti que je ne l’ai pas cru au départ. J’avais peur de me retrouver une nouvelle fois sur le carreau, d’être au plus bas mentalement. Finalement, Dominique m’appelle. C’était ma dernière chance cet essai. J’ai donné ma vie sur le terrain.

Déjà à l’époque, vous rêviez d’Angleterre…
Je regarde la Premier League depuis petit. J’étais fan de Marseille et, quand Drogba a signé à Chelsea, j’ai suivi ses exploits. Je regardais les Frenchies Thierry Henry, Patrick Vieira, Robert Pires. Tout ça m’a donné envie. En plus, à 12 ans, je suis allé une semaine à Brighton. J’ai vécu le truc à l’anglaise sur un match, j’ai vu les familles aller au stade, la ferveur. Cette idée a germé dans ma tête jusqu’à ce qu’on me dise c’est bon, tu vas y aller et qu’on me la mette en l’envers. Je n’étais plus très chaud mais, quand un club comme Chelsea vous appelle, vous ne pouvez pas dire non !

A quel moment, avez-vous réalisé que votre transfert à Chelsea était possible ?
J’y crois réellement au mois de juin. Là, Christophe Lollichon me fait comprendre qu’ils vont avancer sur un gardien et que ce sera moi. J’étais à l’aube d’une saison en Ligue des champions avec Rennes, on venait de finir 3es, on avait une sacrée équipe qui, sans mon départ ou celui de Raphinha, était huilée pour jouer le haut du tableau. Avec Rennes, c’était clair. Je restais à coup sûr, sauf s’il y avait un top club. C’est arrivé, c’était difficile, mais le président (Nicolas) Holveck et Flo Maurice (NDLR : directeur technique) ont été très classes.

Cela a-t-il été compliqué de s’adapter à un vestiaire de stars comme celui de Chelsea ?
Je ne devais pas faire de complexe. Mon intégration a été facilitée par mes performances (NDLR : six clean sheets d’entrée). J’ai pu compter sur les francophones. Et, surtout, je voulais montrer à Christophe et Petr (NDLR : Cech, conseiller technique et de la performance) qu’ils ne s’étaient pas trompés. Ils jouaient gros eux aussi, car l’an dernier, quand tu disais Edouard Mendy en Angleterre, personne ne me connaissait.

La finale City-Chelsea met en lumière la réussite de joueurs comme vous, Kanté ou Mahrez qui n’ont pas eu un parcours classique. Vous portez le message que tout est possible quand on s’en donne les moyens ?
Le parcours de Riyad (Mahrez) n’a pas été simple. Il est allé chercher les choses, y compris la Coupe d’Afrique contre notre équipe (NDLR : en finale de la CAN 2019, l’Algérie a battu le Sénégal 1-0). Son histoire, celle de Kanté ou la mienne dépassent le cadre du foot. Derrière ça, il y a quelque chose de motivant. Quand je vois le parcours de N’Golo (Kanté), moi, ça me motive. Pareil avec Riyad. Ce sont des parcours qui te donnent la volonté de te battre dans le foot ou dans la vie de tous les jours.



     

     Par Benjamin Quarez - Leparisien

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