Yacine Ba Sall, les sondages au Sénégal : «L’interdiction a conduit les gens à faire n’importe quoi»

Au moment où les sondages ont perdu une partie de leur crédibilité aux yeux du monde après l’élection surprise de Trump aux Usa, la directrice de l’institut Bda demande, elle, des «états généraux ou des assises des sondages» au Sénégal. Cela, pour éviter que des gens en viennent à faire n’importe quoi, comme vu par le passé. Mme Yacine Ba Sall était hier au micro de la Rfm à l’émission Grand jury.bdd

Le candidat républicain a coiffé au poteau tous les sondages qui prédisaient la victoire de Hillary Clinton à la présidentielle américaine. Au Sénégal, la publication des sondages politiques est interdite par une loi qui date de 1986. Après le débat installé il y a quelques années sur la question, voilà aujourd’hui que l’institut de sondage Bda, demande «les états généraux ou des assises des sondages» pour le pays.
Cet appel a été lancé par Yacine Ba Sall, directrice dudit institut, au cours de l’émission Grand jury de la Rfm de ce dimanche. Elle dit : «Nous revendiquons fortement la mise en place d’une loi mais une loi qui soit souple, qui protège effectivement l’opinion publique des éventuelles dérives, mais qui permette aux sondeurs de travailler sous contrôle». Car, pour elle, c’est «cette interdiction qui a conduit les gens à faire un peu n’importe quoi», comme lors de la présidentielle de 2012, quand des organes de presse ont eu à publier des sondages. Et en toute impunité, malheureusement.
Et cette photographie de l’opinion à l’instant T comme l’appellent les spécialistes a débuté au Sénégal, selon Mme Sall il y a 30 ans. «Chez nous, il y a eu en 1986 un micro trottoir qui s’est fait appeler sondage. Il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un micro-trottoir où on interrogeait les gens au hasard, sur les perceptions des gouvernants de l’époque», a expliqué la spécialiste. Par ailleurs, elle affirme qu’à l’époque, «ce n’était pas un sondage rigoureux.» Parce que, selon elle, «Sur le plan de la méthodologie aucune précaution n’a été respectée. Donc ça a donné des résultats qui ont fortement dérangé les gouvernants de l’époque. Et ce sont eux qui ont donné lieu à la fameuse loi de 1986.»
Mme Sall a rappelé que cette loi instaurée sous le régime du Président Abdou Diouf, visait à «interdire la publication des sondages pour soi-disant protéger l’opinion de toute manipulation. C’est une loi qui interdit la publication en période préélectorale mais pas seulement. Et ce qui l’a rend contraignante, c’est qu’il faut un agrément de la commission des sondages pour pouvoir exercer. Et deuxièmement, il faut une autorisation de publication dispensée par cette même commission».
Du fait de cette loi, le Sénégal vit donc, en 2016, dans une sorte de bulle où il est hors du temps et du monde. Le pays est de ce fait, l’un des rares Etats démocratiques qui interdit légalement la pratique du sondage. Cela a pour conséquence, de faire le nid des rumeurs, le plus souvent invérifiables. En plus de permettre à n’importe quel énergumène en mal de popularité, de se proclamer en toute impunité, l’homme le plus populaire du Sénégal, le futur sauveur. Sans aucune base scientifique pour pouvoir étayer ses allégations.
Néanmoins, les deux dernières manifestations qui ont eu lieu en Grande Bretagne avec le Brexit et l’élection de Donal Trump aux Etats-Unis, sont malheureusement venues donner du grain à moudre à ceux des dirigeants sénégalais qui souhaiteraient continuer à réguler les sondages. La déroute des sondeurs qui sont totalement passés à côté aux cours des deux consultations populaires dans ces deux pays, est venue renforcer l’idée qu’il ne faut pas laisser n’importe qui véhiculer n’importe quel bruit dans nos pays d’Afrique.

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