Un média américain souligne les contradictions et les paradoxes de la démocratie sénégalaise

Le média de gauche américain, Jacobin, a consacré un vaste dossier à l’état de la démocratie au Sénégal, intitulé « Au Sénégal, les fanfaronnades du gouvernement pour la défense de la démocratie sonnent creux ». Dans cet article approfondi, le journaliste Cole Stangler expose les incohérences entre les déclarations du gouvernement concernant les crises régionales, la répression envers l’opposition, et les enjeux démocratiques qui prévalent au Sénégal.

Après avoir condamné publiquement le récent coup d’État survenu au Niger le mois dernier, le gouvernement sénégalais a également affirmé son intention d’envoyer des troupes pour soutenir le rétablissement de l’État de droit dans ce pays de la région. Cependant, au lieu de briller en tant qu’exemple de démocratie, ce même gouvernement, allié de Paris et de Washington, met en œuvre une répression brutale à l’encontre de l’opposition dans son propre pays.

Le coup d’État au Niger du 26 juillet a suscité des réactions régionales, avec une déclaration de la CEDEAO condamnant tout changement anticonstitutionnel. Le président sénégalais Macky Sall, signataire, adopte une position ferme. Le ministre sénégalais des Affaires étrangères a évoqué une possible intervention militaire de la CEDEAO au Niger si les putschistes ne restaurent pas le gouvernement élu.

Recul démocratique
Au même moment, ajoute le journal, la situation politique au Sénégal suscite des inquiétudes concernant le recul démocratique. Des observateurs, dont le chroniqueur de Seneplus, Félix Atchadé et Carine Kaneza Nantulya de Human Rights Watch, critiquent la répression en cours. Des arrestations de journalistes et une loi antiterroriste stricte ont restreint la liberté d’expression.

La répression s’est concentrée sur l’opposant Ousmane Sonko et ses partisans, engendrant des manifestations massives et des réactions violentes de l’État. Des accusations politiquement motivées ont été portées contre lui, dont un cas de viol en 2021. Bien qu’acquitté de l’accusation de viol, il a été condamné pour « corruption de la jeunesse », potentiellement l’empêchant de se présenter à la présidence en 2024.(…).

Récemment, Sonko a été arrêté pour « fomenter une insurrection », suivi de la dissolution de son parti politique, une première depuis l’indépendance du pays. L’avocat de Sonko, Juan Branco, a également été arrêté et expulsé. Ces événements soulèvent des inquiétudes quant au respect des droits démocratiques au Sénégal et à la suppression de l’opposition politique.

Peurs d’élite
Félix Atchadé livre son analyse dans le journal : « Ousmane Sonko, politicien sénégalais, inquiète les élites en raison de son programme. Il critique le franc CFA et plaide pour la souveraineté monétaire, menaçant les intérêts de la bourgeoisie liés à cette monnaie. De plus, il aborde sérieusement la mauvaise gouvernance et la corruption, suscitant des inquiétudes parmi les élites. Son expérience en tant qu’inspecteur des impôts renforce son appel contre la fraude fiscale et la corruption. Son soutien populaire et son rejet des élites traditionnelles dérangent également. Sa base remet en question le système et les inégalités croissantes, effrayant les élites. C’est pourquoi la répression contre Sonko et son parti ».

Liens avec Paris
Les réticences à critiquer la détérioration démocratique s’étendent au-delà du Sénégal. Les gouvernements français et américains, malgré les relations positives avec le pays, hésitent à condamner publiquement les “abus”. Human Rights Watch et d’autres estiment que leur voix devrait se faire entendre plus fort face à l’usage excessif de la force. Les liens amicaux entre les autorités sénégalaises et les entreprises françaises créent des liens économiques étroits, bien que Sonko critique le néocolonialisme.

Les aspirations panafricaines et la méfiance envers l’intervention occidentale motivent les positions de Sonko et de ses partisans. Le sentiment anti-français est rejeté au profit d’une volonté de rupture avec la Françafrique. Certains, comme Guy Marius Sagna, membre de PASTEF, [parti dissous par l’Etat], critiquent le soutien du gouvernement sénégalais à une possible intervention au Niger, exprimant leur désaccord avec une guerre motivée par des intérêts occidentaux.


PS : Jacobin est un média de la gauche américaine, offrant des perspectives socialistes sur la politique, l’économie et la culture. Le magazine imprimé est publié tous les trimestres, atteint 75 000 abonnés, en plus d’une audience Web de plus de 3 000 000 de visites par mois.
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