Reddition des comptes dans la gestion du fonds « force covid-19 » : Moustapha Niasse mis au défi

Le président de la République qui a sommé, lors du dernier Conseil des ministres du mercredi 1er juillet 2020, le gouvernement de se mettre à la disposition de l’Assemblée nationale pour s’expliquer sur la gestion des 1.000 milliards FCFA du Fonds « Force Covid-19 » met ainsi le parlement devant ses responsabilités. Il appartient désormais au président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse et à ses collègues députés de relever le défi d’éclairage de la lanterne des Sénégalais sur les parfums de «scandales» qui ont rythmé ces trois mois de gestion de la pandémie du nouveau coronavirus.

Présidant la réunion du Conseil des ministres par visioconférence, le mercredi 1 juillet 2020 dernier, le président de la République, Macky Sall, a annoncé deux mesures majeures dans le cadre de la gestion de la pandémie du nouveau coronavirus.

En effet, abordant le contexte global de sortie de l’état d’urgence, le chef de l’Etat a informé les ministres qu’«il n’y aura pas de vacances gouvernementales en 2020» mais aussi de se «mettre à la disposition de l’Assemblée nationale afin de donner toutes les informations relatives notamment à la mise en œuvre du Programme de Résilience économique et sociale, à travers l’exécution du Fonds « Force Covid-19 » doté de 1.000 milliards FCFA». Avec cette décision du chef de l’état, les Sénégalais pourraient enfin être édifiés sur les cas de malversations présumés qui ont pollué l’atmosphère de la gestion de cette pandémie, depuis le 23 mars dernier.

Désormais, la balle est dans le camp de la représentation nationale. Du président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, et de ses collègues députés, il est notamment attendu des éclairages sur les parfums de scandales qui ont rythmé ces trois mois de gestion de la pandémie de Covid-19 au niveau des ministères : ceux de la Santé et de l’action sociale, du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale ainsi que de celui en charge de la Culture et de la communication pour ne citer que ces trois départements. Cependant, en dépit de cette ouverture du président de la République pour la reddition des comptes dans la gestion de cette pandémie, il faut reconnaitre que rien n’est joué d’avance.

En effet, contrairement aux autres pays comme en France où le Parlement exerce sa mission de contrôle de l’action du gouvernement et cela, même pendant la période de l’état d’urgence avec les passages toutes les semaines du Premier ministre au parlement pour échanger avec les députés sur l’évolution de la gestion de cette pandémie, la réalité est tout autre au Sénégal. Le travail de contrôle parlementaire de l’action du gouvernement bute très souvent sur la mainmise de l’Exécutif sur l’institution parlementaire mais aussi sur des relations de subordination qui lient méthodiquement la plupart des députés du groupe de la majorité au président de la République.

Pour preuve, depuis mi-juin, la demande de convocation à l’Assemblée nationale des ministres, Abdoulaye Diouf Sarr, et de son collègue du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, Mansour Faye, pour s’expliquer sur leur gestion de la Covid-19 adressée au président Moustapha Niasse est restée sans suite. Et ce, malgré les nombreuses incriminations qui pèsent sur ces deux ministres.

Pourtant, le vendredi 26 juin dernier, le ministre de la Santé et de l’action sociale a eu le temps de se présenter à l’Assemblée nationale pour défendre un projet de résolution en hommage aux personnels de santé. Voté à l’unanimité par les députés présents à cette plénière présidée par Awa Guèye, présidente de la Commission de la Santé, de la Population, des Affaires sociales et de la Solidarité nationale, ce texte saluait les efforts du ministère de la Santé et de l’Action sociale ainsi que de ses collaborateurs dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Qui plus, elle demandait au gouvernement de donner au ministère de la Santé et acteurs de la riposte tous les moyens matériels, financiers et politiques nécessaires à l’endiguement de Covid-19. Une sorte de blanc-seing et/ou de validation de l’action du ministre Diouf Sarr dans la gestion de la riposte.

Hémicycle pare-feu

Sollicitée aujourd’hui pour arbitrer ces questions de transparence et de reddition des comptes dans la gestion de «Force Covid-19», un fonds crédité de 1000milliards de F Cfa, la représentation parlementaire ne semble pas partie toutefois pour créer la rupture. Pour cause, outre cette motion citée cihaut, l’Assemblée nationale s’était déjà tristement distinguée dans plusieurs autres affaires impliquant des proches du «Macky» par son silence où son soutien. En véritable tribune de défense des tenants du pouvoir. L’on se rappelle ainsi la fameuse affaire des 94 milliards ou le Tf 1451/R, un des sujets brûlants de l’année 2019.

Accusé d’avoir détourné 94 milliards ou le Tf 1451/R appartenant aux héritiers de feu Djily Mbaye par le leader de Pastef, Ousmane Sonko, l’ancien patron des Domaines Mamour Diallo, responsable apériste de Louga, a été blanchi par une Commission d’enquête parlementaire. Seulement, quelques jours après la publication de son rapport, Ousmane Sonko qui avait également déposé une plainte auprès de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) a annoncé que cet organe a saisi à son tour le parquet de Dakar pour qu’il enquête sur de «possibles cas de détournement de deniers publics » visant l’ancien Directeur des Domaines, Mamour Diallo, et autres. Outre cette affaire, il y a eu également et de triste mémoire le dossier des contrats pétroliers et gaziers où le frère du président de la République, Aliou Sall, a été cité par une enquête de la chaine Bbc dans un «Scandale à 10 milliards».

Malgré le débat qu’a suscité cette affaire du fait de l’utilisation présumée de faux rapport de présentation dans l’attribution des blocs pétroliers et gaziers à l’homme d’affaires Frank Timis pour lequel travaillait Aliou Sall sans parler des fortes sommes d’argent en jeu, l’Assemblée nationale avait plutôt adopté la position de spectateur dans cette affaire. Aujourd’hui, à l’ère du nouveau coronavirus, la représentation parlementaire est encore interpellée dans son rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Dans l’espoir qu’elle ne soit pas aussi… «covidée » !

 


Sud Quotidien

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