Quand le populisme s’en mêle ! (Par Moustapha Diop)

Tout devient si simple à comprendre !

Réflexion de Moustapha Diop, Quand le populisme s'en mêle, Moustapha Diop - EnseignantLe gris et ses nuances s’estompent, ils deviennent les couleurs de la tenue des neutres, ces sournois dissimulés dans la masse ou la nasse et, qui doivent être rapidement identifiés et marqués au fer rouge. Ces hypocrites doivent être abattus pour la naissance de la nouvelle République des saints et autres vertueux.


La vie prend alors les couleurs du trop noir ou du blanc éclatant. Il n’y a plus que des opprimés, des assujettis, des soumis d’un côté et de l’autre, des bourreaux, des oppresseurs, des dominateurs, comme jadis les bourgeois et les prolétaires. Ou comme dans l’Allemagne nazie, les aryens et les autres !
Alors, selon l’opinion défendue par les uns ou les autres, les voisins se regardent en chiens de faïence dans la boutique de l’épicier ou à la mosquée, les collègues se boudent au bureau et les frères s’entre-déchirent au déjeuner familial ! C’est l’inimité et l’agressivité qui s’installent dans le débat public !


Alors on allume une ignition dans les esprits de la masse martyrisée et spoliée par le système afin qu’elle daigne se révolter enfin, qu’elle déchire son bac et, flambe la fac qui n’est après tout qu’un attrape-nigaud inventé par l’élite corrompue et complexée du système qui n’a rien d’autre à proposer qu’un piètre « lux mea lex » ! Alors on allume le grand bucher pour l’autodafé du discernement et de la lucidité !


Quand le populisme s’en mêle…
Il n’y a plus de vérité et de mensonge, il s’agit de choisir son camp. Le bon ou le mauvais. C’est tout ! D’ailleurs, le faux porte les habits du vrai et cette dernière ressemble fort bien à l’approximatif. Et de toute façon les plus habiles peuvent faire d’un grand mensonge une vérité si évidente à voir. L’ivraie est comme le bon grain. Les algorithmes et l’efficacité des « spins doctors », les nouveaux Goebbels des RS, se chargeront du reste : transformer un habile mensonge en une vérité tellement crédible que même les élites l’avalent avec leur café la main sur le Coran ! Alors certains brillants oulémas et intellectuels cherchent des arguments pour défendre l’inconséquence dans laquelle est plongée leur chapelle fortement ébranlée par des contre-vérités. Les communicants et les chroniqueurs entrent en scène. Jusqu’aux amuseurs publics…
Alors les masses suivent. A quoi bon se poser de questions ? Ces prêcheurs si savants ont déjà tout dit avec tellement de brio que seuls les maudits neutres peuvent encore se permettre de douter !


Alors les pyromanes et casseurs obtiennent carte-blanche ! Magasins, stations, bus de transport, TER, et BRT peuvent bien pillés et embrasés en l’honneur de la révolution ! Pas la peine de pleurer sur le sort des commerçants et usagers ! Pas la peine de s’apitoyer sur celui de ces victimes confortablement assises dans un bus, pianotant sur les claviers de leurs smartphones. Ce sont les victimes qui ont été du mauvais côté de l’histoire de la mère « des batailles de la République ». Un peu triste ? Non, c’est juste le prix à payer pour se débarrasser du colon et de ces toubabs noirs !

Et tant qu’on y est, avez-vous une idée du nombre de personnes arrêtées, torturées, portées disparues, emprisonnées ou simplement, tuées par le système et ses FDS ? Ce sont eux les vraies victimes, les martyrs, que dis-je, ce sont les héros ! Ceux qui méritent compassion et empathie de toute la nation pour ce sacrifice ultime lors de la première vague, la plus dévastatrice et de la deuxième, aussi meurtrière que destructrice.


Mais la bonne nouvelle est que déjà les femelles qui sont très fertiles, sont encore en chaleur et vont bientôt mettre bas ! Et après la révolution, ce sera le Baby-boom !
En attendant le grand soir, la révolution a bien sonné ! Et Dakar sera Ouaga ! C’est le désir du maître, la volonté du commandant en chef dont les ordres sont prophétiques, et à exécuter sans murmures. Et que ça saute ! A-t-on idée de remettre en cause la décision d’un demi-dieu qui a remplacé ces banals « citoyens ordinaires » de marabouts dont on a coupé les chapelets ?
Ce pays a la chance d’avoir cet homme qui adore tellement sa patrie qu’il abandonne ses deux épouses et ses enfants des jours, tant sa passion pour « son » pays, avec lequel il est en fusion, est intense ! Walay ! Ce grand leader, qui a tant servi son peuple et qui a tout enduré pour celui- ci. Jusqu’à sacrifier le bac de son enfant ! Vous imaginez-vous cela ? Quel homme ! On a la chance d’avoir du trois en un : Mamadou Dia, Lumumba et Nkrumah, réincarnés en un seul être. Unique dans l’histoire. Et pas question cette fois-ci de rater cette occasion !


Les mélodies des chansons montent dans tous les quartiers, dans tout le pays, et bien au-delà : « sortez donc voir votre père, celui que ses pairs adulent » !
C’est bien connu et bien accepté de tous, cet homme ne peut être qu’un saint. Un saint parmi les saints. Et pour son repos de guerrier, il ne dédaigne pas les extras et la bonne compagnie : nuisettes et perles, ainsi que les bains chauds dans les jacuzzis où se mêlent les effluves ensorcelants de menthe et de miel ainsi que les gémissements doucereux.
En attendant, courage à tous les révoltés qui se battent. C’est déjà l’heure de gloire de la révolution ! Eureka ! On est presque au bout du tunnel ! Et la voix est libre. Youpi ! La capitale de l’Union africaine devient non plus, Freetown ou Libreville les bien nommées, non plus Addis ou Tripoli les rebelles, mais Saint-Pétersbourg ! Le Moré a déjà remplacé le Français, et sur nos tables, la vodka a pris la place du champagne, comme le caviar celle du fromage dans nos assiettes ! Les guerriers de Wagner sont aux avant-postes pour faire le ménage et nettoyer le pays de ces Djihadistes qui pullulent !


La généreuse Russie, la grande sœur protectrice de l’Ukraine, est devenue un pays-ami. Avec sa sublime bannière bleu-blanc-rouge, elle qui nous donne des cargaisons de blé si gracieusement et nous rassure contre tout impérialisme.


Et on chante en cœur : à bas la Macron-nie ! Vive la Ras-Poutinie.
Le Général Tchani parade. Il est devenu le « petit père des peuples », le sauveur que la foule sort acclamer ! Les capitaines commandent les armées ! Regardez comment Traoré, si téméraire et si magnifique, a réussi à ressusciter Sankara ! La bataille d’El-Alamein va bientôt entrer dans les oubliettes, il faudra désormais parler que de celle de Niamey.
Quand le populisme s’en mêle, c’est la belle époque de Zorro. Mais avec des prestidigitateurs qui sont si habiles qu’ils transforment, selon la saison, les héros en zéros. Et vice versa.

 

Auteur : Moustapha Diop – Enseignant

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