Les desserts de Macky Sall ou la preuve d’une amnésie collective

C’est passé inaperçu. Nous sommes aujourd’hui le 29 Juillet 2020. Et si on pouvait remonter le temps d’un jour et de deux ans, nous verrions un peuple tout ébahi par la mémorable bourde communicationnelle de son Président. En effet, le 28 Juillet 2018, Macky Sall réalisait l’exploit d’entrer à jamais dans l’histoire du Sénégal. Disons, l’exploit d’y entrer une troisième fois, après celui d’avoir été élu et réélu à la tête du pays. Mais, d’une troisième entrée qui n’est pas des plus voulues par qui veut rester à jamais gravée dans la mémoire collective avec une image reluisante...

 


Mémorable, avait-on dit ! Certes, mémorable est l’erreur en question, voire spectaculaire ! Mais, elle n’est certainement pas mémorisée. Du moins, pas par toutes et par tous. Si c’était le cas, on en aurait parlé, cette année. C’est à considérer que la mémoire collective sénégalaise souffre d’une profonde amnésie. Ne s’est-il pas offusqué, le peuple, après que son Président ait dit, citons-le : les français sont nos amis car  » les tirailleurs avaient droit à des desserts, alors que les autres Africains n’en avaient pas ». Ah, cessez donc de remuer le couteau dans la plaie, nous dira-t-on ! On peut même avoir droit à un désintéressé « la passé, c’est le passé ». Nulle intention de remuer quelque métal que ce soit dans quelque cicatrice que ce soit. Si l’on veut, c’est une manière de dire que l’oubli est certes humain, mais, qu’il est surtout et avant tout sénégalais. Dire par conséquent que l’homo senegalensis ne semble avoir d’indignation que celle momentanée, qui n’a d’avenir que dans les goulags…de l’oubli. Qui sait, il se peut que la Tabaski ait confisqué l’attention de tous.

 


Retour donc en arrière, par devoir de mémoire, comme dirait un historien. Pas sur la « boutade », ainsi qu’avait défendu le chef du service de communication d’alors, El Hadji Kassé, mais plutôt sur les réactions. En réaction donc, le quotidien le Quotidien parlait de « révisionnisme » (un terme très chargé en matière historique, demande qui veut à Robert Forisson), en soutenant qu’il nécessitait de « demander des comptes à Macky Sall, qui a trouvé des bénéfices à la colonisation.» Seneplus, de son côté, a titré ou a tiré (c’est selon) : « Macky Sall insulte la mémoire des tirailleurs sénégalais.» (Bien sûr, l’idée n’est pas ici d’attaquer les journalistes des médias cités. Loin de là !). Nombreuses ont aussi été les réactions, plus acerbes les unes que les autres. Palpable a été l’indignation sur les réseaux sociaux. Et deux ans après, la réaction s’est tue. La plaie s’est cousue. Qu’on nous prête le couteau, s’il le faut…

 


De l’eau a coulé sous les ponts. Une certaine eau qui a emporté dans son passage Monsieur Kassé cité plus haut : il n’a plus le même statut, lui qui a lancé en ces temps-là que le Président n’avait aucune « intention de faire l’éloge de quelque épisode colonial que ce soit.» S’il a été permis de qualifier Macky de révisionniste, rien n’empêche du coup de caractériser d’amnésique (et à raison nous pensons) la mémoire collective sénégalaise. Vivons dans l’oubli. Cela est bon. Cela est beau. Cela est mieux en fin de compte, pour la tranquillité des esprits. Comme disent les wolofs, ku fàttaliku soxor… Il en est ainsi des sociétés où le caractère événementiel des choses prime sur leur réalité historique. Rien ne s’y ancre, ou presque rien. Toute s’y passe, et passe, comme ça, banalement. Ceci caractérise les entités sociales amnésiques, du nombre desquelles figure le pays de la Téranga. 



MOUSSA SECK – laviesenegalaise.com

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