La loi sur le parrainage: une loi inconstitutionnelle et inopportune!

Avec l’adoption de la loi constitutionnelle n 2016-10 du 5 avril 2016 à travers le référendum du 20 mars 2016, le Constituant sénégalais a considérablement élargi les dispositions intangibles de la Constitution. En plus de la classique forme républicaine de l’Etat, l’alinéa 7 de l’article 103 de la Constitution ajoute que  » le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. » En vertu de cette disposition, le projet de loi sur le parrainage pose un sérieux problème de constitutionnalité.Adama Daouda BA, Contribution sur la Loi sur le Parrainage

Loin d’être animé par un pédantisme qui nous pousse à vouloir trancher une controverse doctrinale entre des voix autorisées de la chose constitutionnelle, il convient d’affirmer mordicus que le parrainage est une violation flagrante, délibérée et préméditée de la Constitution du 22 janvier 2001. En effet, contrairement à ce qu’a affirmé un Éminent Professeur de droit devenu Politicien, le parrainage concerne bien le mode d’élection.

Opérer une distinction entre mode d’élection et mode de scrutin peut être simplifié par la définition de chaque notion . En droit constitutionnel, le mot scrutin désigne l’ensemble des opérations de vote et des modes de calcul destinés à départager les candidats aux élections. Le scrutin ne concerne que les opérations de vote qui, elles, sont incluses dans le processus électoral. Par exemple, l’article 33 de la Constitution vise inexpressis verbis le scrutin qui « a lieu le dimanche ». L’élection renvoie au Mécanisme de désignation des titulaires d’un mandat par les électeurs. Donc, elle prend en compte toutes les phases qui vont aboutir à un choix. Il ressort de ces définitions que le mode d’élection ne peut être assimilé au seul mode de scrutin alors que le mode de scrutin fait partie du mode d’élection. Par conséquent, même les conditions de recevabilité évoquées pour essayer de justifier la constitutionnalité de la loi sur le parrainage flanchent du fait du mode d’élection auquel fait allusion l’article 103 al 7 de la Constitution. A cette inconstitutionnalité, s’ajoute le caractère inopportun du parrainage dans le but de se débarrasser des candidatures fantaisistes.

Parlant de la décentralisation au Sénégal, le Professeur de droit public feu Mayacine Diagne faisait remarquer que nous avons les meilleurs textes législatifs en matière de politique de décentralisation dans la sous-région. Selon lui, le problème était surtout lié à l’application des textes. Ce point de vue du rapporteur du comité de pilotage de l’acte 3 de la décentralisation peut aisément être adapté aux partis politiques. La quasi-totalité des partis politiques au Sénégal ne se conforment pas à la loi n 81-17 du 06 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n 89-36 du 12 octobre 1989. En effet, note le Grand Constitutionnaliste Babacar Gueye « Si l’on appliquait réellement les dispositions de la loi de 1981, beaucoup de ces partis disparaîtraient purement et simplement ». Malheureusement, la loi sur les partis politiques souffre de son inapplication. Celle-ci est, à notre avis, la principale raison à la base de ce nombre excessif de partis politiques et, par ricochet, de toutes ces pléthores de candidatures aux différentes élections.

En réalité, Il ressort des dispositions des articles 2 à 5 de la loi du 06 mai 1981 modifiée par la loi du 12 octobre 1989 qu’il est fait obligation à chaque parti politique, outre les formalités relatives au fonctionnement des associations, prévues par le Code des obligations civiles et commerciales, «de déclarer sans délai toute modification apportée à ses statuts, et au plus tard dans les huit jours qui suivent la date anniversaire du récépissé de ses statuts, les prénoms, noms, profession et domiciles de ceux qui, à titre quelconque, sont chargés de son administration». Et en rapport au financement des partis, la loi 81-17 du 06 mai 1981 relative aux partis politiques modifiée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989 dispose clairement que ces derniers sont tenus «de déposer chaque année, au plus tard le 31 janvier, le compte financier de l’exercice écoulé. Ce compte doit faire apparaître que le parti politique ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs des adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations… ». Si on appliquait la seule obligation de dépôt annuel du compte financier, il resterait peu de partis dans le landerneau politique.

De plus, essayer de mettre sur un même pied les partis politiques et les candidats indépendants, c’est ignorer le fait qu’en réalité, la conquête et l’exercice du pouvoir sont essentiellement reconnus aux partis et coalitions de partis. Ainsi, aux termes de l’alinéa 1 de l’article 4 de la Constitution, « les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage… ». L’essence du parti politique réside dans la capacité de conquérir et d’exercer le pouvoir; c’est ce qui fonde sa légitimité. De ce fait, il ne peut exercer ses prérogatives constitutionnelles au même titre qu’un Citoyen à qui le parrainage est imposé pour prouver cette légitimité populaire permettant d’aspirer à un mandat électif. A cela, s’ajoute ce qui peut être considéré comme étant les paradoxes du parrainage:

1)Si la loi sur le parrainage entre en vigueur, le nombre de signatures requis pour les candidats indépendants passera de 10000 à 65000 soit 1 pourcent du fichier électoral. Donc, c’est tout à fait aberrant de défendre l’idée que cette loi arrange les candidats indépendants du seul fait de l’égalité de traitement entre les candidats indépendants et les partis politiques.

2) Concrètement, cette loi ne permet pas efficacement de mettre fin aux candidatures fantaisistes. Volens nolens, seul 1 pourcent de ceux qui sont sur le fichier électoral doit parrainer une candidature. Et si plusieurs candidatures étaient parrainées en même temps???

En réalité, les seules raisons qui sous-tendent ce parrainage sont politiciennes. Avec l’instrumentalisation de la justice à des fins de règlement de comptes politiques dans le seul dessein de réduire toute velléité d’opposition « à sa plus simple expression », le parrainage est un moyen efficace d’organiser la pénurie de candidats. Ainsi permet-il de mettre à l’écart toux ceux qui ne pourraient être envoyés en prison du fait de leur passé politique. Le peuple est averti. Si cette loi passe, c’est un attentat contre la démocratie et l’Etat de droit qu’il aura cautionné.
M19!

BA Adama Daouda
Citoyen Sénégalais
Apprenti Juriste
Etudiant en droit public à l’Université de Reims Champagne-Ardenne!
Adresse: sankara080495@gmail.com

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