Au Sénégal, à Thiancone Hiraye, MDI Technologies crée un écosystème entre activité et aide aux populations

Deuxième incursion à Thiancone Hiraye au Sénégal. L’entreprise rouennaise MDI Technologies (ingénierie industrielle) conduit un projet de zone d’activités qu’il conjugue avec approche sociale et humanitaire, visant une sorte d’écosystème où tout est inséparable. Entretien avec Françoise Bultel, responsable du développement chez MDI.

MDI a décidé d’accompagner le village de Thiancone. De quelle manière ?

Françoise Bultel « Il y a un peu plus d’un an, quand notre projet d’activités émergeait, nous nous sommes rendu compte des manques dans le village, de son dénuement. Nous avons découvert une école vide avec plus de 500 enfants qui travaillent assis par terre, sans cahier, sans livre. Nous avons visité une case santé où il y avait juste un paquet de coton et deux boîtes de Doliprane… Mamadou Diop le dirigeant de MDI, lorsqu’il est rentré à Rouen, s’est dit : j’appelle tous mes copains, et je vais leur dire qu’il faut faire quelque chose. Il en a contacté une trentaine, et chacun est arrivé avec des bureaux, des livres, des cahiers, des vêtements, des casseroles, tandis que Mamadou achetait une trentaine d’ordinateurs. Tout ça pour apporter un peu plus de confort aux gens du village ».

Deux conteneurs sont partis du port du Havre. Où sont-ils aujourd’hui ?

« Le premier, de douze tonnes de marchandises, est arrivé fin janvier 2018. Et trois mois après, nous avons rempli un autre conteneur de 10 tonnes qui est arrivé l’été dernier. Nous avions là encore beaucoup de chaises, de bureaux, énormément de livres, des protèges cahiers, des stylos, pour équiper les classes, de la petite classe de primaire jusqu’au CM2 même si notre vœu le plus cher est d’aider à ouvrir des maternelles ».

Faute de dispensaire, que devient la case santé ?

« Nous avons récupéré des lits médicalisés dans les résidences de personnes âgées en France, car ils étaient remplacés. Des fauteuils roulants aussi, des cannes, des chaises, des tables… Rien n’est neuf, ce n’est que de la récupération. Mais pour le village, c’est énorme. Plus généralement, le mobilier peut équiper des maisons, des chambres car ici les gens dorment par terre. Et puis dans le village, il y a beaucoup de handicaps. Mais on ne les voit pas, les handicapés, ils restent chez eux. Il faut les aider ».

Depuis l’arrivée des conteneurs, quelles différences avez-vous constaté ?

« Pour l’école, une orchestration magnifique de la part des enseignants… Et puis il y a le bonheur et la joie des enfants qui chantent dès qu’on entre dans leur classe, nous remercient. Quant à la case santé, elle offre de meilleures conditions sanitaires. Six personnes travaillent ici pour zéro franc CFA, reçoivent les gens qui ont besoin d’un cachet, d’un soin, et qu’on les écoute ».

Trois quarts des 2 000 habitants du village sont sans revenu, et la moitié de la population est constituée d’enfants que vous accompagnez. Pour faire quoi plus tard ?

« Nous nous battons pour eux, avec trois projets. D’abord avec la construction d’une activité de fours solaires. Aussi avec la fabrication de pièces de précision destinées aux industries sénégalaise. Et enfin, à plus long terme, un projet de récupération et de traitement des déchets. Si nous démarrons vite, les gens pourront travailler. Les enfants pourront s’équiper davantage, grandir comme il se doit, se former, travailler ensuite. »

C’est une sorte d’écosystème que vous prônez ?

« Exactement. Nous avons conscience que dans cette grande région de Matam, il y a beaucoup de gens qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter. Mais nous allons travailler pour qu’ils puissent ramasser du plastique, être rémunérés en fonction du poids ramené ».

N’est ce pas aussi une façon d’inciter les gens à rester dans la région, plutôt que de les laisser nourrir un désir d’ailleurs ?

« Les villageois n’ont pas forcément envie de partir à Dakar, voire à l’étranger. S’ils le font, c’est par dépit. Nous ne voulons pas de ce dépit, mais les encourager à travailler ici, à fonder des familles comme avant, mais en se donnant d’autres moyens pour manger, pour apprendre, pour vivre décemment ».

Écoutez l’entretien avec Françoise Bultel :

Entreprendre, c’est convaincre

Après une semaine dans le village familial du Sénégal, l’entrepreneur normand Mamadou Diop fait le point sur son projet d’activités.
 
Si, depuis Rouen, MDI Technologies (200 salariés) veut prendre le virage de l’innovation technologique, de l’intelligence artificielle, de la maintenance prédictive, entend accélérer la croissance externe au-delà de ses implantations actuelles (Maroc et Turquie), l’entreprise mise résolument sur le Sénégal. « Certes, il y a un fort attachement au village de Thiancone Hiraye, loin de Dakar, mais je pense qu’il y a aussi un vrai potentiel de développement dans cette région du Fouta. Assembler des fours solaires, usiner des pièces mécaniques de précision, créer un centre de récupération et de tri des déchets est notre ambition, avec à la clef 200 emplois d’ici 2019, et beaucoup plus à terme », annonce Mamadou Diop.
Mais le temps économique n’est pas le temps politique, particulièrement au Sénégal. « Nous n’avons que quelques mois pour convaincre tout le monde, au premier chef le maire et la municipalité d’Oro dont dépend le village. Ce sont eux qui doivent délibérer pour l’attribution des terres. Nous avons besoin de 500 hectares pour mener à bien les trois activités ».
Des terres sensibles
Ces terres, elles appartiennent à l’État sénégalais, mais sont mises à la disposition des communautés. « C’est à elles de prendre la décision,confirme le gouverneur de la région de Matam, Oumar Mamadou Baldé. Rencontré à Dakar vendredi dernier, il confie « être heureux de l’échange avec MDI », ajoute qu’il « s’engage à accompagner le projet jusqu’à la limite de ses compétences ». Parce que la question des terres, même si elles n’accueillent aucune activité, est sensible dans cette région d’éleveurs de chèvres, de bœufs… Le gouverneur précise sa démarche : « Nous allons être diplomates mais dans une démarche de persuasion ».
L’arrivée de MDI au Sénégal se fait dans un contexte d’élection nationale, le président de la République sortant Macky Sall briguant un nouveau mandat en février prochain. S’il a fortement contribué au développement économique de la région de Dakar, la presse sénégalaise suggère que le Fouta a été un peu oublié, alors que le président en est originaire.

Écoutez l’entretien avec le gouverneur Baldé

Mamadou Niang parmi les recrues locales

Au Sénégal, à Thiancone Hiraye, MDI crée un écosystème entre activité et aide aux populations

Mamadou Niang, 40 ans, vit avec sa femme et ses trois enfants dans le village de Thiancone Hiraye, à 30 km de la frontière mauritanienne. Aujourd’hui, il est essentiellement basé à Diamniadio près de Dakar, compte parmi les dix recrues de MDI Sénégal. Pour lui, une nouvelle vie commence.
« J’étais sculpteur sur bois d’ébène. Je faisais des statuettes, des masques…, que je vendais à Mbour, à environ 400 km du village. J’ai fait ça pendant pendant 13 ans, mais j’en vivais mal, surtout pendant la saison des pluies car il n’y avait plus de transport possible ». Et puis il rencontre l’entrepreneur normand Mamadou Diop par le biais de Yero Diop, son père. « Le premier voyage que Mamadou Diop a fait ici pour son projet, j’ai fait le traducteur. Je parle wolof, poularr (langue des Peuls) et le français. On faisait le tour des villages pour dire qu’il avait envie d’investir ici, dans des fours solaires notamment. Il m’a dit de choisir des jeunes compétents, sachant lire et écrire. Il m’a chargé de faire du recrutement… Au bout du compte, il m’a embauché en juin 2018 comme recruteur, avec quatre autres du village ».
Depuis qu’il a décroché un CDI, Mamadou Niang confie qu’il « vit beaucoup mieux… C’est plus confortable pour ma famille. Et mon propre père me considère davantage car je gagne mieux ma vie, avec une mutuelle en plus du salaire. Mes enfants peuvent aller à l’hôpital à Oroussogui, et je ne paie que 10 % ». Mamadou Niang songe à Yero Diop, l’ancien de Renault à Cléon, aujourd’hui retraité, qui fait beaucoup pour le village. « Je pensais bien que son fils Mamadou ferait quelque chose ici… L’électricité par exemple, c’est grâce à Mamadou ».
Le point sur les besoins de l’école, avec son directeur Adama Barry
Avant, les élèves étaient par terre. Mais ça, c’était avant les conteneurs MDI apportant bureaux, livres, cahiers...
La case santé est animée par des bénévoles. Pour devenir un dispensaire, il lui faudrait une infirmière diplômée
La seule et unique armoire à pharmacie du village, avec des produits de base. En cas de problème important, il faut aller à l’hôpital d’Ourossogui à 7km du village, à condition de trouver un véhicule    
Les enfants sont la richesse de Thiancone Hiraye. Il leur faut une bonne éducation, et un avenir par le travail
Mamadou Diop, dirigeant de MDI, avec son père Yero
        Marc BRAUN – Paris-Normandie.fr
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