FRONT DE TERRE : difficile cohabitation entre commerçants et riverains

D’hebdomadaires, certains marchés de la capitale sont devenus permanents, à l’image de Sandaga, Hlm ou Colobane. Dévoyés de leur périodicité initiale, ils sont devenus des voisins indésirables au niveau de certains quartiers comme Khar Yalla. Se tenant sur des espaces étroits, ils gênent, en effet, la quiétude des riverains. Mais, ils ont également des conséquences négatives sur l’environnement et la sécurité routière.  FRONT DE TERRE, Reportage, Marché, image illustration

Toutes les semaines, le marché hebdomadaire de la route du Front de Terre, communément appelé «marché samedi» attire du monde. Créé à l’initiative de la commune d’arrondissement de Dieuppeul-Derklé, en accord avec le groupement des commerçants du secteur informel, il est devenu, hélas, quotidien. Plus que le seul samedi qui leur était dédié, ces vendeurs investissent, en effet, maintenant les lieux tous les jours de la semaine. Ce qui n’est pas du goût des riverains.

Il est 17 heures passées de quelques minutes. La fraicheur tombe sur la capitale, coïncidant avec l’heure de la descente. L’endroit est animé. Des tables équipées de produits, des tentes entourées de sacs, des brouettes qui servent de tables pour certains, des chaussures posées par terre etc. sont alignées tout au long du terre-plein central des deux voies menant à Liberté 6, rendant ainsi l’accès difficile en plus de l’insalubrité qui prévaut sur les lieux.

Trouvé debout sous sa tente, Serigne Diop est vendeur de foulards. La trentaine révolue, teint noir, taille moyenne, il soutient être en ces lieux dans le but de trouver les moyens pour, plus tard,  ouvrir un magasin. «Le prix du loyer a augmenté et le commerce ne marche plus comme avant. Je préfère payer des taxes qui s’élèvent entre 150 et 200 francs Cfa que de payer chaque mois le loyer pour un magasin. Comme je n’ai pas les moyens, je suis obligé d’investir les lieux tous les jours, sauf le samedi. Ce jour, réservé au marché hebdomadaire, je me déplace vers d’autres lieux», révèle Serigne Diop que la rareté des clients a fini de déprimer. Selon lui, la taxe à payer le jour du marché est plus élevée. «Mais, si c’est la fin du mois, je reste car les clients viennent en masse», indique Diop qui se plaint de la cherté des charges.  «En plus de la location, on paie aussi les gens qui nettoient les lieux. Ce qui rend les frais un peu exorbitants», explique-t-il.

A quelques mètres de là, Tapha Sèye, vendeur de sacs, trouvé en pleine discussion avec ses collègues commerçants, abonde dans le même sens. «Nous occupons les lieux par nécessité. Nous avons quitté le village pour gagner notre vie. Mais, ici, tout est cher et nous avons beaucoup de charges. Avec nos maigres moyens, nous ne pouvons pas à la fois payer le loyer de la chambre, la popote, envoyer de l’argent aux parents et prendre un magasin en location», explique-t-il en gesticulant.

Complaintes des riverains

Si ces marchands tentent de gagner leur vie à travers ce «business», les riverains, eux, se plaignent de cette cohabitation. Trouvé assis sur sa chaise près de la porte de sa maison, ce septuagénaire nommé Mansour Faye se dit outré par ce voisinage. «Ils sont là tous les jours et ils ne nettoient pas les lieux à leur descente. En plus de cela, au lieu de demander la permission aux riverains pour leur permettre d’utiliser leurs toilettes, ils se soulagent partout, aux alentours du mur de l’école, des maisons, etc. sans se soucier de personne. Ainsi, je suis assis là pour les empêcher de le faire sur les murs de ma maison», déclare le vieux Mansour Faye, la mine sévère.

Mamyna Dramé, agent de sécurité, est trouvé devant le portail des locaux où il officie. La trentaine, casquette bien vissée sur la tête, habillé de sa tenue de travail, Dramé confie qu’il est outré par les va-et-vient des vendeurs qui utilisent les toilettes de son service pour assouvir leurs besoins. «Du matin au soir, ils viennent solliciter nos toilettes. Certains versent de l’eau quand ils sortent, d’autres pas. Ce qui n’est pas facile à gérer et me pousse parfois à être sévère avec eux car je ne suis là que pour le travail et je ne veux pas être grondé par mon patron à cause d’un défaut d’entretien des toilettes», lance Mamyna Dramé. Qui poursuit : «Avec l’insécurité qui règne un peu partout dans notre société, par mesure de sécurité, je suis obligé de limiter ces personnes qui sont d’origines diverses  pour assurer ma vie et celle des autres.»

PAPE MADIOP DIOP, CONSEILLER DU MAIRE DE DIEUPEUL-DERKLE

«En dehors du samedi, les autres jours sont considérés comme des occupations illégales, sauvages»

L’occupation de la voie publique n’est autorisée par le maire qu’à partir de deux demandes. Il s’agit du permis de stationnement et de la permission de voierie à titre précaire et révocable, tenant compte des intérêts de la population. C’est ce que renseigne le conseiller du maire de Dieuppeul-Derklé, Pape Madiop Sarr. Le marché hebdomadaire du Front de Terre, dit-il, se tient selon certaines normes. «Nous avons signé une convention avec une société dénommée Mads qui s’occupe de l’entretien du marché uniquement les samedis avec des règles bien précises. Celle-ci prend en charge l’occupation rationnelle de l’espace et de la voie publique qui doit se faire conformément aux dispositions légales et réglementaires afin que la libre circulation des personnes et des biens ne soit pas entravée. Egalement, elle prend en charge la sécurité et le nettoyage du site après la tenue du marché hebdomadaire de samedi», indique M. Sarr. Qui poursuit : «Les autres jours sont considérés comme des occupations illégales, sauvages».

Selon lui, tout ce qui est sécurité et qui est une préoccupation des riverains relève de l’Etat central. «Nous avons planté des arbres sur la voie publique pour éviter que ces commerçants ne s’installent définitivement. Malheureusement, nous n’avons pas toute la logistique ou les ressources humaines nécessaires pour être partout. Néanmoins, nous faisons le maximum pour les empêcher de stationner ici», soutient-il.

En ce qui concerne l’environnement, le conseiller du maire déplore le manque de civisme noté chez ces commerçants. «Nous ne pouvons pas installer des toilettes partout car ils ne pourront pas les entretenir après. Cela a été expérimenté dans le centre-ville mais a fait long feu», déplore-t-il.

  • Walf Quotidien
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