Pape Abdoulaye Seck, ministre de l’Agriculture : «L’état a réuni les ingrédients pour l’auto-suffisance en riz»
La question de l’autosuffisance en riz en 2017 a constitué la trame de l’entretien que le ministre de l’Agriculture a accordé au journal Le Quotidien. Faisant le détail de tous les efforts accomplis par les pouvoirs publics, M. Seck indique que l’objectif du riz local pour tous demande néanmoins un effort solidaire de tous les acteurs de la filière.
Monsieur le ministre, quels sont les chiffres exacts de la production du riz cette année, parce que sur ce point, il y a une polémique, avec des «spécialistes» qui affirment que les chiffres sont de loin inférieurs à ce qui a été avancé ?
Nous pouvons commencer par donner des éléments concernant les chiffres, tout comme on peut entrer dans le fond du sujet, c’est-à-dire voir si nous sommes dans la bonne direction ou pas. En ce qui concerne les chiffres, nous avons dit et répété plusieurs fois que les pays de la Cedeao et la Mauritanie ont une méthodologie commune de collecte des statistiques. Et des organes de validation existent au niveau national, régional et international.
Dans ce cadre, tous les chiffres publiés par le Sénégal sont passés par ce processus. On est en mesure de vous montrer le premier rapport validant les premières estimations du Sénégal. Il n’est pas signé par le Sénégal, mais par le Cilss, la Fao, Fews net (Famine early warning systems network) et d’autres encore… Donc, il y a eu des instances de validation à l’issue de séances de travail et missions de terrain. Ensuite, tout récemment, j’ai été même à la Fao qui s’est approprié ces chiffres. Et je pourrais vous présenter un document dans lequel la Fao estime avoir analysé les statistiques du Sénégal à partir de ce qu’ils appellent le Smiar (Système mondial d’information et d’alerte rapide) et que sur cette base-là, ils n’y ont trouvé aucun problème.
On n’a pas fait autre chose que ce que l’on faisait avant en matière de statistique. Pour 2015, c’est 906 mille 348 tonnes de paddy qui ont été produits, entraînant un accroissement de 62% par rapport à 2014. Ce niveau de performance atteint en deux ans dépasse tout ce qui a été réalisé en cinquante-quatre ans d’indépendance. Ces résultats sont assurément bons et à l’actif de tous les intervenants. Du point de vue de la traçabilité, il n’y a absolument rien à dire. Et je n’ai pas connaissance d’un spécialiste en la matière ayant mis en cause les statistiques avancées.
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Comment êtes-vous arrivés à ces performances ? Est-ce que ces résultats sont pérennes ?
L’agriculture, relevant de la biologie, c’est-à-dire des sciences de la vie et de la nature, il n’y a rien de pérenne. Il faut constamment avoir une veille, une réactivité stratégique et se dire qu’aucun acquis n’est éternel. C’est valable dans ce secteur comme dans d’autres. Pour notre part, nous sommes dans une dynamique de durabilité, c’est-à-dire faire en sorte que les tendances lourdes que nous constatons aujourd’hui concernant la riziculture et qui augurent des lendemains meilleurs pour notre agriculture en général se confirment.
Néanmoins, on est assez curieux de savoir comment le Sénégal a pu accomplir ce grand bond en une année…
Ce qu’il faut surtout noter, c’est que nous ne sommes pas dans un pilotage à vue. Nous organisons la filière rizicole en mettant en œuvre le Pnar (Programme national d’autosuffisance en riz) qui est un document consensuel, validé depuis le 12 février 2014, lors d’un Conseil interministériel ayant regroupé l’ensemble des acteurs. Dans ce document, on avait mis en relief le fait qu’il fallait procéder à des ruptures fondamentales si nous voulons aller de l’avant. Maintenant, en termes concrets, comment cela s’est-il traduit ? D’abord, nous avons tout mis en œuvre pour assurer une bonne diffusion de variétés adaptées et à haut rendement, aussi bien en zone irriguée qu’en zone pluviale.
Le boom qu’on a eu pour la riziculture pluviale n’est donc pas le fait du hasard. Nous avons, grâce aux innovations technologiques, développé la riziculture de bas-fond et la riziculture de mangrove au sud, à Kolda, à Ziguinchor, à Sédhiou, au sud-est à Tambacounda et à Kédougou, ainsi qu’au centre à Fatick, Kaffrine et Kaolack.
Une diffusion raisonnée de variétés performantes et à cycle court a été opérée en fonction des agro-systèmes : les nerica 1, 4, 5 et 6 pour la riziculture de plateau ; L19, S44 pour la riziculture de bas-fond, etc. Ces variétés ont un potentiel de 4 à 6 tonnes à l’ha contre 1 à 1,5 tonne à l’ha avec les variétés traditionnelles. Donc, nous avons mis l’accent sur l’amélioration génétique et les bonnes pratiques agricoles. Cela a payé concrètement parce qu’aujourd’hui, on est en train de voir du riz partout au Sénégal. Nous avons été dans des zones de production encadrées par nos projets, où des producteurs nous ont dit : «On n’a jamais produit du riz ici.» C’est grâce à un facteur de succès, je veux dire l’innovation technologique, que nous avons réussi à faire cela. Ensuite, on s’est dit qu’il fallait renforcer la solvabilité bancaire de nos producteurs. On s’est rendu compte que beaucoup de producteurs étaient surendettés et ne pouvaient pas aller en campagne parce que n’étant pas solvables. Pour lever cette contrainte majeure, l’Etat a pris la décision d’éponger à hauteur de 10 milliards de francs Cfa d’arriérés pour la riziculture, concernant la Vallée du fleuve Sénégal et le Bassin de l’Anambé, pour renforcer la base productive et permettre aux producteurs d’être éligibles.
Nous avons dit aussi qu‘il faut absolument tout faire pour mieux maîtriser l’eau, intrant indispensable pour la pratique de l’agriculture durant toute l’année. En ce sens, entre 2012 et 2015, on a réalisé plus de 127 ouvrages hydro-agricoles. Cela a permis de réhabiliter d’anciens périmètres et d’en créer de nouveaux pour un total d’environ 54 mille ha en zones pluviales et irriguées. En plus de cela, je dois vous dire que nous allons démarrer incessamment, grâce à un projet majeur d’un coût de 38,8 millions de dollars, l’aménagement de 20 mille ha dans le cadre de la coopération avec l’Inde.
Ces 20 mille ha vont concerner Bakel, Matam et Dagana. L’équipe indienne est déjà sur place en train de travailler avec mon département et nos structures opérationnelles comme la Saed. Dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, c’est l’aménagement de 30 mille ha qui est prévu grâce aux interventions du Ppdc. Et dans ce cadre, l’aménagement des 1 000 ha du barrage d’Affiniam va démarrer ce mois d’avril.
En plus de cela, nous avons dit qu’il faut élever le niveau de mécanisation de notre agriculture.
D’ici à 2017, on aura au moins 2 000 tracteurs équipés, en plus de moissonneuses batteuses, de batteuses à riz, etc. Tout cela va représenter à peu près 85 milliards de francs Cfa. Ce matériel sera subventionné à 60%. Là aussi, il ne s’agit pas de projets, car le matériel commence à arriver et il est visible. Dans le cadre des opérations, j’avais parlé tantôt du projet indien. Ce projet a, en plus des aménagements, un volet équipement. Et dans ce cadre, nous allons acquérir des rizeries de grande capacité qui vont traiter 5 à 7 tonnes par heure. Toujours avec ce projet, il y a aussi 500 tracteurs, des moissonneuses-batteuses, des stations de pompage, etc. Tout cela va être disponible au plus tard le 16 juin de cette année.
L’Etat a aussi constitué un fonds de commercialisation de 5 milliards et un fonds de garantie de 3 milliards. Tout cela aussi fait partie des mesures d’assainissement. Sans compter le Conseil présidentiel tenu le 2 février, et qui a permis de prendre, en matière de commercialisation, une décision importante. Dorénavant, les importations de riz sont soumises à autorisation préalable et le quota que l’on peut importer dépend de sa contribution concernant la commercialisation du riz local. Donc, on essaie de faire en sorte que celui qui veut importer participe à la commercialisation du riz local. Et cela explique pourquoi il y a moins de mévente de riz local, contrairement à ce qui était observé les années antérieures. Il y a beaucoup de mesures prises de façon combinée et qui expliquent le boom de la production locale.
Il y a eu un taux de croissance de 62% entre deux campagnes. Mais si on se rapporte à la moyenne des 5 dernières années, on est à une croissance de 83%. Donc, il y a une volonté politique forte. Nous avons beaucoup investi dans cette riziculture. Il y a un engagement des acteurs à vouloir produire plus et mieux. Il y a aussi l’utilisation des innovations technologiques pour exploiter de façon optimale nos écosystèmes. Tout cela explique précisément pourquoi il y a un boom de la riziculture au Sénégal.
Comment avez-vous pu convaincre les commerçants locaux à vendre ce riz ? Est-ce que le riz local est rentable ?
Le riz local est absolument rentable. La meilleure façon de convaincre les gens, c’est d’assurer la qualité. Il y a une amélioration substantielle de la qualité du riz local. En tout cas, tous ceux qui ont commencé à consommer ce riz ne veulent plus du riz importé. Cette préférence résulte d’abord d’une meilleure qualité organoleptique (variété aromatique et autres) et de la plus grande digestibilité de notre riz. Il s’y ajoute la fraîcheur du riz local qui contraste avec la très longue durée de conservation du riz importé, provenant généralement de vieux stocks de qualité sanitaire et diététique non garantie. Donc, si on arrive à assurer une bonne qualité, et c’est ce qu’on est en bonne voie de faire, en montant des rizeries partout dans le pays, nous gagnerons le pari de l’autosuffisance rizicole. Et je m’étais permis de dire à un de vos confères que «thiébou mbay mi», c’est un non-sens, car tous les riz sont cultivés. Donc, le riz local, on peut l’appeler «moss doli» parce que tous ceux qui y ont goûté en demandent encore.
Vous avez signalé une grande croissance en termes de riz pluvial. Celle-ci pourra-t-elle se poursuivre si d’aventure la pluviométrie venait à changer ?
Une agriculture, c’est une combinaison de plusieurs facteurs. L’eau constitue une condition nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Il faut combiner l’eau avec des intrants (semences et engrais) de qualité, assurer une bonne protection des cultures et réduire les pertes à la récolte et celles post-récoltes, entre autres. Nous sommes à l’ère du changement climatique et le Sénégal est un pays sahélien soumis, plus que d’autres zones, aux risques de déficit pluviométrique. Ce qui veut dire qu’on peut avoir une bonne pluviométrie une année, et une pluviométrie faible une autre année. Nous sommes conscients de cette situation que nous intégrons comme donnée majeure, en concevant nos stratégies et plans d’action. Nous savons que les campagnes agricoles se suivent, mais ne se ressemblent jamais. C’est pourquoi nous les préparons en suivant et analysant de près les prévisions météorologiques pour concevoir et mettre en œuvre un programme adapté à chaque situation. C’est ce qu’on appelle en termes clairs s’adapter au changement climatique pour développer une résilience durable. Si on pouvait dès le début du mois de mai connaître le profil pluviométrique, on pourrait en fonction de cela ajuster nos stratégies. Nous souhaitons qu’il pleuve beaucoup. Mais si tel n’est pas le cas, nous allons nous adapter en fonction des connaissances et des technologies dont nous disposons.
Donc quels que soient le temps et les conditions climatiques, le Sénégal peut-il avoir son riz local ?
Il ne faut pas dire quel que soit on aura toujours, mais plutôt, il faut toujours être en mesure de tirer le tiroir qu’il faut en fonction de l’analyse qu’on fait. Mais une probabilité égale à l’unité n’existe pas en agriculture. Il y a toujours la gestion des risques. Mais ceux qui gagnent sont ceux qui arrivent à minimiser les risques. Et c’est ce que nous faisons en fonction des connaissances et des technologies dont on dispose. C’est ce que nous avons fait en 2014 avec, malgré la confirmation d’un déficit pluviométrique annoncé par les prévisions météorologiques, une augmentation globale de la production agricole au Sénégal de 7,8% contre 4% en moyenne au Sahel. Pour le riz, la production avait augmenté de 28% par rapport à l’année précédente.
Dans les efforts liés à la mécanisation, on se demande si ces moissonneuses-batteuses et ces tracteurs vont réellement vers les paysans quand on sait que les agriculteurs travaillent sur des surfaces assez modestes par rapport à des grands tracteurs ? Est-ce que cela ne pose pas un problème de bonne gestion ?
Il faut d’abord distinguer deux choses. De manière générale, nous avons le matériel de culture attelée, ce qu’on appelle le petit matériel agricole, dans lequel on investit chaque année cinq milliards. Et nous avons aussi le matériel motorisé, communément appelé les tracteurs. Au moment où je vous parle, il y a des groupements de producteurs qui veulent acquérir ces tracteurs. Pour que ces derniers puissent être utilisés de façon optimale (et c’est le cas dans la Vallée du fleuve Sénégal), il faut se départir de l’idée qui consiste à dire que les tracteurs et autres ne peuvent pas être utilisés dans le cadre des petites exploitations. On n’est pas dans une logique où un petit exploitant achète pour lui un matériel. Nous sommes plutôt dans le cadre de regroupement de producteurs pour acquérir du matériel lourd. Dans ce cas, on peut utiliser ce matériel dans de petites exploitations.
Est-ce qu’on en est déjà à un moment où les paysans peuvent cultiver toute l’année, d’une saison à une autre ?
C’est ce que nous appelons la double culture. Dans la Vallée du fleuve, on essaye d’avoir deux saisons et arriver à trois saisons avec les innovations technologiques. Mais on ne peut pas, de façon systématique, dire qu’on va cultiver du riz toute l’année. Ce n’est pas possible. Il y a des zones qui sont propices et on va y concentrer nos efforts pour avoir une bonne production. On essaye aussi d’étaler au mieux la production dans le temps et dans l’espace. Et actuellement, il y a des progrès remarquables des emblavures de saison sèche-chaude, anciennement appelée contre saison, parce que mineures par rapport à l’hivernage. Ces emblavures sont passées de 14,3% en 2001 à 57% en 2015.
Est-ce que le Sénégal va atteindre l’objectif d’autosuffisance en riz en 2017 ?
Il est usuel d’entendre «le gouvernement ne va pas atteindre l’autosuffisance en 2017», certains disent même, «attendons 2017 pour constater l’échec…» J’ai du respect pour tout point de vue concernant le secteur agricole, mais je dois dire que ce point de vue-là est en déphasage avec la réalité objective que nous vivons. Ce sont des appréciations qui sont d’une autre époque. L’économie rurale sénégalaise n’est pas collectiviste, encore moins administrée. Nous sommes dans un contexte d’une libéralisation et d’une cogestion. Cela veut dire qu’il y a plusieurs acteurs intervenant au niveau des chaînes de valeurs. Et parmi ces acteurs, il y en a un qui s’appelle l’Etat. Et sa responsabilité est d’assainir l’environnement de la production et de la commercialisation. Cela veut dire quoi ? Vous le savez, nous sommes en face d’un Etat qui ne produit pas, ne transforme pas et ne transporte pas le riz. Il ne vend pas et n‘achète pas. Tout cela pour dire que l’appréciation d’un résultat en agriculture, dans un contexte de libéralisation, doit se faire en considérant la parcellisation des responsabilités établies pour voir si chaque acteur joue son rôle ou pas. Ce qui est plus juste, ce n’est pas de dire si le gouvernement va atteindre l’autosuffisance. La question qu’il faut se poser, c’est celle de savoir si l’Etat est en train de réunir les ingrédients pour assainir l’environnement de la production et de la commercialisation pour que nous puissions avoir une autosuffisance.
Est-ce le cas ?
Oui, c’est le cas. Ce sont les éléments que j’ai annoncés qui sont des mesures d’assainissement de la production et de la commercialisation. Vous avez constaté que les mesures prises ne concernent pas uniquement la production parce que nous ne sommes pas dans une approche productiviste. Nous considérons une filière agricole comme un tout, de l’approvisionnement en facteur de production à la mise en marché. Ceux qui disent qu’on ne va pas atteindre l’autosuffisance vont nous faire avancer s’ils nous disent quelles sont les mesures que l’Etat doit prendre en plus pour que nous puissions renforcer notre capacité à assainir l’environnement de la production et de la commercialisation. C’est cela le vrai débat. Et si on le prend tel quel, on comprendra que chacun doit jouer sa partition. C’est cela le fond du problème. On n’a pas de fermes d’Etat où on se met à produire.
La Saed et la Sodagri n’ont pas de champs, nos projets n’en ont pas. Nous encadrons, nous conseillons, nous améliorons la façon de faire pour que les producteurs puissent produire plus et mieux, que les transporteurs puissent transporter plus et mieux, que les transformateurs puissent transformer plus et mieux pour attirer tous les Sénégalais à consommer le riz afin que le Sénégal nourrisse le Sénégal. Et c’est en agrégeant l’ensemble de ces contributions qu’on va avoir l’autosuffisance (…).
On ne peut plus continuer à dépendre de l’Asie pour notre approvisionnement en riz. Les Asiatiques s’interrogent aujourd’hui sur leur riziculture. Ils ont de moins en moins d’eau, de moins en moins de terres, des gains de productivité extrêmement faibles. Il y a aussi le changement climatique qui affecte ce continent, avec l’effet El Nino qui provoque une sécheresse et un recul de la moisson dans les grands pays producteurs tels que la Thaïlande, l’Inde… Et rien qu’avec la Thaïlande qui prévoit une diminution de sa production de 30%, vous pensez qu’on doit rester comme ça et laisser ces choses se faire ? Non ! Seulement les gens veulent être autosuffisants, mais veulent constituer des stocks. L’Egypte a produit l’an passé 3,75 millions de tonnes de riz et n’en consomme que 3,3 millions. Elle exporte du riz, mais a décidé à partir du 4 avril de cette année d’interdire les exportations de riz pour réguler le marché intérieur et renforcer le stock de sécurité. Donc, les pays se préparent à ce qui pourrait être une autre crise. Et si utopie il y a, elle est alors africaine parce que partout on vise l’autosuffisance.
Dans des conditions très différentes les unes des autres…
Oui ! Mais en tout cas, ce qui est remarqué ici et au niveau africain, c’est que les pays, dans leur unanimité, saluent les performances du Sénégal, de même que les institutions internationales, comme quoi, la conception de la politique rizicole dans ce pays, telle que cela a été fait, est un cas d’école. Et ce n’est pas moi qui le dis. On peut vous donner les documents le disant et sans démagogie aucune. Ce n’est pas le mérite du gouvernement tout seul, c’est celui de tous les Sénégalais que nous puissions réfléchir, concevoir des documents qui tiennent la route et qui sont appréciés au niveau international. Et les résultats de terrain sont aussi salués au niveau international. Je pense que c’est à notre actif à tous. Maintenant, si les gens estiment que le gouvernement ne doit pas produire les 1 million 600 mille tonnes, c’est autre chose. Mais là, on est dans une autre époque.
A vous entendre et à voir tous les efforts que fait le gouvernement, on se demande pourquoi on se limite à 1 million 600 mille tonnes ? On pourrait croire qu’il y a la capacité de produire plus…
Tel que vont les choses, les tendances au niveau mondial, c’est au tour de l’Afrique d’exporter du riz en Asie. Et ce n’est pas la première fois que je le dis. Mais soyons d’abord autosuffisants. Et ensuite, continuons à renforcer notre base productive. Et pourquoi ne pas pouvoir un jour exporter du riz. Il faut cependant y aller par étape. Mais le gouvernement du Sénégal est conscient que nous avons un fort potentiel en ce qui concerne la riziculture. Et il faut qu’il y ait un élan de solidarité pour que nous puissions véritablement matérialiser ce vœu. Une fois de plus, l’objectif d’autosuffisance à très court terme n’est pas une spécialité sénégalaise. C’est cela qu’on retient dans toute l’Afrique depuis la crise de 2008. Vous voulez que les autres s’arment de résolutions pour assurer leur indépendance rizicole à très court terme et que nous, nous continuions à philosopher sur la possibilité ou l’impossibilité… Non ! Il faut y aller à partir d’une démarche participative, itérative, savoir s’arrêter, faire des évaluations, corriger ce qui mérite d’être corrigé et aller de l’avant. On n’a pas le choix. Développer notre riziculture est aujourd’hui une contrainte exigée par la turbulence du marché international. Il n’y a pas à chercher de midi à quatorze heures. Soit on y va, on assure notre autosuffisance en riz, compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui, ou bien on se dit le riz n’est pas important et on essaie de trouver un substitut. Mais si on veut continuer à manger du riz, ce qui est plus sûr, c’est de produire ce riz, compte tenu de ce que nous constatons au niveau international. Et tenez-vous bien, le commerce international rizicole ne représente que 7% des quantités qui sont produites. Donc, si la production asiatique baisse de plus en plus, les 7% vont aussi baisser. Et la crise de 2008 doit être une leçon. Lorsqu’il y a eu cette crise, les gens ont fermé leurs pays. Les pays exportateurs de riz ont fermé leurs frontières pour d’abord se nourrir avant de penser aux autres. Et c’est pourquoi, même des pays qui sont aujourd’hui autosuffisants et qui exportent, il leur arrive de prendre des décisions pour éviter un épuisement de leurs stocks. Voilà où va le monde. Donc, nous ne disons pas autre chose que ce qu’on fait. Le gouvernement ne dit pas autre chose que ce qui se passe aujourd’hui au niveau interrégional. Il est en train de prendre toutes les mesures pour que les acteurs puissent jouer leur partition. Ce sont les mesures que j’ai avancées. Maintenant, à l’évaluation, on verra si tout a été fait. Qu’est-ce qui n’a pas été fait, etc. ? C’est cela la question. Est-ce que le gouvernement va atteindre l’autosuffisance ? Le dire, c’est nous ramener à une économie rurale collectiviste. On n’y est pas. On est dans une économie rurale libéralisée.
Mame Woury THIOUBOU et Mohamed GUEYE
Pour Le Quotidien