CONTRIBUTION : Pour une professionnalisation de la communication publique

Dans sa communication lors de la réunion hebdomadaire du Conseil des Ministres du jeudi 18 juillet 2024, le chef de l’Etat a exhorté le Gouvernement a être davantage à l’écoute des populations, à anticiper et à travailler dans la solidarité, par la mise en place d’une stratégie de communication coordonnée, cohérente, persuasive et offensive.
Cette déclaration du Président de la République marque de fait un tournant, pour ne pas dire un changement de paradigme en matière de communication publique, suite à la perte de pertinence des dispositifs communicationnels privilégiés jusqu’ici par les Autorités gouvernementales. Force est de reconnaître non seulement une réelle cacophonie dans la communication gouvernementale, mais également et surtout une réelle absence de pertinence des plans sectoriels de communication, confiés le plus souvent à des personnes ne disposant d’aucune compétence dans le domaine.
C’est ainsi que le Chef de l’Etat a jugé utile d’encadrer cette orientation en précisant les points de stratégie que sont la coordination de la communication, l’axe de mise en cohérence de la communication, l’axe stratégie de persuasion et la mise en place d’une stratégie proactive en lieu et place de la démarche réactive actuelle.
La nécessaire coordination de la communication gouvernementale relève de l’impératif de reconnaître désormais la place primordiale de la communication dans l’action gouvernementale, l’avancée des techniques de communication qui change les pratiques, la place des médias et les changements provoqués par l’introduction du digital dans la communication, mais également et surtout l’absence d’intégration de l’importance de l’image et de la place de la communication par les démembrements sectoriels de l’Etat.
En termes de cohérence, il y va de la survie des politiques publiques durables et inclusives, dans la mesure où la capacité des hommes à échanger des informations à l’aide du langage articulé ou d’autres codes, fascine philosophes et scientifiques depuis toujours. C’est ainsi que 350 avant Jésus-Christ déjà, Aristote a conçu un modèle de communication orale, fondé sur un ensemble théorique, avec une visée morale : la rhétorique ou art oratoire, avec trois axes que sont les stratégies de pouvoir, les stratégies d’éducation et enfin les stratégies de persuasion, cette dernière étant très justement retenues par le Président de la République, puisqu’il n’est question ici ni de manipulation, ni d’imposition, mais bien d’un partenariat de coconstruction, pour la mise en œuvre de politiques publiques inclusives.
La Communication publique est une communication d’intérêt général émise par les administrations, les collectivités territoriales et les organes publics et s’adresse à l’ensemble de la population : citoyens, contribuables, habitants, usagers des services publics qui devrait être nécessairement offensive parce que proactive. C’est ainsi que cet appel du Président de la République interpelle sur l’importance de la communication publique. Pierre ZEMOR, conseiller d’Etat honoraire, président d’honneur fondateur de la communication publique déclare ainsi : « qu’aussi loin que l’on scrute la nuit des temps de l’humanité, la communication s’impose. Comme lien qui rapproche deux êtres, comme force qui réunit un groupe, comme liant de la socialisation. Elle offre un langage commun pour le meilleur et pour le pire. Pour le progrès, elle est une vérité qui le cimente ou un mensonge qui le détruit »
C’est dans cette lancée que le Président de la République, porteur d’un projet de toute une jeunesse, de toute une génération, souhaite accorder une très grande importance à la communication, condition sine qua none pour la réussite d’un projet de société. Il est en effet important de bien communiquer pour convaincre ceux qui disent que le projet n’existe pas, mais il est encore plus important de le faire pour assurer un processus d’appropriation pour tous les autres. C‘est bien pour cela qu’il est primordial que le Gouvernement opte pour un langage clair, cohérent et harmonisé, de manière à développer une communication symétrique bidirectionnelle, permettant non seulement d’être à l’écoute des populations en prenant en compte leurs aspirations, leurs certitudes, leurs peurs, leurs angoisses, mais aussi leurs forces pour pouvoir mener à bien les missions. Mettre en œuvre une stratégie de communication coordonnée, cohérente, persuasive et offensive permet également d’éviter un double langage, la cacophonie pour ne pas créer de dissonance dans l’entendement des populations.
Pour se faire, la communication doit être menée de manière professionnelle, car mettre en place une stratégie, revient à éviter le pilotage à vue et obtenir des résultats sur ce que l’on fait. Il est vrai que la communication publique ne se limite ni à des campagnes de publicité, ni à des jeux d’images ou à des mises en scène spectaculaires, mais consiste surtout à mettre l’information à disposition, à faire savoir, à renseigner et à expliquer, mais aussi à dialoguer et à consulter. Tout le monde est en définitive appelé à partager l’information dans le souci de transparence et de redevabilité.
Le Gouvernement, à qui le Président a fait cette adresse, est composé de plusieurs départements ministériels et il revient maintenant à chaque entité de veiller à sa communication organisationnelle, laquelle porte autant sur l’extérieur que sur la communication interne, destinée celle-là au personnel de l’organisation à l’effet d’atteindre l’objectif fixé par le chef d’orchestre. La communication on le sait, accompagne la transformation, bien qu’il lui arrive de la précéder ou d’ouvrir la voie, en conséquence le défi reste dès lors de taille, car communiquer c’est dessiner le monde de demain, mais c’est aussi prendre le temps de décrire et de clarifier ce qui se déroule sous nos yeux.
S’il y a aujourd’hui cette demande, c’est qu’il y’a de toute évidence une nécessité de réorganiser la communication, de la professionnaliser, de la rendre cohérente, persuasive et offensive à tous les niveaux afin de mobiliser les énergies de tout un chacun, d’informer les populations sur tout ce qu’elles doivent savoir, de persuader, de rassurer le public dont on veut susciter l’adhésion et de gagner la confiance.
Au-delà, la communication répond également à un besoin de reconnaissance, de valorisation, de légitimation, de crédibilité et de visibilité dans le but de bâtir un capital sympathie et confiance. Aussi, il est intéressant aujourd’hui de mettre au centre des enjeux les préoccupations sociétales. Et, dans une société en proie à la modernisation et à la mondialisation, la notion de communication se trouve utilisée partout et pour tout. Elle semble alors avoir pris une importance notoire. Car si communiquer signifiait encore transmettre des informations, sans la prise en compte du récepteur et de son vécu, on relève aujourd’hui que se sont greffées à cette conception de base, des valeurs : la relation, le partage et la communion. La communication que ce soit par sa forme, son objet ou sa cible s’inscrit en droite ligne dans la mouvance sociale qui caractérise le monde actuel.
Ainsi, à l’heure où les risques psychosociaux sont aigus dans les organisations privées ou publiques, ceux qui sont appelés à gérer la communication étant des êtres humains, la célèbre maxime de Jean BODIN, « il n’y a richesse, ni force que d’hommes » est plus que jamais essentielle. Comme l’a rappelé le Président de la République, Ecouter est le préalable à toute stratégie, car avant d’élaborer une stratégie de communication, il convient d’écouter et de regarder, autrement dit savoir ce que les populations y compris les membres du Gouvernement, les travailleurs de l’administration pensent, ressentent, espèrent, est devenu un besoin impérieux.
Et si on s’arrêtait un moment sur la tendance au cloisonnement observable au sein de l’administration, force est de reconnaître qu’il génère d’inévitables conflits d’intérêts, qui constituent de fait de sérieux obstacles à la communication interne, voire à la productivité. Cet incroyable gâchis de compétences humaines et de moyens matériels provient d’une absence de communication, en oubliant que l’organisation constitue un tout, non un agrégat de mini centres économiques et sociaux, alors qu’il s’agit simplement d’expliquer les services à offrir.
Pour donner du sens à la stratégie, favoriser la coopération, encourager l’innovation, répondre aux attentes des personnels par rapport au travail, les managers ont un rôle crucial à jouer. Ce qui nous amène à dire qu’il faut des managers et non des chefs. La communication managériale est « une communication portée directement par les managers, en vue de mobiliser leurs collaborateurs au service de la performance économique et sociale, ceci est un enjeu pour toute organisation qu’elle soit gouvernementale ou non. A l’heure où le décalage entre les aspirations des salariés et les pratiques des organisations grandit, leur performance repose plus que jamais sur la capacité des managers à maintenir une dynamique collective et à fédérer toutes les énergies autour d’une vision partagée qui est celle d’un Sénégal juste, prospère et souverain. Dans cet environnement de gestion axée sur les résultats, les ministres, les directeurs doivent être des managers et ainsi favoriser l’appropriation des décisions stratégiques et faciliter leur mise en œuvre. Pour accompagner le changement et ainsi renforcer la communication, le top management se doit de donner du sens au travail de tout un chacun, de travailler le discours en allant à l’essentiel et en faisant de sorte qu’il soit approprié par tous ceux qui sont appelés à parler au nom de leurs structures.
NB : Toute politique d’image commence par l’interne : le personnel n’est-il pas le premier ambassadeur de l’organisation. Toute opération de communication externe doit être précédée puis suivie d’une campagne d’information interne. Offrir en interne la primeur d’un message, c’est lui témoigner de la confiance (il est mis dans la confidence) du respect (on le considère digne de cette confiance), c’est nouer des rapports de complicité. Cette marque de considération permet de renforcer l’esprit de groupe (« nous » les salariés savent, « eux » à l’extérieur ignorent encore) et de cimenter la motivation interne.
Pour cela, Monsieur le Président à montrer la voie en félicitant et en galvanisant à chaque fois son équipe, en leur renouvelant sa confiance mais aussi et surtout en accordant sa première interview aux journalistes de son pays pour parler des affaires internes.
Au commencement était la Parole, et la Parole était avec DIEU, et la Parole était DIEU. Elle était au commencement avec DIEU. Toutes choses ont été faites par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle .En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.


Rokhaya DIALLO – Spécialiste en communication

1 Commentaire
  1. Adama

    Machalla très belle plume j’ai adorée

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