TROISIEME MANDAT : Quel timing pour Macky Sall

Les minutes qui s’écoulent et nous rapprochent du 25 février 2024 jouent contre Macky Sall. Qu’il l’avoue ou pas, le chef de l’Etat a le regard constamment braqué sur le calendrier. Plus on avance, plus s’effrite son autorité. Et le poulain éventuel choisi aura peu de temps, surtout s’il n’en a pas l’expérience, pour s’engager dans la Présidentielle. Le climat de tension actuel lui ouvre la voie d’une candidature que ses théoriciens pourraient appeler « candidature de la paix civile » comme l’avait fait François Mitterrand en 1988. Autrement, un boulevard pour le palais de la République est en train de s’ouvrir devant le leader de Pastef, Ousmane Sonko, constate laviesenegalaise.com.

Tout le monde le sait : l’histoire ne se répète pas ! Mais, le contexte actuel du Sénégal ressemble fort à s’y méprendre au climat politique ayant prévalu en France en 1986. Cette année-là, Mitterrand est contraint à la première cohabitation de l’histoire politique française. Le président du Rassemblement pour la République (RPR), Jacques Chirac est appelé à Matignon. C’est une catastrophe pour la majorité des Français en raison des couacs et de la confusion. Mitterrand en profite, reprend l’initiative, sa cote de popularité remonte et il est favori à la Présidentielle. Il tarde toutefois, comme Macky Sall, aujourd’hui, à déclarer sa candidature. La loi ne s’y opposait nullement. Par contre, son âge (74 ans) et sa longue carrière politique ressemblaient à des freins. Il installe alors le suspense jusqu’au fatidique plateau d’Antenne 2. Là, à trente-trois jours du premier tour, face aux journalistes Paul Amar et Henri Sannier, il répond « oui » à la question « (…) Monsieur le président, êtes-vous à nouveau candidat à la présidence de la République ? » Puis, il s’élance, comme il en a l’art, dans une justification-dramatisation qui laisse pantois les téléspectateurs. « (…) Eh bien, je veux que la France soit unie, et elle ne le sera pas si elle est prise en main par des esprits intolérants, par des partis qui veulent tout, par des clans, ou par des bandes. (…) Il faut la paix civile à la France, si on veut qu’elle soit prête à aborder le temps qui vient ». Il enchaîne : « J’ai dit que la France ne sera pas unie non plus, si des intérêts particuliers, égoïstes par nature, exercent leur domination sur le pays, au risque de déchirer le tissu social, d’empêcher la cohésion sociale qui correspond à la cohésion nationale nécessaire. Alors, je dis, il faut la paix sociale, il faut la paix civile, il faut la paix sociale ».

On est certes encore loin des trente-trois jours qui nous séparent, comme François Mitterrand en 1988, de la Présidentielle de 2024, mais les ingrédients d’un copier-coller sont manifestement réunis.

Depuis, en effet, le fameux meeting, à Keur Massar, du leader de Pastef, Ousmane Sonko, les risques d’une tragique confrontation dans la scène politique se sont accumulés. Sonko a durci le ton. Du haut de la tribune et face à un monde fou venu répondre au meeting, il a déclaré être arrivé au « Terminus » au sujet du procès pour viol contre Adji Sarr qui l’attend à la Chambre criminelle. Là, il lâche avoir fait son « testament ». Et depuis lors, ses partisans ne cessent d’inonder les réseaux sociaux appelant ouvertement à la confrontation. « Gatsa, Gatsa ! » (Œil pour œil, dent pour dent), déclare Ousmane Sonko donnant quasiment le mot au « mortal combat ».

Le climat politique s’est alors fortement dégradé notamment le 16 février dernier, à l’audience du procès opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang pour diffamation. Annoncée d’abord le 2 février dernier, l’audience avait été renvoyée au 16 février puis au 16 mars prochain. Sur le chemin du retour, Ousmane Sonko assailli par une foule de militants décidés à l’accompagner jusqu’à chez lui a dû être extirpé de son véhicule par les forces de l’ordre et conduit de force dans une voiture blindée de la police jusqu’à son domicile. Auparavant, le meeting interdit de Pastef à Mbacké a entraîné des manifestations violentes jusqu’à Touba. Cette lourde ambiance fait craindre partout le pire.

Les appels à la paix se multiplient. Dans les foyers religieux, le mot d’ordre est à la désescalade. La société civile notamment le coordonnateur d’Afrika Jom Center, Alioune Tine est d’avis que les prémices d’une “guerre civile” sont bien en place. Une telle ambiance est, visiblement, largement favorable à une candidature destinée à ramener la tranquillité au pays.

Toujours emmuré dans le « ni oui, ni non », Macky Sall peut donc bien, à l’image de François Mitterrand invoquer la paix civile pour briguer un troisième mandat que lui autoriserait le Conseil constitutionnel. Le climat de tension actuel est, comme on le voit, largement favorable à une telle annonce. Mais, pour avoir soumis Ousmane Sonko à une série d’affaires judiciaires, le pouvoir pourrait redouter de rajouter au climat politique une autre « affaire », celle de la candidature de Macky Sall.

Or, plus le temps file, plus s’effrite dangereusement l’autorité de Macky Sall. Le silence prolongé du chef de l’Etat au sujet de sa candidature à la Présidentielle de 2024 le met à l’épreuve des défections. Il semble le comprendre en multipliant depuis quelque temps les nominations au conseil des ministres. Macky Sall essaie, ce faisant, de réussir à freiner les velléités de départ ou de fragilisation de sa coalition politique. Par ces nombreuses nominations, il essaie aussi d’entretenir un faux espoir pour d’autres.

Une chose est sûre : Macky Sall a, aujourd’hui, constamment le regard sur le chronomètre. Le temps qui s’écoule tisse un destin compliqué pour lui et sa famille politique. Plus on avance, moins il y a de possibilité d’écarter la candidature de l’opposant Ousmane Sonko. En plus, le chrono affaiblit son autorité et le cas échéant son futur poulain pour la Présidentielle. En dehors de Idrissa Seck, personne n’a l’expérience avérée pour s’engager victorieusement dans une présidentielle aussi compliquée que celle de 2024.

Rachid BARRO – laviesenegalaise.com

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