SERIGNE MOUSTAPHA BASSIROU MBACKE : Au-delà du religieux, le citoyen averti

Le 30 août 2007, cela fait douze années déjà! Mais, cette date reste gravée à jamais dans nos mémoires. Un matin mélancolique, un matin taciturne. Peurs et désemparement se lisaient sur tous les visages. Le travailleur, le soumis, le responsable, l’homme élégant au discours éloquent, le digne fils et premier héritier de son père s’en était allé, laissant derrière lui fils, petit fils talibés ou simples connaissances en pleurs. Mais qui était le frère aîné de Serigne Mountakha Mbacké, actuel calife général des mourides. Qui était Serigne Moustapha Bassirou ?
Il a vu le jour le 21 janvier 1928 à Darou Salam kael, issu de la sainte union de Sokhna Bintou Diakhaté et de Serigne Bassirou, fils de Serigne Touba. Les premières syllabes de sa tablette, il les a lus grâce à son homonyme Cheikh Mouhamadou Moustapha, ensuite c’était respectivement auprès de Serigne Dame Abdou Rahamane Lo, Serigne Ibra Binta Sylla, son oncle maternel Serigne Maoloud Diakhate, Sergine Habibou Mbacke, un des plus grand érudits en sciences religieuses du Sénégal, pour enfin terminer auprès de son père qui lui assura son éducation spirituelle à son image ; lui-même ayant été formé par Sergne Touba. Serigne Moustapha était un assoiffé de connaissance. Il s’était même formé dans la langue de Molière, ce qui faisait de lui un homme moderne, qui traitait lui-même des courriers, lettres et tout autre dossier administratif. 41 ans dans le califat de Serigne Bassirou, Cheikh Al Moustapha a marqué son avènement par le travail, seul le travail et encore le travail.

Mame Moustapha le soumis…
Juste après le décès de son père, il fit le serment d’allégeance, lui et toute la famille de Serigne Bassirou sous sa responsabilité, auprès de Serigne Fallou Mbacké, calife général à l’époque. Depuis, ce fut le même rituel pour tous les autres khalifes généraux des mourides qui ont suivi. Au fait, l’homme vouait un respect démesuré à la hiérarchie déjà établie dans la voie mouride. Il donnait un sens à ce diguel qui est le principal fondement de la Mouridiya.

Il était le dieuwrigne prêt à appliquer tout ordre venant du calife. Toute personne sous sa responsabilité n’avait le droit de traîner à l’annonce d’une recommandation.

Mame Moustapha, le fils de ses pères…
Il a toujours entretenu des rapports fluides avec les fils de Serigne Touba. A commencer par son propre père Serigne Bassirou Mbacké. Il nourrissait un grand amour à son endroit mais aussi lui vouait un respect hors pair. Il suffit de lire le livre entier en wolof qu’il a écrit sur lui pour en être convaincu. Serigne Fallou Mbacké n’en demeurait pas moins. Il est raconté qu’après que Serigne Moustapha finissait son serment d’allégeance auprès de lui, le calife général des mouride de l’époque avait quitté son fauteuil pour le lui donner. Fauteuil qu’occupe toujours Serigne Moussa Nawel, son digne héritier et actuel calife. Sa complicité avec Serigne Abdou Ahad était connue de tous. Il était son bras droit et dirigeait toute l’organisation du grand Magal de Touba. Serigne Moustapha était resté ce même confident et lieutenant durant l’avènement de Serigne Abdou Khadr, celui-ci lui consacrait chaque année des visites à Porokhane et à Typ. Serigne Saliou Mbacké a lui aussi profité de ses services, à l’occasion des travaux de Khelcom mais aussi lors de la réfection de la maison de Colobane à Dakar. Et quant au plus jeune à savoir Serigne Mourtalla Mbacké, leur relation dépassait de loin celle d’un aîné et son cadet.

Mame Moustapha, le travailleur…
Porokhane en est la preuve vivante ! Une résidence dénommée Keur Mame Diarra où fils et petits-fils de Serigne Touba possèdent des suites semblables à celle d’un hôtel 5 étoiles. L’internat Mame Diarra Bousso, qui forme des homonymes de la mère de Serigne Touba, avec des milliers de personnes à ses charges. Un institut d’excellence organisé, reconnu par l’Etat grâce à ses progrès jamais égalés dans l’enseignement du Coran et des sciences islamiques. Son frère Serigne Issakha Mbacké témoignait : ‘‘Si Porokhane est ainsi, c’est grâce à Serigne Moustapha. Regardez, cette résidence est la preuve que Serigne Moustapha a réussi ce qu’il voulait. Toute la descendance de Mame Mor Anta Saly se retrouve dans un seul endroit et en une journée entière. C’est grâce au dévouement et à l’engagement de Serigne Moustapha Bachir. On lui doit tout. Aussi l’on sait que les femmes sont la base de toute société donc un tel institut qui forme des filles doit concerner tout le pays. De ce fait, tout un chacun doit y mettre son sien’’.

A côté de ces réalisations à Porokhane se trouve la restitution de la résidence Cheikh Khadim de Touba où il a construit le premier bâtiment, mais aussi la construction de mosquées et maisons dans des régions du Sénégal. L’on se demande comment il faisait pour participer à la mise en œuvre des initiatives des khalifes généraux, pour subvenir aux besoins des personnes sous sa responsabilité mais aussi pour financer tous les projets précités. En fait Mame Moustapha ne ratait aucune activité économique. A commencer par les cultures hivernales et maraîchères, l’embouche bovine sans oublier l’exploitation forestière et le reboisement. De l’arachide, du mil, du maïs et du sésame dans les départements de Kafrine, de Mbacké et de Nioro. D’ailleurs, il était l’un des plus grands producteurs de ces denrées au Sénégal. Le niébé à Louga, son expérience dans les cultures hivernales était incontestable. C’était sa manière de montrer aussi son patriotisme. Du riz à Rosso Béthio où il demeure le riziculteur le plus régulier. Gombo, oignon, arachide de bouche et aubergine amère, enfin les haricotes verts, des choux et des tomates à Pout. Dans ces différentes localités où il était perçu comme l’ennemi venu récupérer les terres des habitants, il avait fini par être non seulement l’exemple à suivre mais aussi le porte-parole de tout paysan auprès des autorités. Sa devise était, ‘‘je ne suis l’ennemi de personne sinon l’ami de celui qui veut travailler’’.

Mame Moustapha, le diplomate, le citoyen modèle…
Ayant un sens élevé de la citoyenneté, il vouait un respect aux autorités étatiques ainsi que leurs symboles. Une manière pour lui de montrer la voie aux populations pour garder fortes nos institutions. Les différents présidents de la République le lui rendaient bien cette marque de sympathie. De Senghor, qui le consultait sur des grandes décisions, à Abdoulaye Wade qui avait fait de lui un grand partenaire dans le domaine agricole, en passant par Abdou Diouf, qui a perdu un compagnon. Les différentes communautés rurales à sa possession à savoir, Darou Minam Saloum, Touba Saloum, Mboul, Typ, Boustane, Darou Salam Pakathiar, Nasrou, Tawfeex, Nawel, Keur Madiabel, entre autres ne manquaient jamais de payer leurs taxes.
Parler de Serigne Moustapha prendrait des nuits et des nuits. Aujourd’hui le vide qu’il a laissé est si énorme. Le mal est profond et c’est ce même chagrin qui anime presque tout le monde qui t’a connu. L’écriture guérit sans faire de bruit dit-on voilà pourquoi j’ai pris la plume. Oui aujourd’hui que le pays a décidé de porter à la connaissance de tous ta vie et ton œuvre par le biais de documentaires télévisées, la plaie a été remuée…
A Dieu Maam Cheikh Moustapha Bassirou.


      ♦ Fatma Mbacké

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