SENEGAL : Un Régime aux ABOIS (Par IBRAHIMA DIOUF)

Quatre ans après une élection brillante aux destinées de la Nation, le président de la République Mr Macky Sall commence à voir déchantés, les espoirs de tout un peuple à qui il avait promis, changement et ruptures dans une gouvernance vertueuse et sobre. Que s’est-il donc passé entre temps, au point qu’une escalade verbale ne s’installe et soit dirigée vers la Première institution désormais vilipendée sans la moindre retenue ?

Une cacophonie ambiante s’est emparée du plus haut sommet de l’Etat qui ne cesse de récolter une flopée de critiques de tous bords de la société, dénonçant qui, un revirement de parole dans des promesses électorales, d’autres une mauvaise politique de bonne gouvernance, alors que certains ne se retrouvent plus dans la politique économique.

C’est la conviction que la société sénégalaise est victime d’un mensonge destructeur, entretenu par un malentendu dramatique qui tourne à la farce en se présentant comme une espérance. Mais cette espérance est illusoire, l’espérance d’une gouvernance de rupture qui nous éviterait de tomber si bas.

Un pays ne peut fonctionner sans des valeurs morales solides car son émergence en dépend. Plus précisément, un pays ne fonctionne plus lorsque les citoyens ne veulent plus ou ne savent plus à qui se fier. Quand les leaders n’agissent plus en références, il ne faut rien attendre du pays.

Les repères ont été brisés, les idéologies faisant faillite, et dans les mêmes ordres idées, les valeurs universelles suivant lesquelles est dirigée une nation ont fondu. Quand tout se vaut, tout devient possible, surtout le pire.

Dans ce pays, on se félicite du développement de l’économie solidaire qui généralise la gratuité. Mais ce processus contribue à évincer chaque jour notre capacité à produire. Que l’Etat impose la gratuité dans n’importe quel domaine, et l’on récoltera la pénurie. A ce rythme, l’argent aura sans doute disparu mais pas la pauvreté. Le symbole de la pauvreté aura disparu, mais pas la pauvreté elle-même.

Notre économie périclite, la croissance nous échappe durablement et le chômage est au bord de l’implosion. Et on prétend délivrer des droits sociaux à tout le monde. Il ne s’agit pas d’être insensible à la pauvreté. Mais c’est justement pour cela que l’on ne doit pas cautionner des systèmes et des régimes qui ont vocation à endoctriner les consciences, conduisant  une jeunesse entière à vouloir quitter le pays.

La dynamique de croissance ne profite pas à la collectivité !!!

Le Sénégal apparaît de plus en plus coupée en deux avec, d’un côté le groupe des politiciens, des dealers, des laudateurs qui se partagent les deniers publics et, de l’autre côté une partie du peuple oubliée dont le malheur est de ne militer dans aucun parti notamment dans le camp de la mouvance présidentielle. En effet le modèle économétrique de l’emploi a révélé que le chômage a fortement baissé chez les jeunes politiciens. Est-ce la cause de la ruée vers ce secteur devenu le métier le plus prisé au Sénégal ?

C’est que l’Etat a fait croire aux jeunes que militer donne automatiquement droit à un emploi et que les diplômes sont un sésame pour un chômage chronique. Je ne dis pas que l’Etat a vocation à créer de l’emploi mais il est de sa responsabilité de garder une certaine équité surtout en matière de financement de projets. Aujourd’hui, détenir la carte maronne ouvre beaucoup de portes, n’est-ce pas S.A ?

Comment ne pas penser à ces milliers d’étudiants qui sont obligés de rester pendant des heures, sous une chaleur ardente, à la merci de tout le monde, pour percevoir leur bourse. Cette crème de la société ne-mérite-t-elle pas une meilleure considération ? Personne n’aimerait voir un proche, un frère, un fils, faire la queue de cette manière presque au bord de l’indignation. Qui ne ressent pas de pitié, de tristesse à chaque passage sur l’avenue Cheikh Diop en voyant les étudiants rangés en masse ? Pourquoi donner l’exclusivité à Eco-banque qui met un guichet pour des centaines d’étudiants ?

Le citoyen le plus consciencieux finit par perdre toute motivation dans un univers qui n’incite pas à l’effort ou qui ne reconnait jamais son implication. Un comportement honnête finit par être vécu comme un comportement stupide dans un système au sein duquel les trompeurs dictent leur loi.

Les motifs de démoralisation sont nombreux et sont précisément liés à la défaillance de l’Etat.

Le Président Macky Sall, malgré des tentatives nécessaires de réforme, n’a pas inversé la tendance. Malgré une deuxième alternance, au fond impossible actuellement au Sénégal avec tout ce qui se passe au sommet de l’Etat entre cacophonie, malentendus, délations, polémiques, les mêmes pratiques qui ont couté à l’ex-président despote sa déchéance, sont constamment reconduites.

Ce processus contradictoire à de nombreux égards s’est traduit par une déception sans précédent de nombreuses personnes qui avaient tout misé sur l’homme de la seconde alternance.

Devant cette situation intenable de la vie sociale, le gouvernement n’a plus que deux attitudes possibles. Soit il prolonge le malentendu pour ne pas dire la tromperie sur lequel repose le concept de la gouvernance de rupture au risque de voir fleurir le mécontentement du peuple. Soit il prend enfin la voie du courage politique en cessant sur le champ cette mascarade, laquelle ne peut que susciter dérèglements et désillusions.

Et le salut ne viendra pas de nos élites quand on voit un ministre et un député menacer un veillant fonctionnaire des impôts et domaines qui a eu le réflexe, le mérite d’éclairer les sénégalais sur le fonctionnement de la deuxième institution du pays. Encore une fois, cela n’est pas le fait du hasard quand un Etat s’érige toujours en défenseur de ses acolytes.

Au passage Monsieur le Président de la République, vous êtes le bienvenu dans la banlieue (Guédiawaye et Pikine). A défaut des promesses comme dans les précédents conseils des ministres décentralisés, la banlieue souhaite du concret surtout pour sa jeunesse. Vous n’êtes pas sans savoir que depuis votre élection rien n’a bougé dans ce lieu  malgré des changements notés à la tête des communes et de la ville dont votre frère détient les reines.

Lorsque l’on pilote un gros navire, il faut anticiper les changements de direction pour réussir une manœuvre et pour éviter l’obstacle avant que l’irréparable ne se produise.

En tout cas nul besoin d’être un grand observateur de la vie politique pour voir sous peu les faucons, les « militants » tourner vite en dérision ces quelques phrases.


IBRAHIMA DIOUF dit GAYE GAYE

Economiste – Statisticien

Email : pape_gaye@hotmail.fr  

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