Scandale sur l’or de Sabadola: Comment le Sénégal a été dribblé

La convention de non double imposition entre le Sénégal et l’Ile Maurice est effectivement morte de sa belle mort. Libération révèle qu’elle n’existe plus depuis le 1er juillet dernier comme l’atteste une correspondance du Sénégal adressée à Nando Bodha, ministre mauricien des Affaires étrangères. Plusieurs sociétés minières avaient profité de cette convention scandaleuse pour se «cacher» en Ile Maurice comme le révèlent les données issues des «Paradise papers», ces fichiers du cabinet Appleby, spécialisé dans l’optimisation fiscale. 

Ce n’était pas une menace. Le Sénégal a officiellement mis fin à la convention de non double imposition signée avec l’ile Maurice en 2002. En atteste une lettre du gouvernement sénégalais adressée à Nando Bodha, ministre mauricien des affaires étrangères et qui informe que cette convention est suspendue, avec effet immédiat depuis le 1er juillet dernier comme l’a appris Libération. Il faut dire que cette convention a été la porte à plusieurs abus en plus de permettre à plusieurs sociétés qui raflent des milliards de fcfa au Sénégal de payer le minimum d’impôts.

Le cas le plus connu reste celui de la société canadienne SNC Lavalin qui sera jugée dans les prochains jours pour corruption d’agents publics étrangers. Les enquêteurs canadiens ont appris que SNC Lavalin arrosait tout le monde pour décrocher des contrats y compris au Sénégal où d’anciens dignitaires sont impliqués. Grâce à cet accord de non double imposition, SNC Lavalin a touché le jackpot avec Grande côte opérations (gco) comme le révèle une enquête des West african Leaks sous l’égide du Consortium international des journalistes d’investigations (Cij). Les liens d’affaires en Gco et SNC- Lavalin Mauritius Ltd.

(SLML), filiale du canadien SNC Lavalin ont débuté le 25 aout 2011. Dans le contenu de ladite lettre GCO fait part de son intention d’accorder à la société offshore basée à Maurice, un contrat d’ingénierie, de construction et aussi de management pour un montant de 50 millions de dollars. Les travaux devraient être exécutés par SLML au Sénégal plus précisément sur la côte atlantique où GCO exploite du zircon. Cinq mois après la lettre d’intention envoyée le 25 août 2011, une version finale du contrat a été rédigée par le cabinet d’avocats MinterEllison, basée à Melbourne en Australie, pays d’origine d’un des actionnaires de Gco, à savoir la compagnie australienne Mineral Deposits Limited (MDL) déjà mise en cause par un rapport de la cellule nationale de traitement des informations financières (Centif).

Dans cette affaire, la question qui est posée d’emblée est pourquoi avoir confié un tel contrat à une entité offshore, logée en Île Maurice. Pourquoi traiter avec la filiale mauricienne plutôt que directement avec la maison mère, qui est coté en bourse et a donc une obligation de transparence financière? La réponse est que ce montage a permis à SNC Lavalin de faire “évader” 8,9 millions de dollars au détriment du Sénégal.

Un scandale sans fin

A vrai dire, d’autres compagnies minières détentrices d’une concession ou d’un permis d’exploitation au Sénégal ont leur maison mère basée à Maurice. Et c’est peut-être ce qui explique cette décision des autorités décidées à arrêter la saignée fiscale. Ainsi, Sabodola Gold, opération qui exploite l’or dans l’est du Sénégal appartient à 89, 60% à Sabodola Gold Mauritius, une société mauricienne détenue par Teranga Gold Corporation (cotée à la bourse de Toronto et de Sydney).

Les Industries chimiques du Sénégal (ICS), jadis un des fleurons de l’économie sénégalaise, ont comme actionnaire majoritaire (78%), Indorama international Holding Limited, une société mauricienne dont la maison-mère immatriculée aux Bahamas, figure en bonne place dans le scandale des Panama Papers. Bien que côté à la bourse de Toronto, Teranga Gold elle même a auusi requis les services du cabinet Appleby au cœur des “Paradise papers” pour monter Sabodola Limited. Et cette entité a été logée en ile Maurice. Son adresse correspond à celle du cabinet, Kross Border Trust Services Limited qui a son siège à St Louis Business centre, CNR Desroches & St Louis Streets Port Louis. Plusieurs entités formées en ile Maurice par Appleby ( Acorn international limited, Nomura Mauritius limited…) sont “logées” à la même adresse, boîte à lettres.

Et c’est à croire que l’aventure entre Teranga gold et Appleby, spécialisé dans les conseils d’optimisation fiscale, ne s’est pas arrêtée là et pour cause.
Plus récemment, en mai 2018, Appleby Mauritius a encore conseillé Teranga gold pour son premier tirage sur la facilité de financement de développement garantie auprès de Taurus Fund Management Pty Ltd dans le cadre de projets au Burkina. L’opération qui s’élevait à 70 millions de dollars dont 15 millions de fcfa pour liquider une facilité de crédit renouvelable avec la société générale a été pilotée sous la direction de deux “experts” d’Appleby : Malcolm moller et Muhammad Aadil Koomar.

 

 

     Source :   Libération

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