Sahara occidental: l’Espagne met fin à sa neutralité

Le samedi 19 mars, Alger a rappelé son ambassadeur en Espagne pour « consultation ». Un signe de protestation suite au soutien affiché au plan d’autonomie de Rabat sur la question du Sahara occidental. En brisant sa position de neutralité traditionnelle, l’Espagne suscite des réactions contrastées chez les acteurs de ce dossier.


Vendredi, le chef de la diplomatie espagnole a déclaré que le plan d’autonomie du Maroc est « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend », pour le moins historique.

Aux yeux de Madrid, ce positionnement marque une « nouvelle étape » de les relations avec Rabat. En soutenant ouvertement le plan d’autonomie des autorités marocaines sur le Sahara occidental, l’Espagne cherche à sortir d’une crise qui commençait à l’affecter sérieusement. Ce geste lui permet en effet de tenter de mettre fin aux tensions diplomatiques avec le royaume qui, ces derniers mois, a multiplié les pressions.
« Le gouvernement espagnol a mis fin à 47 ans de neutralité de l’Espagne dans le conflit du Sahara occidental, constate le journaliste espagnol Ignacio Cembrero. Il l’a fait sans doute pour mettre un terme à la crise avec le Maroc. Les pressions étaient nombreuses de la part de ce dernier : l’entrée massive d’immigrés irréguliers dans la ville de Ceuta au mois de mai dernier, la fermeture prolongée au-delà des raisons sanitaires des frontières terrestres de Ceuta et Melilla, l’interruption du trafic de passagers à travers le détroit de Gibraltar – qui empêche les ports andalous de travailler avec le Maroc. La liste est très, très longue. Le Maroc n’a pas arrêté d’employer des moyens pacifiques pour faire céder l’Espagne. Chose qu’il a finalement réussi à faire… »

Signe de ce rapprochement : le Premier ministre espagnol a programmé une visite officielle à Rabat, sans pour le moment préciser de date. Pour les autorités marocaines, ce soutien est important, car grâce à Madrid, « Rabat espère avoir plus de soutien sur son plan d’autonomie au sein de l’Union européenne et de l’ONU », explique un observateur.
De leur côté, les indépendantistes sahraouis du Front Polisario se disent « étonnés » par ce revirement de la diplomatie espagnole. L’ancien empire colonial a toujours le « statut de puissance administrante » sur place, et à ce titre, elle « devrait avoir une approche équilibrée », considère Oubi Bachir Bouchraya, représentant du Front Polisario en Europe.

Nous déplorons profondément cette position espagnole qui survient dans un contexte de tensions, de guerre, de rupture du cessez-le-feu, mais en même temps aussi avec des efforts de la part de l’ONU pour relancer le processus de négociation.

Première conséquence de cette déclaration : l’Algérie, qui soutient le Front Polisario, a rappelé son ambassadeur « pour consultation ». Et la mesure est immédiate. Dans un communiqué, Alger dit être « très étonné » par « le brusque revirement de position » des autorités espagnoles.
Or le coup de théâtre du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez est à double tranchant, souligne notre correspondant à Madrid, François Musseau. Certes, d’un côté, cette volte face lui assure désormais de meilleures relations avec le Maroc, mais d’un autre côté, les relations deviennent automatiquement très compliquées et conflictuelles avec l’Algérie, un soutien historique de l’indépendance du Sahara occidental et du Front Polisario. Or cela pose à présent la question de l’approvisionnement en gaz, l’Algérie étant le principal fournisseur de cette source d’énergie essentielle à l’Espagne.
Pedro Sanchez a assuré que cet approvisionnement ne court pas de risque. Mais étant donné la colère du pouvoir algérien sur la question saharienne et le fait qu’il dépend beaucoup de la Russie, rien n’est moins sûr. Madrid a surement pacifié ses relations avec Rabat, mais va dorénavant devoir gérer de nouvelles tensions avec l’Algérie.

Quelle contrepartie pour Madrid ?
Reste également à savoir si cette « normalisation » des relations entre les deux pays sera durable. Le journaliste espagnol Ignacio Cembrero reste dubitatif : « On va désormais avoir une relation normale avec le Maroc, mais je ne pense pas qu’on puisse avoir une relation très cordiale avec le Maroc. Il continue toujours de revendiquer les villes de Ceuta et Melilla. Il a approuvé des lois en matière d’eaux territoriales et de Zones économiques exclusives qui empiètent sur les Canaries. Il ne reconnait pas les eaux territoriales à Ceuta et à Melilla. »

Le journaliste estime que l’Espagne n’a obtenu « aucune contrepartie importante ». « Il se peut que l’immigration irrégulière qui arrive aux Canaries et qui a beaucoup augmenté ces derniers mois diminue, donc l’Espagne a gagné quelques mois de tranquillité et de paix avec son voisin. Mais la relation continuera toujours à être compliquée », conclut-il.Carte du Sahara occidental

Source Avec Rfi
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