Rhétorique politique : l’attaque ad hominem ou l’argument de la méchanceté

L’argument ad hominem est souvent utilisé en communication politique. La chose s’explique aisément.  D’abord, la question des personnes est au cœur même de la politique et donc de la communication politique. Celle-ci est par ailleurs une forme de communication conflictuelle et en cela tolère, autorise, sinon même favorise l’attaque de l’adversaire, y compris de sa personne. » Le feu-vert est donné, tous les coups sont permis !

 

Si seulement Gilles Gauthier qui introduisait ainsi son ouvrage sur ce type d’attaque avait été au Sénégal ! est-on tenté de s’écrier. En vérité, il aurait matière pour confirmer sa thèse  de la manière la plus spectaculaire. Nul doute, il l’a argumentée avec le brio du professeur qu’il est, mais il faut reconnaitre aux politiciens sénégalais cette habitude banalisée de s’attaquer à la personne, en laissant de côté ses arguments. C’est à se demander si, à la fin, l’attaque contre la personne n’est pas devenue l’argument !

 

« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », dit-on. Et i est vrai que c’est avec une rage destructrice  que la dame qui suscite cette réflexion s’en est pris à cette autre-là qu’elle veut noyer. Cet autre-là, « l’éternel aigri », comme elle le surnom. Fatou Thiam son nom à la dame, Moustapha Diakhaté, celui de la victime. A bien considérer l’attaque ad hominem, on constate qu’elle n’épargne pas la cible, et la poursuit dans les moindres détails. Ceci, même s’il faut convoquer des éléments qui n’ont aucun intérêt pour le public. On va chercher loin : dans son ancienne vie, dans la période actuelle de son existence, et dans ce que l’individu a de plus intime. Peu importe, il faut avoir l’argument qui discrédite l’autre. Seul cela compte…

 

Car, à quoi nous est-il utile pour le public de savoir que Moustapha Diakhaté passait, à l’époque, ses Tabaski au campus universitaire ? Pour le grand public, peut-être rien. Mais pour Fatou, ça a une importance très grande. Ça lui a permis de tisser un lien logique entre le fait que Moustapha préfère le campus au foyer, pour ainsi démontrer que sa cible n’a « aucune considération envers sa (« ta » dans le texte) famille et envers la religion musulmane. » Lien logique, a-t-on dit ? Seulement, on n’en voit pas là, directement. Alors, le lien peut se trouver dans le contexte social. En effet, si discréditer est l’intention de la dame, il est évident qu’en montrant que sa cible n’a aucune considération pour l’Islam qui est pratiqué par quatre-vingt-quinze pour cent des Sénégalais, elle cherche à créer chez ces derniers une dépréciation de la personne de Moustapha. « Famille et Religion sont sacrées pour vous, celui-là qui n’a de considération ni pour l’une ni pour l’autre, en a encore moins pour vous», Fatou pouvait bien écrire ceci. Mais, l’attaque ad hominem aime des fois les chemins qui vont chercher loin dans les choses sensibles. Et quoi de plus sensibles que famille et religion ?

 

Après avoir négativement catégorisé, il faut écraser, si on peut parler ainsi. Les « scandales sexuels et financiers », on le sait, attirent bien la curiosité. Ou, les révélations, ainsi qu’on titre dans un certain type de journalisme. Fatou a ainsi essayé de jouer sur cette corde, après celle des sensibilités politico-religieuses. « As-tu déjà oublié comment tu as géré le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar », lance-t-elle avant de « révéler » : « tes propres frères  de parti et alliés t’ont accusé d’avoir détourné des millions… ». Si, il faut convoquer (avec le « Tu » qui met de côté le droit d’ainesse et les bonnes manières dans ce contexte) un « évènement » assez obscur pour ternir l’image d’autrui. Pour plus écorcher son intégrité, utiliser des figures de styles allant dans le sens de l’insistance pour donner plus de poids à la « révélation ». Ici, « tes propres frères » est l’expression qui sert à appuyer sur la proximité de ceux qui auraient dénoncé Diakhaté. Ce dernier, peut paraitre plus infréquentable ainsi. Rappelons, que d’après madame Thiam, c’est quelqu’un qui ne considère pas sa famille réelle, un quelqu’un sur qui sa famille politique tire : un infréquentable. Un « éternel aigri ». Les coups sont durs ? Peu importe, encore, s’ils sont permis !  Ce scandale financier, assorti d’un qui soit d’ordre sexuel ! La totale. Dans un registre plus gai, on aurait crié : «cerise sur la gâteau. Mais ce gâteau-ci est trop amer pour qu’on le décore de cerise… Et c’est ça, les attaques ad hominem. Il faut que ça discrédite, il faut ça ridiculise, il faut que ça couvre de honte. Il faut que ça soit spectaculaire, comme l’est l’aspect « auberge » du bureau de Moustapha Diakhaté décrit par Fatou Thiam. Moustapha Diakhaté et son bureau « dénommé l’auberge de l’assemblée», ça fait bien spectacle, si c’est vrai. Sinon, ce n’est pas grave, puisque l’attaque personnelle ne saurait craindre la diffamation. Et elle cherche toujours loin, répétons : même dans un quelque « scandale du mari cocu », qui fait de la cible un teneur d’auberge et un… coureur de jupon ! Tous les coups sont permis…

 

Tous les coups, et les moyens des coups. Voilà don qu’interviennent la violence dans les termes, l’insolence des phrases. Il suffit de lire le court pamphlet de Madame pour se rendre compte de ce fait. Mais, vu que c’est une question d’égo fondamentalement, l’attaque ad hominem se doit d’être signée. Il fallait rabaisser (essayer de rabaisser Moustapha Diakhaté) et gonfler son égo en signant avec son nom en bas du texte dépréciatif.

 

Fatou Thiam,

Présidente du mouvement ALUR

Oui, il faut de l’allure démagogique pour se lancer dans l’humiliation d’une autre personne, en gardant toute sa bonne conscience et son sang-froid au moment de signer avec son nom !

MOUSSA SECK – laviesenegalaise.com

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