La déclaration du président Macky Sall de ce 16 février a véritablement douché les espoirs de plus d’un. Mais surtout avec cette volte-face, le président a apparemment réussi à inhiber toute faculté d’analyser de façon critique les 15 propositions soumises à l’appréciation des citoyens sénégalais. La seule question qui occupe les esprits est le reniement du président. Un non-argument pour un non à une reforme de la constitution.
Le rôle d’une opposition est certes de s’opposer, mais surtout de s’opposer avec des arguments qui vont dans le sens d’éclairer le peuple dans ses choix et d’offrir une alternative crédible. Cependant, force est de constater que la question de la réforme constitutionnelle est viciée par des calculs politiques de bas étage. Nous pouvons même remonter au-delà, et ceci, depuis 2012 ; le débat politique au Sénégal tourne autour des individus et non de l’essentiel c’est-à-dire la République. Ceux qui monopolisent l’espace public prennent à la limite les sénégalais pour des demeurés.
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Entre un Pds encore obsédé par le gout du miel perdu et une nouvelle génération de politiciens qui n’a aucun sens des priorités. Le citoyen se cherche. Notre élite politique est tellement nulle et obnubilée par la conquête du pouvoir et le prestige que seule la perspective de joutes électorales dans un futur proche l’intéressait. Et des ignorants en sont arrivés à devenir des guides pour un peuple perdu dans la cohue de l’espace politique. Le destin d’une nation est trop sérieux pour être pour être mis en jeu à la table des ambitions personnelles.
Non, mais argumentez
Le seul argument des porteurs du non est que le président Macky Sall n’a pas tenu la promesse du candidat Macky. En tout cas il est le fer de lance de la stratégie de campagne pour le non. Un peu léger quand même ! Nous devons faire cette distinction pour ne pas continuer à nous leurrer sur le plus important. À notre connaissance, une promesse électorale n’est pas parole d’évangile ou coranique, « elle n’engage que ceux qui y croit » il faut bien le reconnaitre. De plus nullement ce reniement (s’il en est un) ne peut être qualifié de parjure d’un point de vu juridique.
Parce que nous étions dans un contexte de campagne et Macky a vendu sa salade en 2012 et le peuple l’a gobé à 25% au premier tour devant le reste des prétendants. Loin de vouloir cautionner la duperie, il faut replacer dans son contexte la promesse du candidat c’est-à-dire la drague électorale de citoyens échaudés par le règne de Abdoulaye Wade. Et donner à la parole du candidat sa vraie valeur.
Sur la question de la volte-face du président sur la réduction de son mandat en cours, le peuple se chargera d’infliger la sanction en 2019. S’il juge qu’il à été grugé par le président de l’APR, et j’espère sincèrement que Macky sera puni par là ou il a péché. Mais, on ne fait pas de politique sans promesses souvent oubliées le lendemain sinon on se fait prêtre.
Gregory David Roberts avertit qu’ « Un homme politique, c’est un homme qui te promet un pont, même quand il n’y a pas de rivière ».
À moins d’être adapte du hors sujet il s’agit d’un tout autre exercice ou ce n’est pas le président et sa promesse qui sont à juger, mais notre charte fondamentale. Alors mieux vaut changer de fusil d’épaule, notamment de vrais arguments qui expliqueraient un non à la réforme.
Des amalgames et contre vérités
Le plus ridicule dans cette campagne, ce sont certainement les exercices d’invention et d’extrapolation auxquels elle a donné naissance. Aussi, ne manque t’on de parler d’une volonté de légaliser l’homosexualité dans un pays à 99% croyants. Une invention grossière car au vu des propositions rien ne laisse suinter une telle volonté du pouvoir, auquel cas, il risque la même déferlante que celle qui l’a porté au pouvoir au prix de la vie de digne fils comme Mamadou Diop l’eternel muezzin de la place de l’obélisque.
Et quand le désir d’avoir des justifications pousse les tenants du non aux reformes à mettre sur le dos de initiateur du referendum la laïcité promulguée par notre constitution. C’est poussé le ridicule un peu loin. Le Sénégal n’a jamais été islamique depuis son accession à l’indépendance. Les sénégalais ont vécu leur foi et leur diversité sous cette laïcité depuis bien avant les indépendances. Alors, mauvaise foi quand tu nous tiens !
Vu ces divagations des esprits, il est sur qu’en ce moment crucial de la vie de notre État, aucune démarche critique n’est adopté par l’opposition et ce qui tentent depuis 2011 de récupérer la révolution du peuple du 23 juin. Mais, pour aider le citoyen à y voir clair, « il ne faut pas perdre son temps à avancer des arguments de bonne foi face à des gens de mauvaise foi » avertissait feu Hassan II.
Ce qui changera avec les reformes
Maintenant, concrètement qu’est ce que les 15 points de la réforme changent dans le quotidien des Sénégalais ? Car cette seule question mérite d’être posée dans la perspective du 20 mars. Il faut avouer que certains points de la réforme sont déjà présents dans l’esprit de nos lois. La laïcité, la décentralisation, le caractère républicain de la démocratie sénégalaise, etc. Aussi, le second bémol est que ces propositions sont à certains endroits flous dans la formulation.
Cependant, la possibilité de régler définitivement la question du mandat présidentielle est bien devant nous. Désormais, le mandat du président sera de 5 ans et nous n’aurons pas à attendre un quart de siècle pour qu’un autre président nous déclare qu’il doit respecter l’avis d’un conseil constitutionnel. Cette disposition changera le visage du paysage politique avec une obligation de renouvellement générationnel dans le landerneau politique. Plus aucune figure politique ne pourra faire plus de dix années à la tète du pays. Ainsi, si Macky venait à gagner en 2019, il serait effectivement le dernier à faire plus d’une décennie.
Parmi les institutions touchées par la reforme ce fameux conseil constitutionnel aussi inutile que la prostate pour paraphraser Georges Clemenceau. Cette mesure prend tout son sens dans un contexte de cohabitation. Dans le cas ou l’Assemblée nationale serait sous le contrôle de l’opposition, son président désignera deux sages. Une belle occasion de rendre plus intéressantes les délibérations si contestées de cette juridiction
Un autre bon point de cette réforme est surement la réaffirmation et la consolidation du rôle central du citoyen et de la société civile dans la vie de notre république. Il 23 juin 2011 fut un moment charnière pour le peuple dans la reconquête de sa souveraineté. Mais un tel événement n’est souvent qu’accidentel est difficile à rééditer. C’est la lecture que nous pouvons faire de l’ouverture aux candidatures indépendantes.
Le statut de l’opposition est une proposition du président Wade et il ne restait que la façon de désigner le chef de l’opposition. De ce coté rien de vraiment inédit. L’espace politique est en mal d’un leadership fort et respectable. Une autre raison de la prolifération des partis insignifiants sur l’échiquier politique. Et que dire de la possibilité désormais offerte à ces milliers de personnes ressources à l’écart de la gestion de la cité parce que ne se retrouvant pas dans les partis politique ?
Le plus drôle est que la plupart des propositions de la Commission nationale de réforme des institutions (CnrI) se retrouvent dans les 15 points. Alors, à moins d’argumenter sur les propositions de réforme épargnez-nous le discours sur la parole du candidat Macky Sall. C’est le pauvre contribuable sénégalais qui est engagé dans ce referendum. Donc aussi minime que soit le pas fait, on aura avancé dans la consolidation de notre démocratie. Et pour le peuple, il serait peut être temps de signifier à tout ceux qui veulent mener leur combat existentiel politique pendant la campagne pour la réforme « de grâce n’y mêlez pas la république. »
Un peuple un but une foi !
Harouna Niang
Journaliste, Doctorant en communication publique université Laval Québec