Réaction – Marine Le Pen fustige une « décision politique » et un « jour funeste » pour la démocratie française
Le tribunal correctionnel de Paris a condamné lundi Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité de cinq ans applicable immédiatement, la jugeant coupable de détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés du Front national. Marine Le Pen a fustigé une « décision politique » et un « jour funeste pour notre démocratie ». L’ancienne cheffe du RN a réaffirmé ses ambitions pour la présidentielle de 2027 en demandant une audience en appel rapide.
Après sa condamnation à une lourde peine lundi 31 mars, Marine Le Pen dénonce une « décision politique » mais y croit pour 2027. La cheffe du RN a écopé, en plus de cinq ans d’inéligibilité, d’une peine d’emprisonnement de quatre ans dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique (elle n’ira pas en prison), et d’une amende de 100 000 euros.
« Des juges ont mis en place des pratiques que l’on croyait réservées aux régimes autoritaires », a tancé sur le plateau de TF1 la cheffe de file du RN, quelques heures après le coup de tonnerre de la décision du tribunal de Paris dans l’affaire des assistants parlementaires européens.
Elle a confirmé son intention de faire appel, demandant que « la justice se hâte », pour assurer une audience et une décision à temps pour la prochaine présidentielle.
« Je ne vais pas me laisser éliminer ainsi », a affirmé la patronne des députés RN, écartant pour le moment l’idée de passer le témoin à Jordan Bardella. Le président du RN est « un atout formidable (…) j’espère que nous n’aurons pas à user de cet atout plus tôt qu’il n’est nécessaire », a-t-elle répondu.
« Il y a un petit chemin. Il est certes étroit, mais il existe », a-t-elle assuré.
Quant à Jordan Bardella, il a estimé que « c’est la démocratie française qui est exécutée » et appelé à une « mobilisation populaire et pacifique », en lançant une pétition sur le site du parti.
À ce stade, la marche vers l’Élysée de l’une des favorites du scrutin – un sondage publié dimanche dans le JDD la créditait de 34 à 37 % d’intentions de vote au 1er tour – apparaît très fortement compromise, vu les délais habituels de la justice. Le procès en appel ne devrait pas se tenir, au minimum, avant un an, avec une décision plusieurs semaines plus tard, soit pas avant la fin 2026, à quelques mois de la présidentielle.
Et sans garantie que la cour d’appel rende une décision différente de celle du tribunal.
Bayrou « troublé »
Marine Le Pen a reçu plusieurs soutiens à l’étranger, en particulier de l’extrême droite européenne. Le Kremlin a déploré une « violation des normes démocratiques », quand le Premier ministre hongrois Viktor Orban a écrit « Je suis Marine! » sur X.
Elon Musk, multimilliardaire américain allié de Donald Trump a dénoncé un « abus du système judiciaire », et prédit « un retour de bâton ». Décision « préoccupante », a asséné le département d’État américain.
Le Premier ministre François Bayrou (relaxé pour des faits similaires mais en attente d’un second procès) a lui été « troublé », selon son entourage, alors que le patron de LFI, Jean-Luc Mélenchon (visé par une enquête dans un dossier semblable) a estimé que « la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple ».
« La séparation des pouvoirs n’est plus à l’ordre du jour du gouvernement », a vertement répliqué le patron du PS Olivier Faure, en réponse au « trouble » du Premier ministre, et son parti a annoncé une pétition en soutien à la « justice et son indépendance ».
En réponse « aux réactions virulentes », le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) français a publié un rare communiqué pour dire son « inquiétude » d’une remise en cause de « l’indépendance de l’autorité judiciaire ».
« Le Conseil supérieur de la magistrature exprime à nouveau son inquiétude face aux réactions virulentes suscitées par la décision rendue ce jour dans l’affaire dite des assistants parlementaires du Front national. Ces réactions sont de nature à remettre en cause gravement l’indépendance de l’autorité judiciaire, fondement de l’Etat de droit, dont le Conseil supérieur de la magistrature est le garant constitutionnel.
La préservation de cette indépendance impose en effet que les débats judiciaires se déroulent dans un climat serein permettant aux magistrats, comme le leur dictent leur statut et leur déontologie, de ne tenir compte dans leur décision que des éléments du dossier, débattus contradictoirement au cours de l’audience.
Ainsi, les menaces visant personnellement les magistrats en charge du dossier, tout comme les prises de parole de responsables politiques sur le bien-fondé des poursuites ou de la condamnation, en particulier au cours du délibéré, ne peuvent être acceptées dans une société démocratique.
Le Conseil supérieur de la magistrature rappelle enfin qu’en application du principe de légalité dont le respect est garanti par l’exercice des voies de recours, seules les peines limitativement énumérées par la loi, et donc votées par la représentation nationale, peuvent être prononcées par les magistrats.
Le Conseil supérieur de la magistrature en appelle donc à la mesure dans les commentaires formulés à l’égard de la décision rendue. »
Dans la soirée, Jacques Boulard, premier président de la cour d’appel de Paris, a dénoncé des « menaces » et des « des attaques personnelles à l’encontre des trois magistrats » qui ont rendu le jugement du tribunal.
Des menaces « inacceptables dans une démocratie et préoccupantes pour l’indépendance de l’autorité judiciaire », a dénoncé dans la foulée sur X le garde des Sceaux Gérald Darmanin.
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Avec France24