Quand les puits sont à sec (Par Samba Oumar Fall)

La galère et la dèche sont aujourd’hui les choses les mieux partagées chez le commun des Sénégalais. La Tabaski se conjugue désormais au passé, mais elle a eu des dommages collatéraux. Elle a laissé des poches trouées et des gens qui peinent terriblement à joindre les deux bouts. Partout, dame misère a pris ses quartiers et dicte sa loi. L’argent que tout le monde recherche s’est barricadé et de là où il se trouve présentement, il doit certainement rire sous cap, railler tous ces gens qui, après chaque fête, se retrouvent dans la même situation. 
Au Sénégal, les fêtes ont toujours été de vrais moments de réjouissances et on ne lésine jamais sur les moyens pour combler sa famille et rendre ces moments agréables. On est prompt à se laisser emporter à de folles dépenses pour combler tous les désirs de nos familles et proches. Pour faire plaisir à tout le monde et montrer qu’on prend très au sérieux ces moments uniques, on se saigne sans arrière pensée aucune. Chaque fête rime avec hausse considérable des dépenses. Nos ressources limitées ne nous empêchent pas de flamber en quelques jours, voire en quelques heures, nos petites économies que nous avons si difficilement épargnées. Cette dérive collective est, au fil des années, devenue contagieuse et rares sont ceux qui y échappent. 
Le malheur au Sénégal, c’est qu’on oublie assez souvent que les lendemains de fête sont toujours terribles. On se réveille sans un rond ; même pas de quoi se payer une miche de pain. On colmate à gauche et à droite, emprunte par-ci, par-là, vérifie si on n’a pas oublié quelques pièces ou billets dans ses poches, au fond de son sac. Les plus audacieux n’hésitaient pas à vendre une partie de leur patrimoine pour avoir de quoi subvenir aux besoins de sa progéniture. Le besoin est partout le même et on joint difficilement les deux bouts pour essayer de survivre. Même des gens que vous ne connaissez ni d’Adam ni d’Eve se permettent de vous solliciter. Quand les puits sont à sec, on sait vraiment ce que vaut l’eau. 
Même le diable qui connait bien les Sénégalais se barricade pour ne pas y laisser sa queue. Eh oui, quand des millions de gens recherchent une queue à tirer, il y a de quoi se camoufler. On joue à cache-cache avec ses créanciers. Ceux qui ont un véhicule se rabattent sur les clandos, les usagers de taxis se bousculent dans les bus et autres cars rapides s’ils ne marchent pas. Les salariés se mettent à compter tristement les jours qui les séparent de la fin du mois et qui, parfois, sont aussi long que des jours sans pain. Parfois même on se surprend à dénigrer, vilipender et même injurier son employeur parce qu’il à tardé à virer les salaires. Malgré cette situation que nous vivons à chaque lendemain de fête, nous sommes toujours prompts à recommencer. Comme si nous n’avons pas assimilé la leçon. Chassez le naturel, il revient toujours au galop. C’est cela le Sénégal. Nous devons surveiller de près nos dépenses pour nous éviter ce stress inutile ; un stress qui, parfois, peut diminuer sensiblement notre espérance de vie.

 

          ◊ Samba Oumar Fall – Journaliste, Écrivain 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.