PROCÈS KHALIFA- Echanges houleux entre la Défense et le Procureur

La question de l’irrecevabilité de la constitution de partie civile a encore occupé les débats d’hier. Mais les avocats de Khalifa Sall et Cie pensent que l’Etat cherche à avoir la tête du maire de Dakar, tandis que l’agent judiciaire de l’Etat, qui sollicite pour sa part, l’irrecevabilité de la constitution de partie civile des conseils de la mairie, indique que c’est la défense qui les a invités dans le procès.

«L’Etat n’a pas sa place dans cette affaire. Son seul intérêt, c’est d’avoir la tête de Khalifa Sall.» C’est la conviction de Me Borso Pouye. Selon le conseil de Khalifa Sall, l’Agent judiciaire a eu à se constituer contre la ville de Dakar dans plusieurs dossiers.

Elle en veut pour preuve l’emprunt obligataire, l’affaire du Cinéma El Mansour et celle des ordures. Mais dans les affaires relatives à la commune d’arrondissement de GrandYoff, ou celle opposant Malick Faye au maire de Babathialène et celle opposant la ville de Dakar à Cheikh Niang, l’Etat informe-t-elle, a produit des arrêtés pour solliciter sa mise hors de cause au motif que les collectivités sont dotées de personnalités morales et juridiques. «Ce sont des décisions qui excluent l’Etat», martèle-elle.

Selon Me Pouye, l’Etat du Sénégal n’a pas sa place dans cette affaire. L’avocate ajoute que l’irrecevabilité de partie civile de l’Etat est tirée de la recevabilité de partie civile de la mairie. Et d’après elle, il ne s’agit pas de deniers publics, mais de recettes provenant des biens de la mairie.

Dans le Code général des impôts, l’article 2 dispose que les collectivités locales sont dotées de personnalités morales et juridiques distinctes, a rappelé la robe noire, qui conclura à l’impossibilité pour l’Etat d’être partie civile. Car la commune est gérée par la commune pour les intérêts de la population. «Certes, les percepteurs qui sont là ; on les appelle des percepteurs du Trésor public mais ce sont des percepteurs municipaux. L’Etat n’a pas sa place ici. Par contre la ville de Dakar a intérêt à agir. Je ne comprends pas pourquoi, l’Etat veut s’installer dans la cause», se demande-elle. «C’est indécent et à la limite indigne d’un Etat digne de ce nom», s’offusque-elle. Me Ndèye Fatou Touré, qui a brandi tous les budgets de la mairie de Dakar, de 2011-2014 (période incriminée), a soutenu que ce ne sont pas des deniers de l’Etat, mais des collectivités locales.

Depuis 1996, il y a eu un transfert de compétences appuyé par l’Acte 3 de la décentralisation, rappelle l’ancienne députée selon qui, il n’y a pas un lien entre les ressources de l’Etat et de la municipalité.

La boule zéro du Procureur

Ce n’était pas l’avis du procureur de la République. «Il n’y a pas un seul territoire qui n’est pas dans la commune», a indiqué Bassirou Guèye.

A son avis, les avocats de la défense veulent dire que seules les collectivités locales qui ont participé à ce partage territorial fait par l’Etat depuis 2013, ont le droit de choisir quelqu’un pour les représenter. «Quel est le texte qui pré- voit que quand l’Etat subi un préjudice, on l’attribue à un autre», a-t-il demandé.

Toutefois, le procureur a reconnu que l’agent judiciaire ne peut pas représenter la mairie. «Vous avez raison», a-t-il néanmoins consenti à la défense, en soulignant que l’Etat a subi un préjudice. «La ville de Dakar n’a pas présenté des pièces suffisantes pour figurer dans cette procédure. Par contre, l’agent judiciaire de l’Etat est là parce que l’Etat a subi un préjudice», indiquera-t-il. «Si vous aviez visité le décret portant organisation du ministère de l’Economie, des finances et du plan, même en matière domaniale et fiscale, c’est l’agent judiciaire de l’Etat qui est compétent», fait-il savoir avant de répondre à Me Borso Pouye. «Je n’ai pas intérêt à avoir la tête de Khalifa. Regardez-moi, j’ai la boule à zéro, je me rase tous les jours. J’ai horreur des têtes qui ont des cheveux», crache-t-il. Me Ndèye Fatou Touré lui rétorquera : «On attend le Procureur sur un débat technique. Nous n’avons pas laissé nos cabinets depuis des mois pour venir entendre des histoires de lit long, de lit court.

On n’est pas là pour faire l’apologie de têtes rasées. Cela me fait mal de vous entendre vous exprimer de manière dévergondée.»

Aje : «C’est la défense qui nous a installés dans le procès»

Prenant la parole, l’agence judiciaire précise : «Nous nous sommes retrouvés dans cette procédure sur invitation des avocats de la défense. C’était le 7 mars, lors des inculpations contre les prévenus. Le 23 mars 2017, nous n’étions pas encore constitués partie civile. C’est le 30 mars que nous nous sommes constitués partie civile. Mon collègue Mafal fall m’a notifié une demande aux fins de mise en liberté provisoire des prévenus en date du 23 mars 2017. A cette date précise, l’Aje n’était pas encore constitué.

Donc ceux qui vous demandent de nous mettre en dehors de cette procédure sont les premiers à nous y inviter. Ça n’a rien à voir avec le fondement de notre constitution de partie civile, même s’ils ont émis des réserves.» Mais la vérité a été vite rétablie par Me François Sarr. «On veut faire croire que ce sont les avocats de la défense qui ont invité l’Aje dans le procès. Il a volontairement omis que c’est à la demande du juge d’instruction. Nous avons aussi communiqué la demande de mise en liberté de Khalifa à la mairie. Et nous avons bien précisé que nous nous réservons le droit de contester», a-t-il contredit.

LeQuotidien

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