PROCES DU 28 SEPTEMBRE 2009 : «L’internet, ce n’est pas le tribunal», s’emporte Moussa Dadis Camara

L’audience de ce lundi a eu des relents de « Dadis-Show ». L’ancien chef de la junte guinéenne du CNDD, Moussa Dadis Camara qui faisait face pour la troisième fois au tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, n’a pas eu sa langue dans sa poche. Loin s’en faut ! PROCES DU 28 SEPTEMBRE 2009, Moussa Dadis Camara à la barre en Guinée, Procès inédit en Afrique

Tantôt souriant tantôt survolté, Dadis Camara a tenu en haleine la salle d’audience de ce lundi 19 décembre 2022 comme si l’ex-chef de la junte se croyait encore à « ses audiences publiques » où il distribuait des décrets de nomination ou de limogeage à tout-va.

Troisième à interroger Dadis Camara, la procureure Mme Djéné Cissé a mis en colère l’ex-chef de la junte. Tout est parti de l’exemple choisi par la procureure pour asseoir la responsabilité pénale du capitaine Moussa Dadis Camara dans les événements du 28 septembre 2009.

La série de questions-réponses entre Dadis Camara et Mme la procureure a dégénéré lorsque l’ex-chef de la junte a été comparé à un maire en perte de vitesse concurrencé par un autre candidat aux Locales. Ce dernier tient un meeting dans son quartier. Dadis Camara veut s’y rendre, mais finit par en être dissuadé par ses proches. Mais le meeting dégénère en une rixe provoquée par les parents de Dadis Camara partis à la manifestation. Une enquête est ouverte. Comment peut-on, dans une telle circonstance, ne peut pas interpeller le maire en disgrâce ?


Dadis Camara attaque violemment Mme Djéné l’accusant de ne pas être « professionnelle ». « Madame, moi je n’ai pas fait le droit pénal. Mais je me dis clairement que votre question n’est pas en rapport avec la fonction d’un professionnel en droit pénal. Ce n’est pas pénal, madame. Je ne réponds plus à votre question. Ce n’est pas pénal, ce n’est pas professionnel », a-t-il répété à trois reprises. « Saviez-vous qu’on vous appelle dictateur ? On qualifie votre régime d’un régime dans lequel la population était opprimée, arbitrairement arrêtée ? », interroge-t-elle.

Dadis Camara rétorque en indiquant avoir fait « en 11 mois ce que personne n’a fait ». Il maintient la rageuse tonalité et dit : « Vous voulez me faire croire quoi quand vous parlez de dictateur ? Le capitaine Dadis a été patriote. C’est son patriotisme qui a fait aujourd’hui qu’il est devant ce tribunal ».

La procureure met la pédale douce et tempère : « Monsieur Dadis, vous pouvez vous calmez ? Ce que j’ai dit, c’est sur internet, ce n’est pas moi ». Le capitaine se déchaîne et accuse : « L’internet, ce n’est pas le tribunal. Laissez tomber les réseaux sociaux. On est devant un tribunal criminel. Laissez ces faux problèmes de réseaux sociaux. C’est l’internet qui va résoudre les problèmes ici ? Laissez tomber ça, madame ». Madame Djéné revient à la charge et lance au capitaine Moussa Dadis Camara : « Lorsque vous étiez chef de l’État, vous cumuliez les trois fonctions à l’époque. Les fonctions de l’exécutif, du judiciaire et du législatif. Donc, expliquez-nous pourquoi à l’époque, vous vous comportiez comme un procureur de la République, vous arrêtiez des gens, en juin 2009 par exemple, il y a des magistrats qui se sont soulevés contre votre façon de gérer le pays ? »

Le président du tribunal se démarque de l’affirmation de la procureure et finit par suspendre l’audience sur la demande du procureur Alghassimou Diallo.

Auparavant, il répond à Dadis Camara qui s’est félicité d’avoir des jeunes juges devant lui, produit de sa bonne gouvernance. « Nous étions déjà auditeurs de justice quand vous preniez le pouvoir, en 2008 », indique Ibrahima Sory 2 Tounkara, président du tribunal.


Constant depuis son premier face à face avec le tribunal, le capitaine Moussa Dadis Camara accuse l’ex-président Alpha Condé d’« avoir savamment orchestré le massacre du 28 septembre ». Il reste que les questions de ce lundi 19 décembre ont tourné au tour du régiment, de la poudrière et des recrues accusées d’avoir perpétré le massacre. Dadis Camara a rejeté en bloc les allégations de son aide de camp Aboubacar Toumba Diakité, reconnu par l’ex-chef de la junte comme patron du régiment, auteur du massacre. « Il n’y a pas un acte qui le prouve, soutient Dadis Camara, mais dans les faits c’était Toumba le commandant du régiment ». Il accable son ex-aide de camp en affirmant, après avoir hésité, qu’il détenait les clefs de la poudrière. A la question de savoir pourquoi il n’avait pas fait arrêter Toumba, coupable de s’être rendu au stade du 28 septembre et formellement identifié par nombre de témoins comme ayant participé à la commission des atrocités, Dadis Camara avoue avoir voulu éviter un carnage de plus, « d’autant qu’il (Toumba) était lourdement armé ».

Au sujet du recrutement des 300 jeunes ayant arboré des maillots d’une équipe de football et auteurs de la barbarie du 28 septembre 2008, Moussa Dadis Camara demande au tribunal de s’en ouvrir au général Sékouba Konaté, ex-vice-président de la junte, ex-ministre de la défense et responsable des recrutements. Il a affirmé ne pas connaître le féticheur Foromo, garant, selon Toumba Diakité, du pacte de non-trahison entre lui et Dadis Camara, signé juste après l’accession au pouvoir.

Tendu par moments, le procès a connu, parfois, ses moments de détente lorsque Me Alpha Amadou Bâ a, par erreur, lancé « Mon colonel », s’adressant à Moussa Dadis Camara. « Mon capitaine ! Rectifiez, je vais rester capitaine jusqu’à ma dernière demeure. J’aime ce grade-là », lâche l’ex-chef de la junte provoquant l’hilarité dans la salle. Il en sera de même lorsqu’un assesseur lui a rappelé qu’il y avait des mouvements de soutien comme le « Mouvement Dadis doit rester ! » qui voulaient l’incitaient à participer à l’élection présidentielle. « Ce sont des opportunistes ! Ce pays-là, on le connaît ».


L’ancien président de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, est accusé de « meurtres, assassinats, vols, pillages, incendies volontaires, vol à main armées, coups et blessures volontaires, outrage à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non-assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention de matériel de guerre de première catégorie et complicité ».

Ce lundi 19 décembre, Dadis Camara était le 9ème comparant à la barre, après le passage du colonel Moussa Thiégboro Camara, du capitaine Marcel Guilavogui, du commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba, du capitaine Cécé Raphaël Haba, du colonel Abdoulaye Chérif Diaby, du colonel Ibrahima Kalonzo Camara, de Mamadou Aliou Keïta et du colonel Claude Pivi.

 


Félix DIAGNE – laviesenegalaise.com

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