Présidentielle Sénégalaise en 2024 : La déclaration de Macky Sall analysée par des experts et analystes politiques

Dans un entretien accordé au journal français «L’Express», le Chef de l’Etat, Macky Sall s’est encore prononcé sur la question de sa troisième candidature. Il a presque expressément annoncé sa candidature. En effet, pour cette fois-ci, le président Sall a entériné juridiquement sa candidature, en attendant la lecture politique. Des experts et analystes politiques se sont prononcés sur la question dans les colonnes de l’Observateur.

La question divise la classe politique en mille morceaux. Deux camps se font face : ceux qui clament urbi et orbi que le Chef de l’Etat a le droit de se présenter à la Présidentielle de 2024, prétextant un deuxième quinquennat et ceux qui, contre vents et marées, affirment que le président ne peut et n’a le droit de briguer encore le suffrage des Sénégalais.

Entre eux, Macky Sall, principal concerné qui ne s’est toujours pas décidé, mais qui, dans un entretien avec le journal français L’Express paru dans la matinée d’hier (Ndlr : lundi), ouvre une autre parenthèse. Un os à ronger pour la classe politique, surtout pour l’opposition. Des propos qui ont fait tilt dans la tête de plusieurs observateurs qui voient en cela une déclaration de candidature à peine voilée.

Macky Sall a donc dépassé la faisabilité juridique de sa candidature

Cheikh Yérim Seck, journaliste et analyste politique, considère que ces confidences du président de la République, Macky Sall, au journal français L’Express, sont un fait d’histoire et sont très révélatrices de la volonté du président de briguer un troisième mandat. Il dit : «Pour la première fois depuis que le débat sur son éventuelle troisième candidature est agité, Macky Sall déclare qu’il a le droit de briguer le suffrage des Sénégalais en 2024. Comme base légale de son propos, il évoque une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, de facto, exclut son premier septennat, acquis antérieurement à l’article 27 révisé de la Constitution, du décompte des deux mandats consécutifs auxquels il a droit. Lorsqu’on lui objecte qu’il avait antérieurement dit qu’il n’a pas droit à une candidature en 2024, Macky Sall répond que ce point de vue, non fondé en droit, peut changer au gré des circonstances.»

«Le fait qu’il admet qu’il a des convictions du moment est déjà parfaitement scandaleux»

Selon Aliou Ndiaye, également journaliste, analyste politique et Directeur de Pikini productions, au-delà de cette déclaration de candidature voilée, les propos du Chef de l’Etat, Macky Sall, relèvent d’un énorme scandale. «Le fait qu’il admette qu’il a des convictions du moment est déjà parfaitement scandaleux, estime Aliou Ndiaye. C’est quand même le président de la République du Sénégal. Les gens lui font confiance sur la base de ce qu’il dit, de sa parole. Là, il nous dit que sa parole n’a aucune valeur, qu’il faut toujours considérer ce qu’il dit comme une simple vérité du moment. C’est extrêmement grave…».

Qu’en sera-t-il si Macky Sall se présente? Aliou Ndiaye répond : «c’est de la responsabilité des Sénégalais, de nous tous. S’il décide de briguer un troisième mandat, lui et les membres de son camp, de son clan qui vont aller avec lui dans cette aventure, ils ont décidé carrément de mettre un soufflet au peuple sénégalais, à son histoire, à son désir d’avancement».

Aliou Ndiaye reste convaincu que les propos de Macky Sall sonnent comme une “trahison”. «S’il le fait, il aura trahi à la fois sa parole et son peuple et pas simplement son peuple et les peuples d’Afrique parce qu’il y a beaucoup de peuples d’Afrique. Le Sénégal fait face à l’histoire et c’est dommage que quelqu’un comme Macky Sall, né après les indépendances se retrouve à jouer avec l’avenir de son pays simplement pour pouvoir se maintenir au pouvoir encore 5 ans».

«Macky Sall est dans une stratégie de légitimation, mais»

Autre point de vue, celui du Docteur en Sociologie politique, Maître de Conférences titulaire à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Alassane Ndao, qui dit qu’il n’y a aucune surprise dans la teneur du discours de Macky Sall. «Il n’y a même pas une semaine Ismaila Madior Fall, ministre de la Justice, a eu exactement les mêmes mots pour dire qu’un avis peut évoluer au gré des circonstances. On retrouve la même logique d’explications chez Macky Sall. C’est juste une stratégie de légitimation, mais en réalité, quand on analyse en profondeur, on se rend compte qu’il est un peu gêné. Il sait que techniquement, il y a une marge de manœuvre, il y a une fenêtre d’opportunités qui lui permet de se présenter, mais comme il en a beaucoup dit, il a écrit et sa parole peut peser», soutient Dr Ndao.

L’autre aspect à prendre en compte selon lui, c’est que le président a lui-même dit qu’il ne sait pas les conséquences que cela peut engendrer. Dr Ndao pense ainsi qu’«il (Macky Sall) est dans cette période d’incertitudes, de confusion. Il faut d’abord retenir qu’il veut se lancer maintenant. Quand il fait une dichotomie entre débat juridique et débat politique, ça veut dire «techniquement, je peux le faire, j’en ai la volonté, mais est-ce que je peux le faire sur le plan purement politique?».

Poursuivant, le Docteur en Sociologie politique ajoute : «ça peut laisser à interprétations. Il ne s’est pas encore décidé, mais il le veut. C’est un homme politique averti. Ce n’est pas parce qu’il le veut qu’il va plonger. Il y a la volonté et l’opportunité de le faire», dixit l’universitaire. 

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