Pourquoi les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement sont vitaux pour nos économies ?

Présentes d’un bout à l’autre des systèmes d’alimentation en eau et d’assainissement qu’elles composent, les canalisations permettent à des réseaux complexes de fonctionner correctement. Quiconque a la chance de bénéficier de ce type d’infrastructures a souvent tendance à oublier la présence de ces conduites, qui deviennent presque invisibles à nos yeux jusqu’au jour où un problème survient et nous rappelle combien elles sont importantes.

Au-delà du rôle crucial que jouent l’approvisionnement en eau et l’assainissement dans notre quotidien (pour boire, cuisiner, se laver et aller aux toilettes, entre autres), leurs effets indirects sur les autres aspects de nos vies semblent passer inaperçus pour nombre d’entre nous. De même, dans de très nombreuses régions du monde, les décideurs ne leur accordent ni un niveau de priorité au sein des politiques ni un degré d’investissement à la mesure de leur importance pourtant fondamentale. La communauté internationale, quant à elle, se refuse souvent à regarder en face le coût immense de son incapacité à fournir à autant de personnes un accès à ces services des plus élémentaires et pourtant cruciaux.

Les investissements en faveur de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène : une occasion manquée

Aujourd’hui, 2,2 milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’eau potable et 4,2 milliards sont encore privées de toilettes gérées en toute sécurité. Atteindre l’ensemble de ces personnes avec des services durables requerra bien plus que de simples infrastructures physiques. En effet, même dans les endroits bénéficiant déjà d’installations améliorées, les systèmes et les ressources nécessaires pour étendre ces dernières à l’ensemble de la population et les faire fonctionner correctement sont souvent insuffisants.

Selon les estimations de la Banque mondiale, il faudrait multiplier le volume des investissements par trois – et ainsi atteindre un montant total de 114 milliards de dollars des États-Unis par an – pour pouvoir répondre à l’ampleur du défi qui nous est posé. Il ne s’agit pas là d’un appel à la charité, mais d’un appel à la prise de conscience.

La crise mondiale actuelle liée à l’eau et à l’assainissement résulte de la non-satisfaction de besoins colossaux et en rapide augmentation qui, par ricochet, génère des coûts tout aussi colossaux et augmentant tout aussi rapidement. La réalisation de l’objectif de développement durable n° 6 (« Garantir un accès universel à l’eau et l’assainissement d’ici à 2030 ») ne doit pas être considérée comme un fardeau mais comme une formidable opportunité.

Pour trouver des solutions concrètes aux déficits de financement dont souffre le secteur EAH, le partenariat Assainissement et eau pour tous – une plateforme mondiale dédiée à la réalisation des cibles des ODD liés à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène – organisera trois Réunions régionales des ministres des finances en novembre et en décembre prochains. Ces événements viseront à attirer l’attention des participants sur le fait que l’extension des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement via le renforcement des systèmes qui les sous-tendent constitue le socle de la croissance économique et du développement durable.

En effet, investir dans le secteur de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène génère d’importants avantages, parmi lesquels une augmentation globale du produit intérieur brut mondial estimée à 1,5 % et un rendement économique de 4,3 dollars pour chaque dollar investi. Ces bénéfices, qui proviennent de la baisse des dépenses de santé et de la hausse de la productivité, offrent ainsi un retour sur investissement des plus intéressants pour les investisseurs.

Les coûts liés à l’absence d’investissements

Lors de ces réunions, nous soulignerons également les conséquences d’une absence d’investissements dans le secteur EAH. En effet, des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement abordables, fiables et facilement accessibles permettent d’éviter chaque année le décès de milliers d’enfants dû à des maladies évitables telles que la diarrhée et le choléra. Des enfants en meilleure santé absorbent correctement les nutriments, ont un meilleur développement physique et cérébral, obtiennent de meilleurs résultats à l’école et, au bout du compte, contribuent davantage à la société. Tout récemment, nous avons également pu observer la vitesse à laquelle une pandémie comme celle de la COVID-19 peut se propager lorsque les individus ne sont pas en mesure de se laver les mains à l’eau et au savon.

De plus, l’accès à ces services dispense les filles et les femmes de la corvée d’eau – une tâche à la fois chronophage et éreintante – et leur évite d’aller aux toilettes dans des installations non sûres, dans les champs ou dans la rue, une situation qui, en plus de les priver de leur dignité, les met en danger. Lorsqu’ils sont présents dans les écoles et sur les lieux de travail, de tels services permettent également aux filles et aux femmes de gérer leur hygiène personnelle et ainsi d’éviter l’absentéisme scolaire ou professionnel.

Ces services permettent en outre de ralentissez la charge de morbidité et le risque de flambées épidémiques de certaines maladies comme celles provoquées par le coronavirus ou par des agents pathogènes mortels particulièrement contagieux tels que ceux responsables du choléra.

Enfin, ils contribuent à rendre la main d’œuvre plus productive.

En d’autres termes, la croissance économique dépend de l’amélioration des résultats en matière d’éducation et de santé publique – deux objectifs impossibles à atteindre sans l’eau et l’assainissement.

Le rôle des responsables du secteur de la finance

Tout cela n’a rien de nouveau. Dès les débuts de la révolution industrielle, nous avons pu constater les avantages transformateurs des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement pour l’économie et la société, tout comme les conséquences désastreuses de l’inaction.

Si les ministres des Finances ne donnent pas la priorité à l’eau et à l’assainissement, les conséquences pourraient affecter les sociétés pendant des générations. Il incombe en effet aux responsables du secteur de la finance de créer un environnement favorable au financement de l’EAH en investissant dans les institutions et dans le potentiel humain, et de mobiliser des fonds supplémentaires en faveur du secteur, tels que ceux issus des taxes, des droits de douane, des transferts et des capitaux remboursables.

De nombreux pays ayant mis en œuvre certaines de ces mesures en perçoivent déjà les avantages immédiats. Le Mali, par exemple, s’est engagé en 2014 à investir en faveur du secteur EAH en allouant au moins 0,2 % de son PIB à l’hygiène et à l’assainissement, et 5 % de son budget national à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement. Le Kenya a quant à lui obtenu d’excellents résultats en ayant recours à des évaluations non officielles de la solvabilité des entreprises du secteur de l’eau pour attirer des investisseurs nationaux et internationaux. Enfin, le Rwanda a créé un partenariat entre les secteurs public et privé afin d’accroître la participation de ce dernier au secteur EAH et le volume des investissements initiaux réalisés, et ainsi garantir une disponibilité plus rapide des services.

Pour conclure, des systèmes d’alimentation en eau et d’assainissement dotés de ressources suffisantes et correctement gérés sont vecteurs de progrès dans tous les secteurs, qu’il s’agisse de l’égalité des genres, de la nutrition et de l’éducation, de la santé, de l’industrie ou de l’environnement.

Par leur devoir, les ministres des finances doivent utiliser des données probantes pour prendre des décisions intelligentes qui aident leur pays à prospérer. Dans le cas de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène, les faits sont clairs : continuer à négliger ces services ne fera que freiner la croissance de nos économies, populations et sociétés. Il est maintenant temps de faire le choix logique d’investir dans des solutions d’eau et d’assainissement offrant le meilleur retour sur investissement – des familles en bonne santé et un environnement propre.

 


 

Par : Catarina de Albuquerque, Présidente-directrice générale d’Assainissement et eau pour tous, Jennifer Sara, Directrice mondiale de Water Global Practice, Banque mondiale, et Kelly-Ann Naylor, Directrice adjointe de la Section Eau, assainissement et hygiène à l’UNICEF.

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