Pour résoudre sa «grave crise de l’apprentissage», l’Afrique doit mettre l’accent sur l’accessibilité et la qualité des services d’éducation selon la Banque mondiale

Selon une nouvelle étude de la Banque mondiale, l’Afrique est aux prises avec une « grave crise de l’apprentissage » qui mine sa croissance économique et nuit au bien-être de sa population. La région a réalisé des progrès importants en matière de scolarisation dans le cycle primaire et le premier cycle du secondaire, mais quelque 50 millions d’enfants restent sans scolarisation, et la plupart de ceux fréquentant l’école n’acquièrent pas les aptitudes de base nécessaires pour leur réussite dans la vie. 

Le rapport intitulé « Perspectives : L’école au service de l’apprentissage en Afrique » rappelle que les niveaux d’instruction dans les pays de la région demeurent extrêmement faibles. Les trois-quarts des élèves de la deuxième année du primaire évalués dans le cadre de tests de calcul administrés en Afrique subsaharienne étaient incapables de compter au-delà du chiffre 80, et 40 % étaient incapables d’additionner deux nombres à un chiffre. En lecture, 50 à 80 % des enfants de deuxième année étaient incapables de répondre à une seule question tirée d’un court passage qu’ils avaient lu, et un grand nombre ne pouvait lire le moindre mot.

Les progrès réalisés dans la région ont été inégaux. Certains pays comme l’Afrique du Sud et le Zimbabwe offrent l’accès universel à l’éducation de base (primaire et premier cycle du secondaire), tandis que d’autres comme la République Centrafricaine, le Libéria et le Tchad, qui ont été touchés par des conflits et des troubles politiques, sont à la traîne même pour l’accès à l’enseignement primaire. Cependant, dans la plupart des pays, et malgré les progrès rapides enregistrés, les enfants issus de foyers plus fortunés, les enfants urbains et les garçons jouissent d’un meilleur accès au premier cycle du secondaire.

« Assurer une éducation de base de haute qualité pour les enfants de toute la région constitue à la fois une nécessité économique et un impératif moral », déclare Jaime Saavedra, Directeur principal de la Banque mondiale pour l’éducation. « Ce rapport trace un portrait de la crise de l’apprentissage qui afflige l’Afrique et des moyens dont dispose la région pour la résoudre. Les jeunes Africains peuvent transformer la région et amener des changements économiques durables, mais ils ont besoin pour cela de meilleures qualifications et de capital humain. »

L’étude décrit les mesures concrètes qu’il conviendra d’adopter dans quatre domaines de priorité : réaliser l’universalisation de l’éducation de base axée principalement sur l’accès équitable, la qualité et la rétention ; assurer une gestion et un encadrement efficaces des enseignants ; augmenter le financement d’une éducation de qualité ; et renforcer les capacités institutionnelles.

Le rapport exhorte en particulier les pays à mettre l’accent sur la progression des élèves et sur le désengorgement des petites classes, où les enfants restent bloqués pendant de nombreuses années en ne progressant que très peu, et où leurs enseignants utilisent souvent une langue qu’ils comprennent mal. Les mesures propres à encourager l’assiduité et à réduire les redoublements et la taille des classes, et la mise en œuvre d’une politique sur la langue d’enseignement sont indispensables pour assurer la qualité de l’apprentissage de base. L’étude préconise aussi l’élimination des examens à fort enjeu administrés entre la fin du cycle primaire et le début du premier cycle du secondaire, afin d’assurer la progression des élèves.

L’étude fait ressortir le besoin de renforcer le soutien dont bénéficient les enseignants, et insiste en particulier sur les enjeux du recrutement, de la préparation, du déploiement, de la supervision et de l’encadrement. Les politiques doivent s’attaquer au taux d’absentéisme élevé observé chez les enseignants et aux lacunes de leurs connaissances et compétences, en insistant sur la mise en place de programmes meilleurs et plus efficaces de préparation, de soutien en milieu de travail et d’encouragements.

Selon l’étude, les pays africains ont dépensé en 2014 un montant estimé à 204 dollars par élève pour l’enseignement primaire, soit moins de la moitié du montant dépensé en Asie du Sud, la deuxième région affichant le plus faible niveau de dépenses par élève. Cependant, les auteurs rappellent qu’il ne s’agit pas uniquement de dépenser plus, mais aussi de dépenser plus intelligemment et d’une manière plus stratégique, en mettant l’accent sur le matériel pédagogique, les infrastructures et la formation des enseignants. 

« L’Afrique peut résoudre cette crise de l’apprentissage tout en améliorant l’accès à l’éducation et l’achèvement des programmes, » soutient Sajitha Bashir, directrice de l’éducation à la Banque mondiale et co-auteure du rapport avec Marlaine Lockheed, Elizabeth Ninan et Jee-Peng Tan. « Notre recherche tire parti des enseignements acquis — de la région et au profit de la région — sur ce qui peut permettre de renforcer l’apprentissageLes pays doivent concevoir des politiques adaptées à leur contexte local et à leurs besoins en matière d’éducation, tout en s’employant à renforcer leurs capacités pour mettre en œuvre des programmes dynamiques et ouverts aux améliorations et à la rétroaction. »

L’étude complète le récent rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde 2018 : Apprendre pour réaliser la promesse de l’éducation, publié en septembre 2017. Ce rapport rappelle qu’à défaut de promouvoir un véritable apprentissage, l’éducation ne parviendra pas à tenir sa promesse d’éliminer l’extrême pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée par tous.

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