PLAIDOYER : Réfugiés, ils n’oublieront pas !

Non, ça ne se passe pas comme ça, on ne claque pas des doigts et tout est oublié. Ça serait trop facile sinon. Quand tout d’un coup, on a tout perdu, ça ne s’oublie pas. Ce n’est pas possible, ce genre de situation ne s’oublie pas. Ça ne sera pas qu’une petite angoisse passagère, elle se transformera en images et restera dans la tête de certains vécus à jamais. Oui, à tout jamais. La guerre n’est pas une petite chose. Ce n’est pas un feu d’artifice qui pète et qui effraie. Non, ce n’est pas ça. Un feu d’artifice effraie quand il pète, certes, mais pas durablement. Il effraie pendant quelques secondes, minutes, et pas plus. Quand c’est plus, ce n’est plus un feu d’artifice. On n’est pas terrifié aussi longtemps. Une bombe, ça ne s’oublie pas. Il y a le son, il y a les cris, il y a les images, alors ça ne s’oublie pas. Même si tout le monde oublie, les victimes, elles, elles n’oublieront pas. Ce petit garçon qui a vu sa mère se faire tabasser, devant ses yeux impuissants, n’oubliera rien. Cette petite fille qui devient orpheline en cours de route, erre et doit continuer à poursuivre la foule qui s’en va n’oubliera pas. Ces parents meurtris devant la perte de leurs enfants, ça ne s’oublie pas. Ces femmes devenues veuves, qui doivent trimballer leurs bambins pour les protéger, ça ne s’oublie pas. Ces hommes qui n’ont pas pu sauver leurs familles ne l’oublieront pas. Ce genre d’images, ça ne s’oublie pas ! Ce n’est pas un film pour ceux qui la vivent, alors ça ne s’oublie pas !

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On demande aux gens d’être dépassionnés quand il parle de ce sujet. Ils nous disent qu’être militant aujourd’hui ne veut plus dire être humaniste. Que ce n’est pas possible en ces temps de crise. Qu’il ne faut surtout pas prendre les gens comme des humains, qu’il faut laisser les diplomates faire leur travail. Les laisser parler des humains en remplaçant « humain » par « chiffre », « nombre », etc. Ils dépossèdent les gens de leur appartenance humaine et les considèrent dorénavant comme des « choses ». Que la vie de quelqu’un se résumerait à des chiffres, on accepte. On oublie que l’on parle de familles, de femmes, d’enfants, d’hommes, de rêves individuels et collectifs, etc. Oui, en entend dire : « il faut 20 000 personnes et pas plus », « il faut 10 000 personnes, et pas plus. », « il faut 5 000 personnes, et pas plus », « oui, et pas plus. On ne va quand même pas supporter toute la merde du monde », etc.

Ça ne choque pas certains quand on parle des gens en chiffres. Ils vous diront qu’ils ne veulent pas être envahis. C’est très facile, ça arrange tout le monde de parler des réfugiés en mettant des chiffres. Les chiffres ici sont utilisés comme une sorte de barrière non affective.

Et quand certains arrivent à oublier pour deux minutes les chiffres, ils nous disent quand même qu’ils ne veulent pas être envahis par les « Arabes ». En France, un élu de la République a dit ne vouloir accueillir que des réfugiés chrétiens. Nous osons croire qu’il sait également qu’être arabe ne veut pas systématiquement dire être musulman. Et même s’il était avéré qu’ils étaient tous des musulmans, cela voudrait dire que cet élu de la République française hiérarchise les souffrances, comme ces personnes qui passent leur temps à dire que le génocide de telle communauté a été plus cruel que celui d’un autre exterminé lui aussi.Je pensais que le droit à la vie était l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et que l’article 2 nous disait ceci : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Je pensais que la peine de mort était largement abolie par les pays d’Europe, et même si elle était en vigueur, quels crimes auraient commis ces gens pour être condamnés à la mort par ce refus d’acceptation ? On oublie que tout être humain a le droit de vivre. Oui, ça c’est oublié. C’est bien plus facile de l’oublier, même quand on sait que cela est bien inscrit sur la charte des droits de l’homme. Ça arrange bien certains de l’oublier. S’ils l’oubliaient et que tout était réglé, ça aurait pu convenir à un bon nombre, mais les faits sont têtus, il y a des images de personnes qui ne demandent qu’à vivre que nous voyons et continuerons à voir si rien ne change, si aucune décision humaniste n’est prise.

 Michel Tagne Foko

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