Pape Kon-T, artiste peintre – Les couleurs de l’anonymat, l’énergie du jazz

Chacun son style! Cette assertion est vraie, et elle est plus vraie lorsqu’elle se transpose dans le domaine de l’Art. Les gouts et les couleurs ne se discutent pas. Parlant de couleurs, l’artiste peintre Pape Kon-T en fait un usage…assez musical. Et c’est avec autant d’énergie que de finesse.

La chaloupe n’a pas fini de stationner, que les visiteurs s’empressent de quitter l’embarcation. C’est Gorée qui est ainsi : attractive, envoutante. Le soleil moyennement chaud et la brise chatoyante participent au charme de l’ile pleine de petits curieux. Ses maisons tout en couleurs dessinent devant les yeux des visiteurs mille et une merveilles. Leur architecture pittoresque ajoute de la magie à la magie. Ce n’est pas une ile, c’est une œuvre d’art, une exposition éternelle. Et dans l’éternité de cette exposition, se joue une (Gorée, regards sur cours) qui n’a que trois jours pour émerveiller à son tour. Aujourd’hui, dimanche 30 mai, en est le dernier. Les ultimes vingt-quatre heures que l’artiste peintre Pape Kon-T embrasse de ton son…jazz !

S’il n’avait pas été peintre, il serait probablement devenu jazzman. L’un pouvant cependant se marier à l’autre, Pape peint son jazz. Littéralement ! Dix-neuf de ses toiles tapissent les murs de la maison d’accueil où il expose. Des toiles avec des silhouettes anonymes. Disons, des toiles avec des visages sans visage. Ainsi ses réalisations sont-elles plus axées sur l’action que sur l’acteur. Et, les coloriages aident à masquer celui qui les fait, et à mettre en lumière ce que fait ce dernier. Des silhouettes donc sans visage, en action et toutes en couleur : c’est devant cette symphonie d’anonymes que l’artiste met ses visiteurs. Et dans les toiles, ça jazze, ça joue la guitare, le piano, le saxo…

« Les couleurs, c’est l’énergie »
Selon leur réalisateur, « le message se trouve dans l’ensemble ». Il faudra s’en approcher pour percevoir les messages cachés. Plus près, on comprend le choix de rendre anonymes les jazzmen et de remplacer les traits par des couleurs. Dans les couleurs, la fine main de Kon-T a introduit…des circuits électriques. C’est là alors qu’on comprend l’inscription « energy here », qui traverse certaines toiles. On est même tenté de le surnommer artiste-physicien. Ce qui n’empêche pas de lui arracher un sourire, mais, il se ressaisit aussitôt. « Je ne veux pas m’imposer de limites », dira-t-il. Mais, pour cette fois-ci, il mise clairement sur « la force intérieure », qu’il tente d’exposer au dehors à travers le jazz, le sport. Sa musique préférée, qu’il dit écouter en faisant des projections dans sa tête, plus tard matérialisées en toiles. Le jazz, cette musique intellectuelle (dans le sens où elle nécessite beaucoup d’énergie, de réflexion quant à son élaboration), selon lui ; « cet héritage positif du colonialisme », toujours selon lui, qui incarne une débauche d’énergie intérieure sombre qu’il s’est proposée de mettre en couleurs, en lumière. « Je tire la lumière de l’obscurité », soutient Pape Kon-T. Créer du clair à partir de l’obscurité, par le fait de montrer le travail intérieur de l’énergie qui explose une fois libérée, et pas que…

…Puisque pour Pape, Gorée est un endroit symbolique. Ramener le jazz en terre goréenne, c’est dans sa compréhension, abolir l’expression « porte du voyage sans retour ». Son exposition est pour lui une manière de ramener le jazz à la maison : le retour est bien possible, même des siècles après. Un retour en couleurs, en énergie, bref, un retour triomphant. Tout dans ces toiles conforte cet état d’esprit. Çà et là, on voit les symboles plus et moins, qui renvoient à l’électricité. Le courant aussi passe, dans les ampoules qui se cachent souvent à côté des silhouettes anonymes. Pour encore confirmer que l’action, le travail énergique entrepris à l’intérieur de l’acteur prime sur son identité faciale, et qu’en fin de compte, c’est le travail qui illumine le personnage. « Voltage here » ! Cette dernière inscription s’incruste dans son plus grand tableau, contenant une lampe allumée, des couleurs sombres tout autour d’une dame chantant, mais illuminée par les couleurs qui transfigurent son identité. Un parfait résumé de la technique de l’artiste Pape Kon-T pour cette exposition : sortir la lumière de l’obscurité, montrer la débauche d’énergie intérieure, effacer l’acteur dans son action. Sommes toutes, faire briller l’anonymat… Même dans les deux toiles qui sortent du jazz et touchent au sport (lutte et cyclisme).

Moussa Seck laviesenegalaise.com

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