Ouverture d’une information judiciaire : Des juristes dézinguent la Cour des comptes et renforcent Ismaïla Madior Fall

Invité à l’émission «point de vue» de la RTS, le Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall avait clairement dit que la Cour des comptes ne peut pas demander au ministre de la justice l’ouverture d’une information judiciaire. Cette réponse défavorable sur les recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur la gestion financière du fonds force COVID-19 a trouvé des souteneurs. Dans l’Observateur d’aujourd’hui (3 janvier 2023), le ministre de la justice peut désormais compter sur des collègues qui partagent sa position.
Dans un large dossier, le quotidien l’Observateur a donné la parole à des experts et professeurs de droit qui ont débusqué des irrégularités dans le Rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion du fonds force COVID-19.
Selon le constitutionnaliste Oumar Dia, professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, la Cour a outrepassé ses prérogatives comme le souligne le Garde des Sceaux. «Sur plusieurs points, je suis d’accord avec lui. Pour poursuivre un ministre devant les tribunaux ordinaires, il faut l’autorisation du chef de l’Etat. Oui, seule la Haute cour de justice peut juger les ministres après la mise en accusation par l’Assemblée nationale dans le cadre de leur gestion. Oui, c’est un rapport, ce n’est pas une décision de justice. Je pense alors que le ministre peut faire des observations même si le rapport est définitif. Oui, c’est des recommandations. Y a pas d’obligation à saisir tel ou tel sauf dans les hypothèses où la loi exige de saisir telle ou telle juridiction : chambre de discipline financière par exemple» explique le constitutionnaliste qui répondait aux questions de nos confrères.
Me Sally Mamadou Thiam, avocat à la Cour à Dakar abonde dans le même sens. Il s’explique : «c’est le président de la République qui a doté les moyens à la Cour des comptes. Ce qui prouve qu’il est soucieux de la bonne gestion des finances publiques. La Cour des comptes a fait son travail qui n’est pas parfait. Un rapport a été produit, les personnes citées sont présumées innocentes. L’ouverture des voies de droits ne veut pas forcément dire qu’il y aura poursuite ou inculpation ou condamnation. On doit les mettre dans les dispositions de se défendre. Le président de la République n’est pas obligé d’ouvrir une information judiciaire parce que c’est lui qui apprécie l’opportunité des poursuites mais aussi des modes de saisine qu’il pense adapter aux faits» explique l’avocat.
Cependant, il conforte davantage le ministre de la Justice sur l’ouverture d’une enquête préliminaire. Pour lui, «une enquête préliminaire est bien possible à l’issue de laquelle il peut apprécier l’ouverture d’une information judiciaire ». Me Thiam rappelle que les ministres ont un privilège de juridiction. « Ils ne sont justiciables que devant la Haute cour de justice encore que les personnes citées sont les DAGE », fait-il savoir.
En ce qui concerne les sanctions et procédures à entreprendre, le constitutionnaliste dit : «on peut les poursuivre devant la Haute cour de justice. Pour cela, les députés doivent voter une résolution de mise en accusation. Mais ça, c’est au pénal. Ils peuvent rembourser aussi à la suite d’une procédure devant la Chambre de discipline financière», dit-il.

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