Lors de la 30e session spéciale de l’assemblée générale des Nations Unies qui s’est tenu hier à New York sur le problème mondial de la drogue, le Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, Makeur Ndiaye a dressé un exposé sur le problème mondial de la drogue et les conséquences néfastes de sa consommation.
Voici in extenso, l’allocution de Mankeur Ndiaye
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Je voudrais, à l’entame de mon propos, me réjouir de la tenue de cette session spéciale de l’Assemblée Générale qui, conformément à la résolution 67/193 du 20 Décembre 2012, nous permettra de procéder à une évaluation des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Déclaration politique ainsi que du Plan d’action de 2009 sur la Coopération internationale en vue d’une stratégie intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la drogue.
Cela m’amène à vous adresser, Monsieur le Président, mes vives félicitations pour avoir pris une part active dans le processus préparatoire de cette importante rencontre, processus qui a été marqué par son caractère inclusif avec la participation des Etats membres, des institutions spécialisées des Nations Unies, des Universitaires, des Organisations intergouvernementales, de la Société civile et des Parlementaires, pour ne citer que ceux-là.
Mes remerciements s’adressent également à Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Khaled Shamaa d’Egypte eu égard à son travail remarquable dans le processus préparatoire.
Monsieur le Président,
Au moment où la Communauté internationale s’attèle à la réalisation d’une nouvelle génération d’objectifs destinés à favoriser un développement durable, la criminalité transnationale organisée et le trafic international de drogue continuent de menacer la stabilité des Etats et d’affecter leur croissance économique.
Aussi, en dépit des efforts fournis par l’ensemble des acteurs concernés et de la Communauté internationale, dans son ensemble, il est regrettable de constater que le fléau de la drogue demeure encore un grave problème pour la santé et la sécurité publiques ainsi que pour le bien-être de l’humanité.
En effet, dans toutes les régions du monde, d’importants dommages sociaux découlent du trafic et de l’usage de la drogue, parmi lesquels la violence, l’exclusion, le délitement du tissu social et la violation des droits de l’homme.
Malheureusement, le cadre normatif, institutionnel et opérationnel de coopération dont s’est dotée la Communauté internationale, pour y faire face, n’a pas encore produit les effets escomptés.
Il nous semble, dès lors, primordial que l’individu et la société soient placés au centre des politiques de lutte contre la drogue, lesquelles doivent, en outre, reposer sur le principe de la responsabilité commune et partagée, conformément aux trois conventions et autres instruments pertinents en la matière, y compris dans le domaine des droits de l’Homme, en tirant, bien entendu, avantage des mandats existants et des leçons apprises au fil des années.
Monsieur le Président,
Le Sénégal, qui est résolument engagé dans la Coopération internationale, considère que les trois Conventions des Nations Unies contre la drogue constituent la pierre angulaire du contrôle international de la drogue.
Compte tenu de sa position stratégique, l’Afrique de l’Ouest est particulièrement touchée par le trafic de drogue, fléau qui a des conséquences désastreuses sur la santé des populations, en particulier, celle des jeunes et des femmes, comme en témoigne l’accroissement des maladies, telles que le VIH-SIDA, dues aux injections de drogues et des troubles psychologiques.
Les consommateurs de drogues sont également exposés aux crimes violents et à la mort précoce, eu égard à leur mauvaise condition de santé. A cela, s’ajoute l’insécurité galopante dans les pays concernés.
Sur un autre registre, la porosité des frontières, la pauvreté et l’instabilité politique apparaissent comme autant de facteurs aggravants de la vulnérabilité de la région ouest-africaine, devenue une plaque tournante du trafic international de drogue, avec un accroissement inquiétant du nombre de consommateurs.
Ces flux illicites sont d’autant plus dommageables aux progrès de nos sociétés qu’ils compromettent la bonne gouvernance, favorisent la corruption et s’accommodent d’activités illicites telles que le terrorisme et son financement, le trafic d’armes à feu, le blanchiment d’argent, la piraterie maritime, la traite des personnes et le trafic de migrants.
Il me plait, à cet égard, de relever l’engagement des pays de la sous-région ouest-africaine en faveur de la formulation et de la mise en œuvre d’une stratégie de lutte contre ce fléau en œuvrant dans le sens d’une synergie d’ensemble dont l’un des points d’orgue a été l’adoption, à Praia, en 2008, de la Déclaration politique et du Plan régional d’action de la CEDEAO renouvelé en 2013, qui met en place un cadre de coopération entre les pays membres en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et la criminalité organisée.
Monsieur le Président,
Situé à la croisée du Sahel et de l’Atlantique, le Sénégal a érigé au rang de priorité nationale, la lutte contre le trafic de drogue et les crimes connexes.
Cet engagement a été traduit, de façon concrète, par le renforcement de ses moyens institutionnels en la matière avec la création de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (ORCTIS), et la création de l’Unité Mixte de Contrôle des Conteneurs (UMCC) au Port de Dakar, l’Institution d’un Comité interministériel de lutte contre la drogue et l’amélioration de sa législation nationale par l’adoption, en 2007, d’une loi qui criminalise le trafic de drogue, permettant ainsi de réprimer la production, l’importation, l’exportation et le transport international de drogues.
En outre, avec l’appui de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Sénégal a pris des mesures concrètes pour améliorer ses systèmes nationaux de traitement de la toxicomanie à travers la création, en décembre 2014, du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (CEPIAD).
Monsieur le Président,
Les mesures prises par les Etats au niveau national ainsi que l’amélioration de leur cadre juridique ne sauraient, à elles seules, suffire à produire des résultats satisfaisants, compte tenu de leurs effets extérieurs souvent préjudiciables aux autres pays.
Il est donc urgent de renforcer nos stratégies pour endiguer cette menace en nous attaquant à ses causes sous-jacentes par une coopération soutenue aux niveaux sous-régional, régional et international.
Comme cela est indiqué dans la résolution 69/201 du 12 février 2015, de l’Assemblée générale intitulée « Coopération internationale face au problème mondial de la drogue », l’atteinte de cet objectif requiert « un engagement politique et une action collective menée dans le cadre de la coopération internationale visant à réduire sensiblement et de façon mesurable l’offre et la demande de drogues illicites qui fassent partie intégrante d’une stratégie globale équilibrée de contrôle des drogues ».
A cet égard, il est nécessaire de promouvoir une meilleure cohérence et de renforcer la coordination entre les mécanismes et entités des Nations Unies tels que l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Commission des Droits de l’Homme (CDH), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONU-SIDA).
Monsieur le Président,
Par ailleurs, même si les incarcérations n’ont pas donné les résultats escomptés, ma délégation est d’avis que la légalisation et la décriminalisation de l’usage de drogues n’est pas la meilleure option car elles pourraient remettre en cause les efforts considérables fournis par beaucoup de pays, notamment africains, dans la lutte contre la production illicite, le trafic et l’abus de drogue.
L’adoption de nouvelles approches basées sur la souplesse et la proportionnalité des peines retenues contre les usagers personnels, combinée au durcissement de la loi face à l’incitation à la consommation et au trafic, doit être sérieusement envisagée au cas par cas et selon les pays.
De façon plus globale, d’autres approches tournées vers le développement et favorisant la création d’alternatives à la prison doivent être explorées.
Dans la même perspective, les mesures visant à promouvoir la prévention de la toxicomanie par l’éducation, la formation, la sensibilisation, l’application de la loi et les initiatives de santé doivent être encouragées et soutenues.
Le respect des droits de l’Homme doit, également, constituer un élément fondamental et transversal des politiques de lutte contre le trafic et la consommation de drogue.
L’assistance des pays dans le renforcement de leurs capacités est plus que nécessaire, notamment en ce qui concerne l’amélioration des systèmes de partage de renseignements, la formation des personnels de santé, la collecte et l’analyse de données, de même que le renforcement des capacités des acteurs, sans oublier la réforme des secteurs de la sécurité et de la justice pour répondre favorablement au défi que pose le problème de la drogue.
Monsieur le Président,
Pour conclure, ma délégation voudrait relever, pour s’en féliciter, l’effort collectif des Etats membres dont la bonne volonté, a permis l’adoption, dans le consensus, de la résolution de ce matin qui ne fait, en vérité, qu’amorcer la réflexion, en perspective d’une évaluation plus approfondie, en 2019, de la Déclaration politique et du Plan d’Action.