MACKY SALL/OUSMANE SONKO : La re-bipolarisation

L’épique confrontation entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade qui a duré presque 20 ans avant l’historique épilogue du 19 mars 2000 ne se répétera sans doute plus. Mais, depuis quelque temps, les ingrédients d’une re-bipolarisation de l’espace politique sont en train de se mettre en place. Macky Sall et Ousmane Sonko sont dans un duel sans merci alimenté par des bases politiques sur-fanatisées. La poussière soulevée par les gladiateurs embrume totalement les autres acteurs de la scène qui s’efforcent de rompre le face à face, sans succès.

Aujourd’hui encore, Macky Sall et Ousmane Sonko se sont affrontés. Par foules interposées. Hier, le chef de l’Etat a fait une entrée fracassante à Thiès où il doit présider un conseil des ministres décentralisé. Vingt-quatre heures avant, le président de Pastef, Ousmane Sonko était l’attraction d’une foule hystérique à Colobane.

Deux semaines auparavant, le leader de Pastef a drainé une foule immense à Keur Massar. Et comme pour répondre à la mobilisation de Keur Massar, Benno Bokk Yaakaar avec à sa tête le Premier ministre a étalé sa capacité à drainer des foules, à Pikine, le dimanche dernier. Ces derniers jours, juste après la conférence de presse d’Ousmane Sonko et ses partenaires politiques, Benno en a aussi organisé sur la même tonalité belliqueuse.

L’histoire, dit-on, ne se répète pas. Mais dans l’espace politique sénégalais, tous les ingrédients rappelant le duel épique Diouf/Wade ou Parti socialiste/Parti démocratique sénégalais sont en place. Les deux hommes se sont affrontés dans quatre Présidentielles et Législatives. Le quatrième face à face sera fatal au président Abdou Diouf. En 2000, Wade viendra, en effet, à bout d’un long règne socialiste, quarante ans au total, ouvrant la première alternance démocratique au sommet de l’Etat. Hier comme aujourd’hui dans le duel Macky Sall/Ousmane Sonko, la poussière soulevée par les deux gladiateurs embrument totalement l’espace politique. Le président et le chef de file de l’opposition se sont rencontrés dans une Présidentielle et une Législative. Trop peu en comparaison avec la confrontation Diouf/Wade qui a duré presque vingt ans. Mais aujourd’hui, il n’y en a que pour Benno bokk yaakaar et Yewwi askan wi ou Macky et Sonko. Les autres leaders ou coalitions, en lice pour les dernières Législatives notamment Aar Sénégal, s’emploient à rompre cette re-bipolarisation, en vain.

Le journaliste-candidat, Pape Djibril Fall (PDF) ou Thierno Alassane Sall, président du parti La République des Valeurs se signalent de temps en temps sans arriver à casser la bipolarisation. Tous sont contraints de jouer, à leur corps défendant, aux spectateurs. Au lendemain de la validation des parrainages, PDF était aux devant de la scène avec cette sordide affaire de vol de parrains au professeur Amsatou Sow Sidibé. Ses multiples conférences de presse lui attiraient la lumière blafarde des médias et de l’opinion. Mais depuis lors, tout s’est tassé sans qu’on sache d’ailleurs le sort de la fameuse plainte du Professeur Sidibé. Deux ténors et leurs coalitions tiennent, à présent, l’espace public en haleine. Même si Macky Sall refuse de descendre de son piédestal de chef d’Etat. Comme Abdou Diouf à l’époque, il envoie ses lieutenants au charbon ou s’accroche à des allusions suffisamment bavardes pour qu’on ne se trompe sur son interlocuteur. En revanche, Sonko qui s’épanouit à merveille dans ce face à face, le cite nommément et lui rend toutes les flèches qu’il décoche.

En témoigne la dernière sortie au format « présidentiel » sur RFI et France 24. « Quand on a gouverné avec la manière dont il a gouverné avec des scandales à la pelle impliquant ses proches, ses beaux-frères, ses frères, ses parents, tous ces gens qu’il a amené à sa gouvernance. Quand on a gouverné par la brimade en instrumentalisant la justice, en libérant les forces de défense et de sécurité sur des gens. Quand on a gouverné de cette manière, on a toujours peur des lendemains », martèle-t-il à l’endroit de Macky Sall. Interpellé, à son tour, avant, par RFI et France 24 sur la manifestation de Yewwi askan Wi du 8 juin dernier et la volonté des leaders d’empêcher la tenue des Législatives si sa liste nationale est invalidée, Macky Sall lâche : « De toute façon, le pays va tenir les élections ».

Le lendemain, Sonko balaie en touche et démolit la main tendue du président de l’Union africaine qui, en compagnie de Moussa Faki, président de la Commission, a été reçu par Vladimir Poutine. « Quand je suis allé voir le président Poutine (…) il fallait tout faire pour aider à libérer les céréales d’Ukraine. (…) La deuxième demande est que nous voulons également accéder aux céréales russes et surtout aux engrais. (…) La troisième demande, c’est que nous souhaitons la fin de la guerre, nous souhaitons une désescalade », a insisté Macky Sall. « C’est une honte », a accusé le président de Pastef. Lui qui estime que l’Afrique en arrive, aujourd’hui, à tendre la main pour des céréales.

Félix DIAGNE – laviesenegalaise.com

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