Macky Sall ne réduira pas son mandat en cours, contrairement à sa promesse de campagne par Jeune Afrique

Au bout de quatre années d’incertitude, le président Macky Sall vient de clore le débat lors d’une allocution télévisée, mardi soir : conformément à l’avis rendu par le Conseil constitutionnel, et malgré sa promesse électorale de réduire son mandat à 5 ans, il accomplira un septennat jusqu’en 2019.

“Les promesses de la nuit sont faites de beurre, et fondent au soleil”, dit un proverbe arabe. Pour le président Macky Sall, la promesse de réduire de 7 à 5 ans le mandat présidentiel que lui ont confié les Sénégalais le 25 mars 2012 ne fut pas une promesse fugace, formulée à la va-vite, mais bien un véritable leitmotiv, symbole d’une gouvernance de rupture.

De Dakar à Bruxelles, de Paris à Washington, l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, devenu le quatrième président du Sénégal indépendant, tenait, par cet engagement emblématique, à marquer sa différence et celle de son pays.

« Ma waxoon, waxeet »

Singularité du Sénégal, d’abord, sur un continent éternellement suspecté de promouvoir présidence à vie et autres tripatouillages constitutionnels suspects, telle une tare congénitale. Rupture avec la gouvernance Wade ensuite, qu’il avait servie tel un dévot avant de prendre ses distances, contraint et forcé, lorsque son ancien mentor lui a désigné abruptement la porte, fin 2008. Abdoulaye Wade avait considéré la Constitution sénégalaise comme un jouet personnel, réduisant la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans, en 2001, avant de chercher à se maintenir au pouvoir au-delà de deux mandats consécutifs, voire d’y installer sa progéniture. Pour les Sénégalais, le verre (de thé) de trop !

“Ma waxoon, waxeet” (“Je l’ai dit, je me dédis”). La phrase, en wolof, d’Abdoulaye Wade aura fait le tour du monde lors de la campagne électorale de février-mars 2012. Après douze ans de mandat présidentiel, le président quasi-nonagénaire entendait prolonger son bail de cinq années supplémentaires, sans s’offusquer de revenir sur la parole donnée. Avec un argument en apparence imparable : le Conseil constitutionnel lui avait donné quitus, considérant qu’il pouvait briguer un troisième mandat, quand la majeure partie du pays y voyait une mascarade.

Le Sénégal ne le lui a pas pardonné, d’autant que cette volte-face venait s’ajouter à un autre affront, commis en juin 2011 : un projet de réforme constitutionnelle – avorté – qui aurait permis à un tandem président-vice-président (derrière lequel chacun devinait son fils, Karim Wade) de prendre les clés du pays avec 25% des suffrages au premier tour.

Sall vainqueur après les excès de Wade

Macky Sall n’a pas seulement été élu sur ses mérites personnels mais du fait des excès d’Abdoulaye Wade, lesquels lui ont permis de bénéficier, au second tour, du report de voix de l’ensemble des candidats malheureux du premier tour, réunis autour du mot d’ordre : « Tout sauf Wade! » Avec un score final accablant : 65% des suffrages exprimés en faveur du dauphin.

Aujourd’hui, Macky Sall est à son tour confronté aux mêmes contradictions. Ses promesses de réduire son premier mandat de 7 à 5 ans ne se comptent plus. En mars 2012, dans l’entre-deux tours, il énonçait cet engagement à l’hôtel Terrou Bi, à Dakar, devant les médias nationaux et internationaux.

C’est un choix définitif, je réduirai mon mandat de deux ans. »

Il n’a cessé de le réitérer depuis. En avril 2012, à peine élu, lors de sa première adresse à la nation, il déclarait : “Déjà, comme vous le savez, j’ai décidé de ramener à 5 ans le mandat de 7 ans pour lequel je suis élu sous l’emprise de l’actuelle Constitution. Je tiens également à ce que les dispositions constitutionnelles limitant l’élection du président de la République à un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois, soient verrouillées, sans possibilité de modifications.”

(Le passage concerné se trouve à 10’09)

Décisions réitérée en mars 2013, en France, lors des Assises de la solidarité nationale :

“C’était un choix personnel de baisser la durée de mon mandat présidentiel. J’ai été élu pour un septennat. J’ai engagé les réformes à travers une commission de réflexion sur la Constitution que j’ai confiée au président Ahmadou Mahhtar Mbow. Cette commission me soumettra ses propositions parmi lesquelles la première mesure sera la réduction du mandat en cours de 7 à 5 ans. Ce sera fait soit par référendum le moment venu, [ou bien] par un vote à l’Assemblée nationale. Mais c’est un choix définitif, je réduirai mon mandat de deux ans.”

Lors du sommet USA-Afrique, en août 2014, Macky Sall persistait et signait:

“Vous savez je suis un homme qui ne s’engage pas à la légère. Lorsque je prend un engagement, j’entends le respecter. Il n’y a absolument rien qui est changé depuis que j’ai fait cette déclaration. Maintenant, les gens voudraient que tout de suite je fasse le changement. Je ne le ferai pas tout de suite. Pour ça, je suis responsable de l’agenda. C’est à moi à savoir à quelle période j’entends faire cette réforme. Mais, je n’ai fait que deux ans et demi sur un mandat de 7 ans que je compte réduire. Donc, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. C’est un débat qui n’a pas de sens, je ne le comprends pas.”

Une fermeté qui lui vaudra, après ceux de François Hollande et Barack Obama, l’hommage de Martin Shultz, président du Parlement européen, en 2015, qui saluera en Macky Sall « un pilier de la démocratie en Afrique et dans le monde ». « Vous êtes un exemple : dans ma vie politique, c’est la première fois que je vois un homme élu réduire de sa propre initiative son mandat. »

Au risque de décevoir les Occidentaux, Macky Sall, finalement, ne réduira pas son mandat. Le Conseil constitutionnel sénégalais s’y est opposé dans un avis rendu le 16 février, et le président sénégalais a obtempéré. Il ira au bout de son septennat, en 2019. Au risque du wax-waxeet.

  • Jeune Afrique
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