Libye : Des migrants vendus aux enchères comme esclaves

Des journalistes de CNN ont filmé une vente d’êtres humains. L’ONU a dénoncé une situation « inhumaine », et la Libye assure qu’une enquête va être ouverte.

« Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un grand homme fort, il va creuser. » Des journalistes de CNN ont filmé une vente aux enchères d’êtres humains, en cachant leurs caméras, en Libye, non loin de la capitale, Tripoli. En l’espace de quelques minutes, ils ont assisté à la vente d’une douzaine de migrants, cédés par des passeurs pour des sommes allant de 500 à 700 dinars libyens (jusqu’à 435 euros). Ces « marchés aux esclaves » se dérouleraient une ou deux fois par mois.Migrants en Libye

Cette enquête de la chaîne américaine met en lumière les situations d’esclavage auxquelles sont réduits de nombreux migrants qui transitent par la Libye pour gagner l’Italie, porte d’entrée en Europe. Interrogé par les journalistes de CNN, un ancien esclave qui est parvenu à s’enfuir raconte son quotidien : « Ils vous font travailler de force et ils vous battent. » Un officiel libyen interrogé en octobre a confirmé avoir bien entendu « des rumeurs » mais « rien ne se passe devant nous ». A la suite des révélations de CNN, les autorités ont assuré qu’une enquête allait être ouverte.

« Horreurs inimaginables »

Le Haut Commissaire des Nations unies (ONU) aux droits humains, Zeid Ra’ad Al-Hussein, a vivement dénoncé, mardi 14 novembre, la détérioration des conditions de détention des migrants en Libye, qualifiant d’« inhumaine » la coopération de l’Union européenne (UE) avec ce pays. Il a également rapporté les souffrances de ces migrants, disant que cet « esclavage des temps modernes » constituait un « outrage à la conscience de l’humanité ».

« La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye, et prétendre que la situation ne peut être réglée qu’en améliorant les conditions de détention. »

En première ligne dans les accords avec les Libyens, le ministre italien de l’intérieur, Marco Minniti, a répondu en évoquant les efforts de son pays en faveur du rapatriement volontaire de 9 500 de ces migrants cette année vers leurs pays d’origine et du transfert à venir d’un millier de personnes « fragiles » (femmes, enfants, personnes âgées) vers des pays tiers.

Une pratique de plus en plus fréquente

Ce n’est pas la première fois qu’un tel commerce est dénoncé. En avril, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait fait savoir que la traite d’êtres humains était devenue une pratique de plus en plus fréquente chez les passeurs.

Interrogés par l’OIM, des migrants originaires d’Afrique de l’Ouest disaient avoir été achetés et revendus dans des garages et des parkings de la ville de Sabha, localité du sud de la Libye, par laquelle passent de nombreux exilés. Ils sont vendus entre 200 et 300 dollars (entre 190 et 280 euros) et retenus deux à trois mois en moyenne.

Originaires surtout du Nigeria, du Sénégal et de la Gambie, les migrants sont capturés alors qu’ils font route vers le nord de la Libye, d’où ils comptent gagner l’Europe en traversant la Méditerranée. Tout au long de ce voyage, ils sont la proie de groupes armés et de réseaux de passeurs, qui tentent parfois de leur extorquer de l’argent. La plupart des migrants sont utilisés comme travailleurs journaliers dans les secteurs de la construction et de l’agriculture.

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LCI parle de L’horreur, de l’autre côté de la Méditerranée

L’horreur, de l’autre côté de la Méditerranée. Alors que les migrants fuyant les guerres et la misère continuent d’affluer massivement chaque jour en Libye dans l’espoir de s’établir en Europe, des reporters de la chaîne américaine CNN ont été témoins d’une scène aussi terrible qu’intolérable non loin de la capitale Tripoli : une vente aux enchères d’êtres humains réduits au rang d’esclaves. Des révélations édifiantes qui seront diffusées ce mardi soir dans le cadre d’un reportage et qui illustrent la situation dramatique de la plupart des réfugiés dans le pays. 

« Sous les yeux des journalistes, une douzaine de personnes défilent pour être vendues en l’espace de quelques minutes », détaille un communiqué de CNN accompagnant un extrait vidéo du document. La séquence fait froid dans le dos. « Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un grand homme fort, il va creuser », dit un vendeur habillé en tenue de camouflage, devant de jeunes hommes au regard hagard. Et la chaîne de poursuivre sa description : « Les acheteurs lèvent la main. Au fur et à mesure le prix augmente, 500, 550, 600, 650… La vente est conclue rapidement, et les hommes complètement résignés à leur sort, sont remis à leurs nouveaux maîtres. »

L’enfer des centres de détention

À la merci des trafiquants d’êtres humains, ces exilés, en quête d’une vie meilleure, le sont aussi des forces de l’ordre locales si l’on en croit les propos virulents du haut-commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme. « La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye, et prétendre que la situation ne peut être réglée qu’en améliorant les conditions de détention »,  a déclaré ce mardi Zeid Ra’ad Al Hussein, dénonçant la coopération entre l’Union européenne (UE) et les autorités libyennes sur la question migratoire. « La politique de l’UE consistant à aider les garde-côtes libyens à intercepter et renvoyer les migrants [est] inhumaine », a-t-il souligné. « La souffrance des migrants détenus en Libye est un outrage à la conscience de l’humanité. »

Cet appel intervient alors que le groupe de contact sur la route migratoire en Méditerranée centrale – réunissant 13 pays européens et africains, dont la Libye – a décidé lundi d’améliorer les conditions des migrants dans les centres de détention tout en promouvant des alternatives à cette solution controversée. D’après des chiffres libyens, 19.900 personnes se trouvaient dans ces centres début novembre, contre 7000 mi-septembre. Une forte augmentation qui fait suite à des affrontements meurtriers à Sabratha, ville de l’ouest devenue l’un des principaux points de départs. 

 
Les observateurs de l’ONU ont été choqués par ce qu’ils ont vuZeid Ra’ad Al Hussein, haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme

« Les observateurs [de l’ONU] ont été choqués par ce qu’ils ont vu : des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants émaciés et traumatisés, empilés les uns sur les autres, enfermés dans des hangars (…) et dépouillés de leur dignité », a expliqué Zeid Ra’ad Al Hussein. Mais aussi horrible soit-elle, la situation n’est cependant pas nouvelle. Début septembre, l’ONG Médecins sans frontières avait déjà demandé à ne plus renvoyer les migrants en Libye, jugeant qu’ils y étaient « violés, torturés et soumis à l’esclavage ». Dans le même temps, l’Unicef (ndlr : spécialisée dans les droits de l’enfant) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avaient rapporté que 77% des enfants et jeunes migrants essayant de rejoindre l’Europe par la Méditerranée centrale faisaient état « d’expériences directes d’abus, d’exploitations et de pratiques assimilables à du trafic d’êtres humains ».

LCI

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