Les étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) souffrant de handicap confrontés à un parcours du combattant pour assouvir leur soif de savoir et se former

Les pensionnaires de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) souffrant de handicap semblent confrontés à un parcours du combattant pour assouvir leur soif de savoir et se former. Une situation plus durement ressentie dans un contexte élitiste et de compétition comme peut l’être une université, en comparaison de la situation de leurs semblables évoluant dans d’autres secteurs d’activités.

Quelque 300 pensionnaires de l’UCAD souffrent de divers handicaps et infirmités, allant de l’albinisme à la défaillance visuelle en passant par la déficience motrice, selon des statistiques de l’Association des étudiants handicapés de l’UCAD, créée en 1989.

Ils ont malgré tout en commun la volonté de construire leur avenir dans l’enseignement supérieur, quitte à souffrir dans un milieu ne disposant pas d’infrastructures adaptées à leur situation.

Ainsi de Talla Niass, inscrit en master 1 option droit public, par ailleurs président de l’Association regroupant les handicapés de la première université publique sénégalaise,

« Le handicap en soi est une difficulté, et quand on y ajoute la volonté d’étudier, c’est encore plus dur », observe Talla, selon qui « les personnes en situation de handicap ont besoin d’être assistées en permanence. Ce qui n’est pas toujours garanti dans l’espace universitaire où le chacun pour soi semble régner en maître ».

« Sauf si l’on vit avec un membre de sa famille ou une personne très compréhensive », relativise Baye Djibel Cissé, secrétaire administratif de ladite association.

« Notre principale difficulté est d’ordre pédagogique », fait valoir ce dernier, étudiant en licence de Géographie, à la Faculté des lettres et sciences humaines.

Il en veut pour preuve la nature des bâtiments pédagogiques, qui ne prennent pas toujours en compte la situation des personnes handicapées.

Une réalité que Souhaybou Pouye a vécu à ses dépens. Cet étudiant en master 1 à la Faculté des sciences et technique confie qu’en première année, il avait dû mettre une croix sur un cours de travaux dirigés (TD), malgré lui, parce qu’il se déroulait au quatrième étage d’un amphithéâtre.

« C’était vraiment fatigant pour moi de faire les escaliers avec mes béquilles », a expliqué cet étudiant, estimant qu’à défaut de construire des structures spécialisées, les autorités « doivent adapter les établissements d’enseignement supérieur public de sorte qu’ils puissent accueillir tout type d’étudiant ».

Un autre problème lié à la situation des étudiants souffrant de handicap concerne les sorties pédagogiques, auxquelles ils ne prennent part que dans de rares cas, témoigne Baye Djibel Cissé.

Or, ces excursions « sont très importantes dans la formation’’, même si les étudiants en situation de handicap « ont par moments du mal à y participer », déplore l’étudiant en géographie.

De son point de vue, ces absences peuvent expliquer de nombreux cas d’échec des personnes handicapées à l’université, d’autant que certains sujets d’évaluation « peuvent porter sur ces excursions pédagogiques que l’étudiant a manquées ».

Des étudiants dans la même situation que Baye Djibel Cissé, sont légion dans l’espace universitaire, où ils cherchent tant bien que mal à dépasser les difficultés quotidiennes liées à leur statut d’étudiant et à leur handicap.

« Après mon Bac en 2012, certains de mon entourage ont cherché à me décourager de mon projet de venir à l’université », témoigne par exemple Cheikh Tidiane Ba, 27 ans, inscrit en master2 de droit.

Selon lui, ces personnes pensaient qu’il ne pourrait pas tenir à l’université, où même des étudiants ne souffrant pas de handicap peinent à vivre, à fortiori lui qui souffre d’une infirmité congénitale au pied gauche.

Celui que ses camarades appellent « maître », en raison de son goût prononcé pour les sciences juridiques, fustige la manière dont certains cours sont organisés, situation qu’il juge « discriminatoire ».

De l’avis de Cheikh Ba, exiger des épreuves physiques dans les critères de sélection équivaut à « une exclusion d’office pour les étudiants en situation de handicap ».

Si l’accès aux bâtiments pédagogiques constitue la principale difficulté des étudiants en situation de handicap, Talla Niass note également les problèmes de sécurité et d’hygiène liés notamment aux toilettes non adaptées.

« On nous signale fréquemment des membres qui ont fait des chutes dans des toilettes », renseigne le président de l’Association des étudiants handicapés (AEH) de l’UCAD.

Talla Niass souhaite également que des salles de lecture soient aménagées au niveau des rez-de-chaussée des pavillons, ce qui fera que les étudiants souffrant de hadicap ne seraient pas obligés de « se déplacer la nuit jusqu’aux amphithéâtres pour la révision des cours ».

Il demande de même que des « quotas raisonnables » de lits soient réservés aux membres de son association.

En attendant, « il faut être compréhensif » et faire preuve de patience avec les étudiants souffrant de handicap, recommande Mamadou Lamine Sakho, un ancien pensionnaire de l’UCAD qui a eu à partager sa chambre avec des étudiants déficients motrices.

 

Avec Aps

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