L’eau des robinets imbuvable : Foundiougne crie sa soif

Depuis bientôt deux ans, Foundiougne, un département de Fatick, a soif. Le préfet a sorti un arrêté pour interdire la consommation de l’eau des robinets dont la teneur en sel était devenue insupportable. La situation s’est empirée le 29 novembre dernier avec la construction d’un nouveau forage, ce qui a renforcé le niveau de salinité du liquide précieux. Décision a été prise de fermer tous les robinets. Désormais les populations sont obligées de se tourner vers les communes voisines pour boire, faire le ménage et se laver.

Foundiougne, 10 heures du matin. La tension monte entre deux jeunes filles pour une histoire de rang sur une file. Des insultes et des invectives fusent. Les protagonistes semblent décidées à en venir aux mains. Une troisième s’interpose. Le calme revient. Mais, probablement, pas pour longtemps.

Depuis plus d’un an, ces querelles de borne fontaine sont devenues fréquentes au niveau de ce point d’eau de Pecun Mbour, un quartier au cœur de ce département de Fatick.

En ce début de journée du 31 décembre 2018, le temps est beau et doux (25° C à l’ombre), mais les cœurs ne sont pas à la fête. La priorité des populations c’est de trouver de l’eau en quantité suffisante pour les besoins de la famille.

Posé dans la région de Fatick, le département de Foundiougne se situe au cœur du Sine-Saloum, à l’Ouest du Sénégal. Ses 8000 habitants partagent une presqu’île de 550 km2. C’est justement cette position géographique, au milieu des cours d’eau, qui est à l’origine du malheur actuel des populations.

Sur place, le décor a radicalement changé. Les files interminables de bidons, de bassines ou autres récipients serpentant vers les points de ravitaillement du liquide précieux, se sont incrustées dans son décor de carte postale. Les charrettes chargées d’eau sillonnant les artères de la ville, aussi.

« Mesures propagandistes »

Depuis presque six mois, la situation n’a pas changé. Pourtant, des mesures prises à la veille de l’élection présidentielle du 24 février 2019 avaient fait naître un brin d’espoir chez les populations. En effet, les autorités avaient raccordé un tuyau entre le forage de Mbam (village situé à quelques Km) et celui de Foundiougne. Une disposition qui permettait à la commune d’avoir une eau de qualité une partie de la journée.

Et même si la quantité n’était pas suffisante, c’était un moindre mal pour certains. « Cela nous avait allégé notre calvaire quotidien consistant à faire la queue derrière les camions citernes à la recherche d’eau », lance Ya Khady, comme l’appellent ses proches, mère de famille au quartier Thiarakhoulé. Cette dernière d’ajouter : « Les robinets avaient de l’eau le soir et on en a profité pour remplir nos réservoirs, mais ça commence à voir des problèmes ».

Pour d’autres, cette mesure prise à la veille de la campagne avait une « coloration propagandiste » pour susciter le vote de l’électorat de la commune. Car, selon eux, depuis le début du ce mois de mars, la situation va de mal en pis. « Avec cette mesure, les camions qui distribuaient l’eau ne sont actuellement que trois. Le robinet ne coule que tard dans la nuit. Dans une famille comme la notre n’arrive même pas à avoir un bidon d’eau. Et Depuis deux jours (déclaration faite le 13 mars, Ndlr), aucune goutte n’est sortie des robinets « , se désole madame Guèye, une jeune mère de famille résidente au quartier Guédji.

Ses coépouses, Ndèye Fatou et Emilie abondent dans le même sens. « C’est un remède qui a causé d’autres maladies », lance Emilie. Pour Ndèye Fatou Guèye, la population de Foundiougne est tombée dans le piège des politiciens. « Cette mesure était simplement pour avoir l’électorat de la commune. Et l’équipe gouvernementale sortant a réussi à avoir presque 80% des suffrages. On n’est malheureusement à la même situation qu’il y a deux mois, et plus grave même », regrette-t-elle.

Retour à la case départ

Pour en savoir plus sur cette mesure censée apporter une solution provisoire au problème d’eau à Foundiougne, Nous avons fait un tour dans les locaux de la Sde. Mais les lieux sont vides et la porte d’entrée fermée avec un grand cadenas. Des traces de travaux de raccordement sont visibles devant le portail. Des matériaux de plomberies sont exposés à l’intérieur de la structure. « Celui qui travaille ici est absent. Depuis que je suis venu au boulot, je n’ai pas vu la porte s’ouvrir », informe un jeune mécanicien qui a son atelier en face de la Sde. Nos tentatives d’entrer en contact, cette fois, avec le responsable de la Sde sont restées vaines.

Pour la population de Foundiougne, c’est donc le retour à la case départ. En effet, depuis un an, cette partie du Sine est confrontée à un problème d’eau potable. Le liquide provenant des robinets avait un taux de salinité très élevé et était devenue imbuvable. « Foundiougne est cerné par la mer, ce qui fait que nous avons un taux de salinité très élevé. Le premier forage du château d’eau date de 1952. La SDE avait jugé nécessaire de creuser un autre. Ce qui nous avait permis de faire le raccordement avec les villages de Thiaré et Soum. Au début, il n’y avait pas de problème. Mais après quelques temps, nous avons noté des anomalies et on a interdit la consommation de l’eau en 2017 », expliquait Malick Traoré, responsable de la SDE de Foundiougne, lors de notre premier déplacement sur les lieux.

Mais le 29 novembre 2018, la situation s’était aggravée. La couleur de l’eau était devenue saumâtre, la teneur en sel avait atteint un niveau très élevé. « Plus élevé même que l’eau de mer », soutient Gorgui Mbaye, Préfet du département de Foundiougne. Ce qui a poussé les autorités à exiger l’arrêt des robinets. L’autorité administrative a même sorti un arrêté pour interdire l’usage de l’eau du robinet. Et c’est le début d’un calvaire chez les femmes en particulier et la population de la commune en général. C’est désormais un chemin de croix pour avoir le liquide vital. Pour se ravitailler, les 8 000 personnes ne comptent que sur 12 camions citernes, qui s’approvisionnent à Sokone, commune située à 60 km.

Ainsi, la quantité servie est très en dessous des besoins de la population. Conséquence : c’est la bousculade, les disputes aux différents points de distribution. « Des problèmes de ce genre sont récurrents actuellement à Foundiougne. Le manque d’eau est à l’origine d’animosité entre femmes. On s’insulte. Les gens s’accusent d’anthropophage, on se bat toujours pour avoir de l’eau », regrette Ndèye Fatou Sall, responsable du point de distribution de Thiamène.

En ce jour de fête de fin d’année, cette dernière, comme tant d’autres, s’est levée tôt pour attendre la citerne qui doit les ravitailler. Une attente qui a durée une éternité. « De 6 heures du matin jusqu’à 12 heures, on a attendu, mais le camion n’est pas venu. C’est un jour de fête donc, les gens sont retournés chez eux en attendant l’arrivée du camion. C’est le calvaire que nous vivons quotidiennement. Ceux qui ont la possibilité d’acheter, le font auprès des charretiers qui s’approvisionnent dans les villages environnants. Le bidon se vent à 200 F Cfa. C’est vraiment difficile », se lamente Ndèye Fatou Sall.

La gestion de la tension

Au quartier Thiarakholé, situé au sud Ouest de la ville, les habitants se sont organisés pour éviter les problèmes. « Comme tout rassemblement de femmes, il y a souvent de petits détails, mais on le gère. Nous avons établi des règles et tout le monde se soumet à ces règles. Nous avons une liste sur laquelle les gens s’inscrivent par ordre d’arrivée. Celui qui déroge aux règles est remis dans les rangs sans problème. C’est difficile, mais un jour, la situation va évoluer », espère Maïmouna Ngom, responsable du point de distribution de ce quartier.

Avec un seul camion tous les deux jours, il n’y a pas assez d’eau pour tout le monde. « Quand ton tour arrive, tu as droit à dix bidons renseigne Marie Fall. Celles qui n’ont pas eu la chance d’être servies, vont attendre la prochaine fois. Donc, nous avons dix bidons pour quatre jours. »

Dans d’autres points de distribution, c’est presque le même scénario. Depuis plusieurs jours, Foundiougne dépend des autres communes et villages environnants pour apaiser sa soif. Pour combler le gap, la population est obligée de se rabattre sur les charretiers qui vendent l’eau de puits. Une situation très difficile pour certains responsables de famille aux maigres revenus. Il s’y ajoute que l’origine de l’eau, sa manipulation et les conditions de sa conservation font courir à la population des risques de contracter des maladies. Bref, le cauchemar est loin de connaitre son épilogue.

Reportage de Seneweb

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