Le nouvel élément de langage du camp présidentiel – “2ème quinquennat” et non “3e mandat”

La notion de « troisième mandat », qui a déjà fait des morts en Afrique et particulièrement en Afrique de l’Ouest, ne semble plus passer. Par conséquent, au Sénégal, les tenants du pouvoir font de plus en plus recours au concept « second quinquennat » pour « légitimer » une éventuelle candidature de Macky Sall en 2024. Un expert décortique cette stratégie de communication.

Dans un entretien téléphonique avec Seneweb, le Pr. Ibou Sané, politologue, a déclaré que « Macky Sall a droit à un nouveau mandat de 5 ans », parce que, explique-t-il, « par ‘nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs’, la Constitution fait allusion à deux mandats de même durée ».
Mais le constat est unanime : Depuis quelques semaines, le terme « quinquennat » est de plus en plus utilisé par les tenants du pouvoir qui, en réalité, ne ratent plus jamais l’occasion pour défendre la possibilité d’un nouveau mandat de 5 ans.

En effet, interpellé à Podor sur un éventuel second quinquennat, Abdoulaye Daouda Diallo, tout nouveau directeur de cabinet du chef de l’Etat, a dit, en début d’octobre, « réitérer (son) accompagnement indéfectible à toutes initiatives que le président Macky Sall aura pris concernant la prochaine présidentielle de 2024 ».

Même son de cloche pour Cheikh Kanté, ministre d’Etat auprès du président de la République chargé du PSE. « Le Président Macky Sall a droit à un second mandat de 5 ans suivant les dispositions de l’article 27 de la constitution et j’invite les Sénégalais qui croient en lui et qui sont persuadés de la pertinence de son programme économique et social, à descendre sur le terrain politique et à se prononcer pour qu’on l’amène à briguer un second mandat de 5 ans. Il y va de l’intérêt supérieur de la nation ». Pour étayer ses propos sur la validité de la candidature de son leader en 2024, l’ancien Directeur du port autonome de Dakar estime que le référendum de 2016 avait validé la mise en place des deux mandats successifs de cinq ans et qu’il n’est pas fait mention de la rétroactivité de cette disposition constitutionnelle.
Contacté par Seneweb sur cette nouvelle stratégie de communication, Dr Jean Sibadioumeg Diatta dit également constater que de plus en plus, des hauts responsables de Bby tentent de justifier la possibilité d’une nouvelle candidature du Président Sall en 2024, « déjà rejeté par le concerné lui-même », en mettant en avant ce terme.

Le syndrome du 3e mandat de Wade

Toutefois, d’après cet expert en science du langage, derrière ce jeu de mot « quinquennat » en lieu et place de « mandat », on peut déceler quatre objectifs de communication. D’abord, à enseignant-chercheur en Communication à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, « l’idée du quinquennat est une échappatoire pour ces leaders face à une opinion qui se rappelle les conséquences douloureuses du troisième mandat de Wade », en 2012.

Ensuite, ajoute Dr. Diatta, « l’évocation du quinquennat constitue également une façon pour le pouvoir de lancer un ballon de sonde afin de mieux appréhender le niveau de réception de ce message ». Le communicant est d’avis que cela apparaît d’autant plus vrai que le Président Sall a récemment rappelé qu’il en parlera le moment venu sans aucune pression. « Cela nous donne l’impression donc que le Président attend d’avoir une meilleure lecture de la situation pour se positionner pour ou contre un autre mandat ».

En tout état de cause, l’enseignant-chercheur a souligné que les membres du pouvoir veulent installer le débat sur le quinquennat à travers le matraquage, c’est à dire le fait d’amplifier le débat autour de cette question, mais aussi à cause du fait que Macky a partout défendu l’idée du verrouillage de la constitution qui l’empêche de candidater en 2024.

«Face à l’absence d’arguments juridiques, ils se penchent sur ce concept. Ils veulent profiter de la saturation médiatique pour influencer les citoyens mais aussi grâce au pouvoir des médias. Cela contribuera donc à accorder plus de crédit à cette candidature, à lui asseoir une validité », a expliqué l’expert.

Dr Jean Sibadioumeg Diatta a, enfin, fait savoir que « le fait, pour le pouvoir, d’installer ce débat sur le quinquennat, peut constituer une stratégie de désorientation de l’actualité marquée par la cherté de la vie. Elle consiste à créer un problème pour en oublier un autre plus pressant ».

Seneweb

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