Le micro-jardinage pour lutter contre la pauvreté et la malnutrition

Le micro-jardinage génère des revenus et enrichit l’alimentation des ménages. Les femmes qui ont fait confiance à la terre récoltent les fruits de leur travail qui profitent à toute leur famille.

En entrant dans le bâtiment, il faut serpenter entre les tables couvertes de plantes. Des pots de menthe sont alignés, d’autres espèces fleurissent dans des bouteilles découpées et certaines plantes vertes pendent de leurs supports accrochés aux murs. Nous sommes dans la cour du Centre d’écoute et d’encadrement pour le développement durable (Ceedd). Fondé en 2005 dans la ville de Thiès à 70 kilomètres à l’est de la capitale Dakar, cette association à but non lucratif propose du micro-crédit et de la formation en micro-jardinage aux femmes de milieux urbains pauvres.

La vie au Sénégal n’est pas toujours facile pour les femmes. Que ce soit en raison des traditions bien ancrées ou du manque d’accès aux ressources financières, seules 57% des jeunes filles intègrent l’école secondaire, entraînant de fort taux d’analphabétisation parmi les femmes adultes. Ce faible niveau d’éducation couplé aux obligations familiales expliquent que, selon les Nations Unies, 80% environ des femmes faisant partie de la population active travaillent dans le secteur informel.

« Le micro-jardinage, c’est la vitrine du Centre », se plaît à rappeler la présidente du Ceedd, Oumy Seck Ndiaye. Cette pratique qui se développe en milieu urbain est définie par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) comme « la culture intensive d’une grande variété de légumes, tubercules, racines ou herbes dans de petits espaces. » Ici, plus de 360 femmes font pousser des salades, des choux, des gombos, des aubergines et du basilic. Chacune d’entre elles cultive une espèce particulière, puis elles troquent les récoltes. Cette activité en plus de générer des revenus, permet aux femmes d’avoir des légumes pour améliorer leur alimentation et lutter contre la malnutrition.

Une douzaine de personnes, des employés et des bénévoles sénégalais et européens, forment les femmes aux techniques de micro-jardinage. L’une d’elles, utilisée par le centre, est un système inspiré de l’hydroponie, à l’aide de flottines, composée de plaques de polystyrènes et de mousses, dans lesquelles on insère les plantes à développer. 

Le Centre peut commencer à apprécier le fruit du travail accompli, remportant des prix au niveau national et international. Il diversifie désormais ses activités et élargit son champ d’intervention en proposant des formations en artisanat, de la microfinance, des activités socio-éducatives et des services de santé tels que des tests du VIH, des visites à domicile, de la contraception ou de la vaccination. L’équipe de Ceedd qui cherche à rendre les femmes autonomes sur le plan économique, travaille sur les autres maillons de la chaîne à savoir la transformation et la commercialisation. « Nous formons des femmes sur les techniques de conservation des produits frais ou de leur transformation. Nous avons des confiture d’aubergine, des sirops à base de miel et de citron, des jus avec des pains de singe, du bissap », renseigne la présidente. Les collectivités locales de la ville de Thiès et des villes étrangères, en France notamment, soutiennent le Centre en achetant une partie des produits finis, sécurisant une nouvelle source de revenus pour les femmes.

Les bénéficiaires n’ont pas mis tous leurs œufs dans un même panier. Si la production n’est pas au rendez-vous ou si elles n’écoulent pas leurs légumes, elles peuvent compter sur le crédit revolving. « Les femmes sont obligées de verser une cotisation mensuelle de 1500 francs Cfa (2,5 euros). Donc chaque mois une parmi elle reçoit 60.000 francs CFA (92 euros), qu’elle rembourse au bout de 6 mois. Toutes ces initiatives contribuent à l’autonomisation financière de la femme », nous fait savoir la présidente. Cette pratique informelle de prêts est utilisée dans de nombreux pays d’Afrique et dans les caraïbes.

Malgré un développement important, le centre Ceedd n’est pas à l’abri des difficultés. Comme dans la plupart des pays africains, le Sénégal doit faire face au changement climatique et à l’urbanisation rampante. Les mauvaises récoltes et le chômage ont conduit 40% de la population du pays à s’implanter en zones urbaines, comme à Thiès. Dans ce contexte, la spéculation sur les terres est de plus en plus dure, ce qui constitue une potentielle menace pour les micro-jardins du centre.

Pour le moment, il est clair que le programme Ceedd a permis d’améliorer le quotidien des femmes de Thiès. Désormais en mesure de subvenir financièrement aux besoins de leurs enfants, ces mamans à la main verte abordent le futur avec optimisme.

          Idrissa SANE – Le Soleil

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