La « crise au sein du système judiciaire » sénégalais allait être évitée si les conclusions des Assises nationales avaient été adoptées et mises en œuvre

La ‘’crise au sein du système judiciaire’’ sénégalais allait être évitée si les conclusions des Assises nationales de 2008-2009 concernant la justice avaient été adoptées et mises en œuvre par le pouvoir actuel, soutient le professeur Dialo Diop, un des leaders de cette concertation.
Les Assises nationales ont démarré le 1er juin 2008, à l’initiative de l’opposition, de la société civile et de nombreux acteurs économiques, pour ‘’trouver une solution consensuelle, globale, efficace et durable à la grave crise’’ d’ordre ‘’éthique, politique, économique, social et culturel’’ au Sénégal.
 
Elles se sont déroulées jusqu’au 24 mai 2009, sous la direction de l’ancien ministre Amadou-Mahtar M’Bow, directeur général de l’Unesco de 1974 à 1987, aujourd’hui âgé de 97 ans.

Dialo Diop rappelle que les participants à cette concertation avaient proposé la création d’une Cour constitutionnelle chargée, parmi d’autres missions, de diriger le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Certains observateurs estiment que la présidence du CSM par le chef de l’Etat prive le pouvoir judiciaire de son indépendance.

‘’Prenez [l’exemple] de la justice. Les Assises nationales disaient qu’il fallait refondre le pouvoir judiciaire pour garantir l’indépendance des juges. Pour cela, il faut que le président de la République cesse d’être le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), et que son ministre de la Justice cesse d’en être le vice-président’’, a rappelé M. Diop dans une interview publiée samedi par le quotidien EnQuête. 

Des « ajouts qui ne changent rien »

 
Selon les participants aux Assises nationales, explique-t-il, cette juridiction devait être dotée de ‘’prérogatives constitutionnelles étendues, qui font que ses juges [arrêtent de] se déclarer incompétents chaque fois qu’il y a un problème d’interprétation’’ des questions soumises à leur jugement.
 
‘’Cette disposition a été jetée à la poubelle et remplacée par la mesure cosmétique de faire nommer un membre du Conseil constitutionnel par le président de l’Assemblée nationale’’, dénonce Dialo Diop, faisant allusion à l’un des changements introduits par Macky Sall dans la Constitution adoptée par référendum en mars 2016.
 
‘’Vous avez vu les petits ajouts qu’on a faits, qui ne changent rien à la chose. Et le résultat des courses : la tutelle étouffante de l’Exécutif a abouti à la rébellion, parce qu’on ne peut pas l’appeler autrement, et à la crise au sein du système judiciaire’’, poursuit-t-il.
 
M. Diop fait allusion à la démission avec fracas d’un juge membre du CSM et aux objections publiquement exprimées par certains magistrats envers le chef de l’Etat et le ministre de la Justice, qui sont respectivement président et vice-président du Conseil supérieur de la magistrature, une instance chargée de la gestion des carrières des magistrats.
 
‘’Tout cela avait été prédit par les Assises nationales (…) On n’en a pas tenu compte. Eh bien, voilà le résultat’’, a conclu Dialo Diop, concernant les propositions faites lors des Assises nationales pour le secteur de la justice.

« Des décisions royalement ignorées »

 
Macky Sall fait partie des signataires de la Charte de gouvernance démocratique, le document qui condense les décisions de la concertation.
 
Ses détracteurs lui reprochent de n’avoir pas respecté ses engagements. Les partisans du chef de l’Etat estiment qu’il avait émis des réserves en vertu desquelles il n’était pas tenu d’appliquer les conclusions des Assises nationales après son élection en mars 2012.
 
‘’La lutte contre la corruption, la dépendance économique et monétaire, la crise du franc CFA… Sur toutes ces questions vitales pour l’avenir de l’Etat et de la société sénégalaise, des solutions durables avaient été énoncées. Mais, malheureusement, elles ont été royalement ignorées’’ par Macky Sall, déplore Dialo Diop.
  • ESF – APS
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