La chanteuse Guigui se confie : Une Clémentine mûre

Elle était le tube de l’été. Et elle veut donner une bouffée de chaleur à cet «hiver» capricieux. Aujourd’hui, Guigui, Ramatoulaye Clémentine Sarr à l’état civil, sort son premier album (Jotna) pour montrer son talent d’artiste. On appréciera l’artiste. Elle a l’allure, le minois et aussi cette déhanchée sensuelle et provocatrice qui réussit à faire sauter le coffre de n’importe quelle scène. Au-delà de cette femme fatale qui fait lever les foules, elle est doctorante en communication, employée d’un service bancaire.

Dans cet entretien, Guigui détaille le contenu de son album, dévoile sa vraie nature. Loin des «clichés» sur son apparence jugée sexy. Elle parle aussi des frasques qui escortent sa carrière. Elle dit tout. Guigui «Jotna» (c’est le moment). Clémentine est un fruit mûr.

Vous préparez la sortie de votre album. Parlez-nous un peu de cet album…
Avant j’aimerai rappeler que j’en suis à mon premier album. J’ai sorti mon premier single, Li ci mbeuguel en mars 2013, Jotna en novembre 2013 et Whats my name qui date de 2014. La sortie officielle de Jotna est prévue le 20 février prochain, jour de mon anniversaire.
Trois ans après la sortie de votre premier single, vous décidez de sortir votre premier album. Qu’est-ce qui explique ce long décalage ?
Cela ne constitue pas un décalage. Il y a des gens qui me disent que je me suis précipitée. Car  il y a des artistes qui sont là depuis plus de 10 ans  et qui n’ont pas d’album. Mon staff m’a conseillé d’attendre un peu, mais moi je pense qu’il était temps que je produise mon premier album.

Pourquoi Jotna (C’est le moment) ? C’est le moment de quoi ?
Je pense que le mot Jotna englobe tout. En 2012, avant les élections présidentielles, on a traversé des moments vraiment difficiles. C’est ce qui m’a inspirée à sortir mon premier single Jotna. Au fait je me suis dit pourquoi pas l’album Jotna. Ainsi dire aux gens qu’il est temps que tout le monde s’éveille, que les gens s’entendent, qu’ils s’aiment et Jotna que les personnes s’entraident.

A vous entendre parler, hormis votre casquette artistique, Guigui est aussi intéressée par la politique…
Vous savez, la politique c’est depuis l’antiquité, elle a toujours existé. Ce n’est pas parce que tu es dans un parti politique que tu es forcément politicien. Chaque citoyen doit être politicien de soi-même, revendiquer ses droits et faire ses devoirs. Il a l’obligation de travailler et d’apporter son opinion sur tel ou tel autre régime. En 2012, les Sénégalais ont montré qu’il ne s’agit pas seulement, pour un citoyen de dire que c’est anormal, mais ils ont proposé des solutions. Moi j’opte pour les gens engagés et qui proposent des solutions pour que le Sénégal aille de l’avant.

Quels sont les titres de l’album et les thèmes que vous développez ?
Jotna est composé de sept titres. D’abord, Jotna, qui appelle à la révolution et à la conscientisation des Sénégalais. Boulma di door fait état des violences conjugales faites aux femmes. Diox ma sa khol, parce que je pense que l’amour doit être réciproque. Raison pour laquelle j’y  raconte l’histoire d’une femme qui demande à un homme  de lui donner son cœur. Le cancer du sein est devenu un mal pour la gent féminine, car beaucoup de femmes en sont victimes aujourd’hui. C’est le deuxième cancer qui tue plus de femmes dans le monde derrière celui du col de l’utérus, donc j’ai chanté cancer du sein pour sensibiliser les femmes à se dépister. Il y a aussi ma mère, un tube dans le quel je rends hommage à ma maman et à mes tantes  pour tout ce qu’elles ont eu à faire pour moi. Sans oublier le morceau Ange Gabriel qui est exclusivement dédié à la presse sénégalaise. A travers ce son, j’ai voulu rendre hommage à la presse car L’Ange Gabriel est l’ange annonciateur, c’est lui que Dieu envoie pour transmettre des messages. Et je pense que les gens de la presse sont des envoyés. (Rires) je ne sais pas qui vous envoie par contre. En grosso-modo je dirai que le thème central de l’album renvoie à un hymne de la vie.

Pourquoi Guigui a choisi de faire du Pop-mbalax ? N’est-il pas un choix osé dans un pays ou le mbalax pur et dur dicte sa loi ?
Je me suis identifiée au Pop-mbalax. C’est-à-dire, j’ai pris les sonorités d’ailleurs et je les ai associées avec notre mbalax national. Mais je dis tout le temps que je suis chanteuse et je suis appelée à valser toute sorte de musique, Reggae, Salsa, Zouk, Cabo et je suis prenante. Je fais du Pop- mbalax pour me faire une identité différente.

Donc  vous ne vous identifiez  pas au mbalax?
Si je vous dis que je fais du Pop-mbalax, c’est parce que je veux apporter quelques chose de nouveau. Je ne veux pas être une suiveuse. Je crée et c’est ainsi que je compte marquer mon empreinte sur la scène musicale sénégalaise.

Guigui est produite par quel label ?
Je n’ai pas de producteur. J’ai vendu mon terrain, rien que pour pouvoir mettre sur le marché mon album. Chaque mois, je prends une partie de mon salaire pour payer mon studio. Et pour la promotion de l’album, toutes les affiches que vous voyez, je les fais à la sueur de mon front, sans l’aide d’aucun producteur.

Parlant de scène et de marquer votre empreinte, on peut dire que Guigui est connue aujourd’hui grâce à ses sorties fracassantes avec des tenues à la limites «trop sexy» pour ne pas dire extravagantes. Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est un constat déplorable.

Alors que Guigui a annoncé récemment qu’elle aller  refaire son image…
Exactement ! Moi en tant que Guigui je suis libre et je suis indépendante. Mais je vois que parfois, les gens confondent Guigui et Guigui la fille sexy qui se déhanche sur scène. Je veux marquer mon empreinte dans l’histoire de la musique sénégalaise, bien sûr que le style vestimentaire compte dans ce cas. Il faut seulement que je précise qu’un artiste ne doit pas s’habiller comme une personne lambda qui se promène dans la rue. Vous me voyez là, dans mon bureau, est-ce que vous m’avez reconnue ? Non ! Et c’est la même impression qu’ont beaucoup de gens. Là, je suis dans mon lieu de travail, je dois être correcte et refléter l’image de l’entreprise que je représente. Alors quand je suis sur scène je dois me parer de  mon image d’artiste et montrer une Guigui chanteuse. C’est dommage que les gens confondent ces deux personnages. Donc je ne dirai pas l’image, mais peut-être physiquement je vais améliorer la façon dont je m’habillais auparavant. Malgré-cela je serais toujours la Guigui osée qui essaye de dégager quelque chose d’artistique.

Donc pour vous différencier des autres artistes, vous choisissez de vous looker sexy (mettre des bas déchirés jusqu’au hanche, porter des hauts en dentelles à travers lesquels on voit presque tout votre corps)…
C’est la scène qui demande cela. C’est le public qui  demande cela, s’il ne le plaisait pas,  je n’aurai pas eu autant de contrat de prestations. Donc je m’habille ainsi pour faire plaisir à mes fans. Vous ne verrez pas une maman porter ces genres de tenues que  je mets sur scène. C’est parce que j’ai l’âge de le porter et encore une fois, c’est ma musique qui demande cela, je le porte. Mais je ne vais pas me promener dans la rue avec les mêmes tenues. Il faut noter une chose aussi, pour chaque prestation, j’ai une tenue spéciale et adéquate à mettre. Par exemple quand je vais dans une école, je m’habille en jean, c’est en fonction des cibles. J’ai un staff qui gère mes tenues. Je précise que toutes les images que vous voyez sur le net  ont été prises lors des soirées privées, je ne peux pas empêcher quelqu’un de prendre des photos ou une vidéo. Donc laissons les artistes êtres modernes quand même, moi je sais faire la part des choses.

Votre manière de vous habiller sexy, souvent critiquée, ne risque-t-elle pas d’être une entrave à votre carrière musicale ?
Est-ce que l’on m’a une fois critiqué ? Je ne pense pas. Moi je suis naturellement sexy, même en grand boubou je suis encore plus sexy. Donc je n’ai jamais été critiquée. Pourtant je ne vais pas continue à me saper comme ça. Peut-être que quand j’aurai 40 ans je changerais de look.  Je ne veux plus que les gens parlent de mes habits sexy, mais plutôt qu’ils mettent en avant mes concepts et ce que je prône. Je vais mettre l’accent sur ma musique et augmenter la dose.

Dans What’s my name, vous avez prôné la modernité en disant que les cheveux crépus sont révolus. Pour­quoi ? Est-ce une façon d’inciter les jeunes à miser plus sur les artificiels «cheveux naturels, poses greffage) ?
Wakh nekh na, wayé deg deg moko dakh, wakh bou egu dof mo ko mom (il faut savoir lire entre les lignes). Et c’est malheureux qu’au Sénégal, on est toujours obligé de s’expliquer.  Quand je parle des cheveux crépus je ne fais pas allusion aux cheveux naturels en tant que tel, je parle au sens figuré.  Cheveux crépus n’est pas une métaphore, mais c’est un adage que les blancs utilisaient au 15e siècle pour dire aux africains qu’ils sont des faux. Ils voulaient montrer que les africains ont un cerveau crépu comme leurs cheveux. Donc quand je dis que les cheveux crépus sont révolus, je valorise l’Afrique. Mais la donne a changé car les Américains ont un Président noir. J’ai utilisé un jeu de mot et je pensais que les intellectuels existaient au Sénégal, mais malheureusement ici il n’y a pas…Heureusement qu’il y a des gens qui ont compris le concept. J’ai dit qu’on en a assez de revendiquer notre africanité, on est africain et on n’a pas besoin de le rappeler  à tout bout de champ. On ne verra jamais un blanc revendiquer sa couleur. Et pourquoi nous on s’autoproclame noir. Il faut qu’on arrête de dire qu’on est fier d’être africain, mais qui n’est pas faire de ce qu’il est ? Alors…..arrêtons, c’est des trucs révolus.

On parle d’une certaine rivalité entre  vous et Déesse Major. Quelles sont vos relations ?
Je préfère ne pas me prononcer sur cela. Je ne parle pas des relations qui me lient avec qui que ce soit.

A part la musique, que fait Guigui ?
Bon, comme vous pouvez le constater je travaille  dans une banque au service marketing et communication depuis 2010.  Après l’obtention de ma licence, j’ai la chance d’intégrer cette boîte ce qui ne m’a pas empêchée de continuer mes études. J’ai eu mon master depuis 2014 et je continue mon doctorat en communication. Aussi j’œuvre pour le social. J’ai parrainé des enfants au Village Sos sis au Baobab. Je profite de cette occasion pour dire  à la population qu’il est vraiment important de s’occuper des enfants, surtout ceux qui sont abandonné. La moindre des choses que les gens nantis qui font du «battré»  doivent faire, c’est aider en premier les enfants de la rue. Ils peuvent faire des dons en nature ou en espèce. Le système de parrainage est simple, ils n’auront qu’à s’approcher du Village. Il s’agira de verser un somme symbolique chaque mois pour participer à la vie et à la formation des enfants.  Ces derniers sont l’avenir de toute une Nation, il faut que tout le monde s’y mette si nous voulons un Sénégal émergent, même si on peine à émerger.

En 2015, une information, qui circulait, disait que Guigui faisait l’objet d’une plainte déposée par un Modou-Modou qui lui réclamait une voiture et 8 millions de F Cfa à cause d’un mariage avorté. Qu’en est-il réellement ?
(Rires). C’est de l’histoire ancienne. Je suis une personne positive, tout ce qui est négatif je le laisse au diable. Je vais te dire une chose, c’est vrai que l’histoire est vraie, mais il n’y a jamais eu de plainte (rires). Le gars ne m’a jamais porté plainte. C’était mon ami et pas mon fiancé, il m’avait juste offert un cadeau.

Depuis trois jours il est noté sur la toile que Guigui a été surprise  avec  une star nigérienne dans des positions pas très catholiques, et c’est la femme même de l’artiste en question qui a ameuté tout l’hôtel, et  les photos circulent actuellement sur le net. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Je viens de l’apprendre par vous. Il y a beaucoup de choses qui se passent et dont je ne suis même pas au courant car dans  la boîte  on a un système assez sécurisé qui fait qu’on ne peut pas visiter beaucoup de site, la connexion es restreinte. Je passe 10 heures de ma journée ici. Tu sais Guigui c’est l’agneau du sacrifice. Je me lève à 6heures du matin pour aller travailler et je ne rentre que le soir vers 20 heures, donc moi je n’ai pas le temps de trainer dans les hôtels.  Je ne connais aucun Nigérien à part celui qui fait le défrisage dans mon quartier. Dans la vie, comme l‘a si bien chanté Yous­sou Ndour, je ne vais pas répondre ni m’occuper de ces gens qui essayent de ternir mon image  (boulène falee daniou lay tardel dawal gaaw). C’est ça ma philosophie. Personne ne m’a jamais vu apporter des démentis  ou encore moins revendiquer quel­que chose. Je me connais, ma famille et mes fans savent ce dont je suis capable. On ne peut connaître une personne sans l’avoir fréquenté, moi je sais ce que je vaux. Ce n’est pas moi qui suis sur ces photos. Donc moi personne ne va me rabaisser. Je suis une battante comme une digne  fille de sérère et de Djola, je ne vais pas m’attarder sur des rumeurs et des enfantillages. Qui me cherche ne me trouvera pas. «kène douma téyé» (personne ne peut se mettre en travers de mon chemin, si ce n’est Dieu). Je n’ai pas de temps pour les hommes.

Guigui n’est pas mariée donc ?
Je ne suis pas mariée et je n’ai pas de petit-ami. Pour le mo­ment je privilégie le boulot. Quiconque s’aventure à me draguer trouvera ici une vrai lionne, une battante. Je n’ai pas le temps de m’amouracher, soit je me marie ou je reste seule. L’affaire ce n’est pas la durée, mais l’essentiel est que le feeling passe. Pour que chacun puisse soutenir l’autre à l’avenir, le reste n’est que futilité. Je crois au travail, à un mari travailleur, s’il apporte cent, j’apporte cent ou plus.  Je travaille pour être autonome financièrement, mais ne pas dépendre d’un homme.

Il est dit souvent que la musique ne nourrit pas son homme. Est-ce le cas pour vous ?
Ça n’engage que ceux qui le disent. Je rends grâce à Dieu.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la musi­que sénégalaise ?
Je vois que cela évolue même si on n’a pas le soutien du gouvernement. Mais je vois des artistes qui innovent et qui s’autoproduisent et font tout pour réussir.

Quels sont vos projets ?
Mes projets c’est continuer ma passion qui est la musique et œuvrer sur le social. Et m’investir sur les enfants de la rue. J’envisage de porter ma voix pour aider les femmes à combattre  le cancer du sein. Je projette par ailleurs de faire des tournées à l’international. Cependant, avec la sortie de mon album, je compte reverser 30% des recettes que je gagnerais aux enfants du Village SOS.

Vous prônez le social. A la télé et sur la toile, les gens ne parlent que de votre  look sexy, cela ne peut-il pas constituer un handicap devant ces enfants  là ?
Je rends grâce à Dieu et je dis à chaque fois qu’il ne faut pas que les gens prennent en exemple ce que certains gens veulent véhiculer  sur mon image. Mais il faut qu’ils se focalisent sur ma vie personnelle et professionnelle, c’est-à-dire mes études, mon travail et ma passion et c’est ce message que je véhicule  devant les enfants. Je profite de mes sorties pour dire aux enfants que même s’ils ont une passion, il faut se focaliser sur les études avant tout. L’éducation est prioritaire devant toute autre chose. Et pour moi la musique c’est une distraction, elle est faite pour se divertir et se détendre. Et c’est déplorable d’entendre les gens dire que la musique c’est fait pour éduquer, ce n’est qu’en Afrique qu’on a cette conception régalienne de la musique. Elle n’est pas faite uniquement pour lancer des messages, mais on peut être porteur de projet  et sensibiliser les gens. Donc, mon image ne peut impacter négativement sur la relation que j’ai avec les enfants. Ils ne sont pas obligés de copier les tenues artistiques que je porte, ils ne sont pas des artistes. Tout à l’heure j’ai parlé d’autoproduction, mais c’est Guigui et son entourage, son staff avec ses fans compréhensifs qui font de moi ce que je suis. Ils connaissent la vie de Guigui et ils ne lui font pas des reproches. Le 20 février «lep dina leer» (tout sera clair).

 

Mbayang Sarr FAYE – Le Quotidien

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