Interrogations sur le silence de Idrissa Seck ?

Plusieurs observateurs politiques s’interrogent sur le silence du chef de file du parti Rewmi. Emmuré dans le silence depuis l’élection présidentielle de février 2019, Idrissa Seck étonne les observateurs et inquiète ses militants. Le contexte politico-social, marqué par des contestations diverses, jette un voile flou sur les motivations du leader de Rewmi. Consent-il, par son mutisme, à la politique du Président Sall ou cherche-t-il, par pure stratégie, à susciter le désir chez les électeurs ? Le quotidien national « Le Soleil » a consacré dans la semaine un large dossier sur ce silence de l’opposant arrivé 2e derrière Macky Sall lors de la Présidentielle de février dernier. Le journal a interrogé des militants et des experts.

« Nous sommes dirigés par un muet ». Le jugement est sans doute excessif, mais ce militant du parti Rewmi ne sait plus à quel Idrissa Seck se fier. L’homme politique à la ligne claire qui promettait une opposition homérique au Président Macky Sall ou le chef de parti au trait obscur qui marmonne des sentences inaudibles dans son propre parti ? « Je ne peux pas comprendre qu’après cette nouvelle légitimité acquise en se classant deuxième à la présidentielle, Idrissa Seck refuse de se prononcer sur les graves questions qui agitent notre pays », se désole notre interlocuteur. Il faut dire que le leader de Rewmi a complètement changé de fusil d’épaule.

Idrissa Seck-entretien-interview-Seneweb

Idrissa Seck a provoqué un cataclysme politique le 25 mars 2013 avec son fameux « Rewmi doxul ». Ses alliés de l’Apr, pris au dépourvu, usent d’armes de destruction massive pour canarder les positions de l’ancien Premier ministre. Pris sous le feu nourri du parti présidentiel, Rewmi, la formation politique d’Idrissa Seck, a fortement vacillé, perdant au passage « ses » Ministres au Gouvernement et ses principaux responsables. Oumar Guèye, Pape Diouf, Me Nafissatou Diop (celle que l’ancien Maire de Thiès appelait « Nafissa », la précieuse en arabe), Youssou Diagne et beaucoup d’élus locaux ont rejoint le parti au pouvoir.
Le 25 mars 2013, Idrissa Seck a parlé. Trop vite. Révélant, au passage, ses intentions. « Qui parle se révèle », dit l’adage. Dans le camp du pouvoir, on a compris que le Président du Conseil départemental de Thiès a commencé à débroussailler le chemin qui mène à la présidentielle de 2019 et on a mis en œuvre un plan pour affaiblir Rewmi et contenir les ambitions d’Idrissa Seck.
Au-delà du débauchage des militants et responsables rewmistes, les arguments développés par le parti au pouvoir visent à décrédibiliser le patron du parti orange en le faisant passer pour un « aigri », un « homme traumatisé » par la victoire de Macky Sall, un politique dont le rêve de devenir le quatrième Président de la République du Sénégal a été contredit par les électeurs et par le Président Sall.
Connu pour son sens de la répartie, Idrissa Seck ne rate alors aucune occasion pour flétrir l’action de Macky Sall. Et tout y passe. Les moments de silence sont rares. « La vision de Macky Sall ne dépasse pas Diamniadio » ; « Il n’a même pas commencé à peindre les projets de Wade » ; « Rien ne va pas dans ce pays » ; « Le Président tue le peuple en réduisant les dépenses de l’État »… Les attaques contre le nouveau régime sont acerbes, mais en face, on sait aussi donner des coups. Et ils sont rudes. L’ancien Premier ministre de Wade a cependant réussi, durant ces années où le nouveau Président cherche ses marques, à instaurer une dualité politique au sein de laquelle il s’est taillé un ample costume d’alter ego du patron de l’Alliance pour la République (Apr). Et, ironie du sort, c’est vers sa candidature qu’ont convergé presque tous les leaders recalés par le parrainage lors de la dernière présidentielle.
Arrivé deuxième derrière Macky Sall, Idrissa Seck a fait une déclaration conjointe avec les autres candidats malheureux pour contester les résultats. Seulement, il s’est emmuré depuis dans le silence. Depuis février 2019, on n’entend le leader de Rewmi que par intermittence. Et il parle de tout sauf de politique. Dans son parti, on estime que le moment n’est pas propice à la communication malgré les fureurs du moment sur la hausse du prix de l’électricité, la fin du franc Cfa ou encore les mandats présidentiels. « Idrissa Seck, un homme qui a occupé plusieurs stations politiques, fait plus de 30 ans d’opposition, et connait les temps, événements et moments de communication, est quelqu’un d’achevé », argumente Déthié Fall, le numéro deux du parti orange.
Avec le silence de son mentor, c’est cet ingénieur polytechnicien, Vice-président de Rewmi, qui attire toute la lumière dans son parti. C’est lui qui dirige les tournées, préside les séminaires et porte l’étendard de sa famille politique à l’Assemblée nationale. Une manière de contrer Sonko… Pourra-t-il combler le vide ? « Même si le Vice-président du Rewmi, Déthié Fall, essaye de participer au jeu politique, il ne peut pas combler le vide laissé par Idrissa Seck qui, en dernier ressort, donne les grandes orientations de son parti », analyse l’enseignant-chercheur Moussa Diaw.

Sidy DIOP

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