Innovation : De jeunes polytechniciens fabriquent du javel avec l’eau de mer

Le rêve peut conduire à des résultats inattendus. De jeunes polytechniciens de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar étaient affligés de voir beaucoup d’Africains succomber lors des épidémies de maladies virales liées au manque d’hygiène et d’insalubrité. Ils ont décidé alors de s’attaquer au problème en travaillant à rendre accessible un désinfectant très usité, à savoir l’eau de javel. L’équipe pluridisciplinaire invente un dispositif et explore alors des procédés chimiques. Au bout du compte, elle a fabriqué de l’eau de javel à partir de l’eau de mer qui a les mêmes propriétés.de-jeunes-polytechniciens-fabriquent-du-javel-avec-leau-de-mer-senegal

Les premiers échantillons sont distribués à l’Hôpital Dominique de Pikine et au Marché Tilène de la Médina.

Des étudiants de l’Ecole supérieure polytechnique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) viennent une nouvelle fois de démontrer qu’ils ne sont pas de simples consommateurs de connaissances et de technologies produites ailleurs. Grâce à des formules et procédés chimiques, ils ont fabriqué de l’eau de javel avec de l’eau de mer. Cette eau a les mêmes propriétés que l’eau de javel issue des procédés chimiques industriels. Ce sont les éléments qui entrent dans les compositions qui diffèrent.

Mais les propriétés sont les mêmes. C’est une grande avancée pour ces jeunes étudiants qui n’ont pas encore bouclé leur formation. C’est pour cela que les encadreurs ne cessent d’encourager ce groupe de jeunes tournés vers les inventions et les innovations.

Les analyses effectuées ont confirmé les priorités désinfectantes de l’eau de javel fabriquée à partir de l’eau salée ou l’eau de mer. En plus des procédés, un dispositif a été conçu pour simplifier les techniques. « Nous avons mis en place un dispositif qui produit de l’eau javel à partir de l’eau de mer. Nous avons fait en sorte que le dispositif puisse produire de l’eau de javel à partir d’un litre d’eau de mer ou d’une cuillérée de sel versée dans un litre d’eau. Le dispositif fonctionne, soit avec l’électricité, soit avec des batteries », explique Ousseynou Sylla, étudiant à l’Esp de Dakar. Contrairement à l’inventeur de ce désinfectant, le chimiste français Claude Louis Berthollet, qui avait choisi de passer par la réaction basée sur le dichlore et de la soude pour inventer l’eau de javel, les étudiants de l’Esp (Lissoune Ndiaye, Malick Demba Kidda, Alioune Badara Kamara, Yaye Fama Dieng), ont concentré leur réflexion sur une solution aqueuse salée. Ainsi tous qui ceux veulent fabriquer l’eau de javel et qui maîtrisent leur technologie peuvent le faire aussi bien près de la mer ou à l’intérieur du continent avec un dispositif léger et utilisable même en campagne. « L’eau de javel, c’est un désinfectant indispensable pour la préservation de la santé. Mais beaucoup de ménages, aussi bien dans les villes que dans les villages, n’ont pas les moyens d’avoir ces produits à suffisance parce qu’ils sont appelés à faire plusieurs dépenses dans le mois », justifie l’étudiant.

Par la simplification du procédé et la réduction des coûts de production, les jeunes polytechniciens balisent ainsi la voie à l’accès en masse à l’eau de javel. « Il suffit de mettre un litre d’eau et une cuillérée de sel et faire fonctionner l’appareil avec l’électricité ou une autre source d’énergie et avoir son eau de javel au bout de 15 à 20 minutes », commente Ousseynou Sylla.

Réduction du coût de fabrication
Les étudiants ont mis des échantillons à la disposition des populations. Des bouteilles ont été distribuées à l’Hôpital Dominique de Pikine et au Marché Tilène. Le feed-back des structures et des personnes qui ont utilisé des échantillons ont convaincu les étudiants qui peuvent participer à la lutte contre des maladies en rendant accessible ce produit. Il faut rappeler que la préservation de la santé des personnes à revenu modeste ou intermédiaire a été le point de départ de cette innovation. Pour ces jeunes polytechniciens, ce n’est pas normal en Afrique que des personnes continuent de mourir pour des questions liées à l’hygiène et à l’insalubrité. « Nous avons constaté que le manque d’hygiène et l’insalubrité causent de nombreux décès.

Or tous ces décès sont évitables si les produits désinfectants sont disponibles. Nous nous sommes dits qu’il faut se rebeller contre cet état de fait », raconte M. Sylla qui fait partie d’un groupe qui a été plusieurs lauréats des concours sur les innovations et l’entreprenariat social. Comme pour beaucoup de porteurs de projets innovants, les chances de production à une échelle importante sont minimes. L’accompagnement par des industriels est un défi à relever dans ce secteur en plein frémissement depuis l’explosion des nouvelles technologies.

L’historique d’une invention
En tout état de cause, l’invention de l’eau de Javel a son histoire. C’est le chimiste français Claude Louis Berthollet qui a été le premier à mettre en évidence les propriétés décolorantes du chlore en partant d’un procédé de blanchissement des toiles avec une solution de chlorure et d’hypochlorite de potassium. C’était en 1777.

Mais le Français doit beaucoup au chimiste suédois Scheele qui a découvert le chlore en 1774. Au fil des années, d’autres scientifiques essaieront d’affiner les procédés. En 1820, le pharmacien Antoine Germaine Labarraque étudie les qualités désinfectantes des dérivés chlorés et des hypochlorites de potassium et de sodium. Il a mis au point une solution de chlorure et d’hypochlorite de sodium. Aujourd’hui, l’innovation apportée par ces jeunes sénégalais s’inscrit dans l’affinement des procédés de fabrication.

Idrissa SANE lesoleil

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