In Memoriam: Winnie Mandela, Figure de proue contre l’Apartheid (1936-2018) Par Dr Pierrette Herzberger-Fofana

Nous rendons hommage à une grande Dame de la lutte contre l’Apartheid, Winnie Mandela. Elle a largement contribué à la naissance d’une Afrique du Sud démocratique qui est devenue la Nation Arc en ciel où tous les citoyens et citoyennes jouissent des mêmes droits. Désormais, le droit de vote est acquis pour les Noirs et ils peuvent circuler librement. Officiellement, la ségrégation raciale est abolie.
Nomzamo Winnie Madikizela est née le 26 septembre 1936, «Mama Wetu», la mère de la nation sud-africaine est décédée ce lundi 2 avril 2018 à Johannesburg, des suites d’une longue maladie. Le nom de Winnie reste indissociable de celui de son ex-époux, Nelson Mandela. Durant les 27 années de braise où Madiba était incarcéré, elle a tenu haut le flambeau de la lutte contre la discrimination raciale et épaulé son mari. Elle a subi de plein fouet les foudres de l’Apartheid dans toute sa rigueur: les détentions arbitraires, les incessantes tracasseries et les humiliations policières, le bannissement et l’isolement, l’injustice et les arrestations, les surveillances constantes, les restrictions dans ses déplacements, et le harcèlement perpétuel ont été le lot de sa vie, mais elle a tenu bon. Elle est demeurée fidèle aux idéaux qui l’unissaient à Nelson Mandela, décédé en 2013.

Durant 27 ans, elle a mené une lutte sans merci jusqu’à la libération de Mandela, qui était emprisonné à Robben Island. Elle a osé défier les autorités blanches qui ont tout fait pour briser sa résistance. Elle s’est battue contre vents et marées. Malgré les vicissitudes de la vie et les intimidations du régime raciste de Pretoria, elle a fait preuve d’un engagement sans faille. Elle a élevé seule ses deux filles, Zenani, née en 1958 et Zindziwa, née en 1960.

Grâce à sa ténacité, Nelson Mandela n’est pas tombé dans l’oubli. Il a été libéré le 11 février 1990. Le couple a eu le bonheur de marcher dans les rues d’une nouvelle Afrique du Sud, officiellement libéré des démons du racisme. De 1994 à 1999, Mandela fut le premier président de l’Afrique du Sud, élu démocratiquement par tous les Sud-Africains et Sud-Africaines. Mais le destin en avait décidé autrement, et ils se sont séparés, deux ans après soit en 1992 et ont divorcé en 1996 après 38 ans d’union.

Je garde en mémoire le souvenir d’une femme de caractère que les aléas de la vie n’ont pas estompé le courage et le militantisme. Notre rencontre date du sommet des femmes à Beijing en 1995. La venue de Winnie sous la tente africaine avait attiré pratiquement toutes les participantes Africaines présentes au Sommet de la Femme à Beijing. Ce fut un délire monstre, lorsqu’elle est entrée sous la tente. Chacune d’entre nous voulait s’approcher de celle qui représentait le symbole de la lutte contre le racisme. Nous étions toutes ravies de voir l’icône de la lutte contre le racisme. A même le sol, nous buvions ses paroles. Les femmes de tous les pays du monde lui ont rendu ce jour-là un hommage vibrant. Ce fut un baume sur son cœur meurtri. Militante fervente, Winnie s’est illustrée par la fermeté de ses actes.
Winnie, la première femme Africaine à avoir obtenu le diplôme d’assistante sociale en Afrique du sud, s’est sacrifiée au-delà de l’humainement possible. Elle a été durant de longues années la cible du racisme d’Etat. Elle est l’activiste infatigable, la figure charismatique incontournable du mouvement Anti-Apartheid. Elle a consacré sa vie pour la liberté de l’Afrique du Sud. Cependant elle a commis des erreurs de parcours qui ont entaché sa biographie.
Avec Winnie, c’est une héroïne de la lutte contre le racisme, le fer de lance du combat contre l’Apartheid, qui s’en est allée de l’autre bord. Comme l’affirme l’archevêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix : «Elle était une formidable égérie de la lutte, une icône de la libération, un symbole majeur»d’un combat de longue haleine qui a redonné aux Sud-Africains et sud-Africaines leur dignité.

L’écrivain Khulu Mbatha, un pilier de l’ANC a résumé en ces mots le sentiment de ses compatriotes vis-à-vis de Winnie:
«Les Sud-Africains se souviendront de Winnie Mandela pour ce qu’elle a fait à l’époque où la direction de l’ANC était emprisonnée à Robben Island. Winnie Mandela a entretenu la flamme de la liberté qui brûlait dans les cœurs et les esprits des Sud-Africains car elle était assez forte, assez courageuse, pour dire haut et fort qu’un jour ce pays serait libéré par le Congrès national africain. Cette femme, la femme noire la plus puissante de toute l’Afrique du Sud, était l’incarnation même de la lutte de libération .»

Dans une lettre ouverte publiée par la presse africaine, Graça Machel, la veuve de Nelson Mandela lui a rendu un vibrant hommage. Ensemble, elles ont accompagné la dépouille mortelle de celui avec qui chacune d’elle a partagé un pan de sa vie. Machel a exprimé sa tristesse en apprenant le décès de sa «Grande sœur.». Elle a émis l’espoir que le monde entier lui rende hommage en ces termes

Ma chère grande sœur
Ce qui me console, c’est que tu sois devenue l’une des étoiles les plus brillantes dans le ciel où tu demeureras toujours présente et rayonnera d’un vif éclat. La vie extraordinaire que tu as menée est un exemple de courage, de force d’âme et de passion inextinguible ; ce qui est une source d’inspiration pour nous tous de voir comment tu as vaillamment affronté les défis avec un courage indéfectible et détermination. Merci pour ta sagesse lumineuse, ton combat acharné et ton élégance raffinée Ta petit sœur (ma traduction)
Winnie Mandela demeurera l’emblème de la longue souffrance infligée par un régime raciste qui a imposé son joug jusqu’à la fin du 20ème siècle.
Jusqu’à ce jour, sa popularité est demeurée intacte. Winnie a sans arrêt attiré l’attention sur les échecs de son parti en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. Pour les plus démunis de son pays, les pauvres elle incarne la nouvelle prise de conscience des Africains. En 2010, lors du championnat de foot-ball lorsque de violents actes de xénophobie contre les Africaines, originaires des autres pays d’Afrique secouaient l’Afrique du Sud, c’est avec courage qu’elle est montée au créneau.Elle a critiqué ses attentats et appelé à la raison ses concitoyens.

En Afrique du sud, le drapeau national a été mis en berne sur tous les bâtiments administratifs afin de rendre hommage à la «Mère de la Nation», une grande Dame. Ses funérailles auront lieu le 14 avril 2018.

Nous rendons hommage à l’une des grandes figures du mouvement contre la ségrégation raciale.
Nous rendons hommage à l’indomptable combattante, la Pasionaria qui a changé le cours de l’histoire!
Nous rendons hommage à un grande figure de l’histoire contemporaine, la Présidente de la Ligue des Femmes, l’honorable Député, l’ex-ministre de la culture dans le premier gouvernement démocratique.
Nous nous inclinons très respectueusement, devant la mémoire de celle qui a incarné durant des décennies la militante acharnée de la lutte contre l’Apartheid.
A sa famille éplorée et à sa famille politique l’ANC, nous présentons nos sincères condoléances.

Que l’Esprit de ses ancêtres l’accueille dans l’au-delà.
Que la terre lui soit légère et qu’elle repose en paix !
NkosiSikel’ Africa.God bless Africa!

 

Dr Pierrette Herzberger-Fofana

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