Imams au féminin ou l’émergence d’un Islam progressiste

Ludovic-Mohamed Zahed ! Ce nom n’est pas trop connu du grand public. Pourtant, c’est celui d’un homme particulier. Particulièrement particulier ! C’est celui d’un Imam…homosexuel. Intriguant, n’est-ce pas ? L’on peut se demander de savoir comment il se débrouille avec ces passages du Coran qui racontent l’anéantissement de Sodome, des suites de la colère de Dieu ; Sodome, cette ville qui, précisément, était habitée par des homosexuels aux temps du prophète Luut (Loth, Lut). Peut-être, ne les récite-t-il jamais. Peut-être, les interprète-t-il autrement, à tel point que leur sens devient moins incisif, moins dissuasif, moins menaçant, en un mot. Colère des Cieux, réinterprétation, qu’importe. Le fait est là : les mosquées où les prières sont dirigées par des Imams ouvertement homosexuels existent bel et bien. Sommes-nous en train de stigmatiser ? Aucunement ! Seulement, nous exposons les faits…

Un autre fait, non extérieur à cette question d’Imamat, mais, qui sera sans doute plus problématique dans l’esprit islamique sénégalais. Rassurons-nous, d’abord : cela ne s’est pas produit au Sénégal. « Nous avons assisté (…) à un temps –de- prière musulman dirigé par deux femmes imams. » Ainsi Christine Mateus, journaliste au Parisien, exposait-elle le fait dans une vidéo. L’acte de prière, « dirigé par deux femmes imams » (et si on mettait « imames » ?), est selon la même journaliste, « une première en France.» C’était donc en France.

Le temps de prière en question a été organisé « dans le plus grand secret pour des raisons de sécurité », a vu la participation de 70 voire 80 fidèles et s’est déroulé de façon mixte : « c’est-à-dire que hommes et femmes ont pu prier les uns à côté des autres sans hiérarchie spatiale », soutient Christine. A elle de poursuivre : « elles (les deux femmes imames ») ont créé toutes les deux une association cultuelle en vue de créer une mosquée à l’avenir dirigée par elles. »

A partir du témoignage de la journaliste, on s’aperçoit de l’existence déjà de mosquées mixtes et de femmes Imames. Mais, plus loin, elle dira : « cet Islam est fondé sur quatre grands principes : l’égalité femme-homme dans un premier temps, c’est-à-dire que toute femme est libre si elle le désire de devenir Imame, de prêcher, de prier à côté des hommes (…), la liberté de porter le voile ou non; l’inclusivité, la francophonie » « Cet Islam », entend-on la journaliste dire. Cet Islam, serait-on donc devant le spectacle de naissance d’un Islam autre que celui qui a vu le jour en Arabie, et dont le Prophète se nomme Mouhammad (PSL).

En tout état de cause, la comparaison se faisant à partir des dires de Christine, on peut penser que si. D’abord, sur les principes. Ce que l’on considère comme Islam depuis toujours est construit autour de cinq principes : la Chahaada, la prière, la zakat, le jeun du mois de Ramadan, le pèlerinage à la Mecque. Et, selon la journaliste du Parisien, « cet Islam » en aurait seulement quatre. Différence ! Peut-être, les femmes Imames sauront être plus claires en explication qu’elle. Ensuite, cet Islam « progressiste » dont il est question ici, dans ces principes, semble retrancher tous les autres à la base de l’Islam classique, et ne garderait que celui relatif à la prière. Nouveau ! Si, du nouveau, dans cet Islam progressiste.

En fin de compte, il semble que cet Islam naissant ne s’intéresse qu’au principe de la prière, en faisant abstraction des autres. Astucieuse, la démarche : transposer le principe d’un système X, dans un autre système Y, gardant le même nom, et faisant passer Y pour X, en parfaite conscience que X et Y ont un monde de différences entre eux. Hormis la prière, les autres principes de ce nouvel Islam, à regarder de plus près, sont à l’air du temps. « Inclusivité », « égalité hommes-femmes », « francophonie » (dans le sens où les prêches doivent se faire en Français, tout mot arabe devant être traduit pour faciliter la compréhension) sont des concepts assez récurrents à l’échelle internationale, dans les milieux politiques, universitaires…

Alors, avons-nous un Islam des temps modernes, qui vienne remplacer l’Islam classique ? « Nous voulons aussi contester les interprétations patriarcales de l’Islam, en montrant qu’il est possible d’être musulman, et pratiquer l’Islam tout en étant membre d’une société démocratique. Ce n’est pas une contradiction.» C’est la déclaration de Sherin Khankan, elle aussi Imame, mais au Danemark. Pourquoi n’oserons-nous, d’ailleurs, dire ici qu’on a des relents de discours féministes dans cette déclaration ci-dessus ? Et, voilà qu’à cela s’ajoute l’éternelle question à laquelle le professeur Tariq Ramadan essaie de répondre depuis des décennies, une réponse que ne semblent pas (vouloir) entendre ses co-débatteurs de France, de Suisse etc.

Cette question : l’Islam est-elle compatible aux sociétés démocratiques d’Occident ? Le professeur a tant bien que mal répondu que « oui », mais… Alors, est-ce par souci d’adapter l’Islam originel à la démocratie que de telles réformes sont faites au niveau de l’Imamat ? Au nom de la démocratie, les musulmans doivent-ils refaire leur religion ?

On ne pourra ni affirmer, encore moins infirmer. Cependant, les faits sont là, et chacun pourra les interpréter comme bon lui semble.


 

                ♦ Moussa SECK – laviesenegalaise.com

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