Idrissa SECK, le déclin d’un champion

Qu’arrive-t-il donc à «Ndamal Kaajor» ? En cinq ans, l’ancien Premier ministre a perdu ses plus fidèles lieutenants et le contrôle de son gouvernail. Redoutable tacticien et fin politique, Idrissa SECK n’est plus que l’ombre de l’homme politique qui se voulait quatrième Président du Sénégal.

«La situation qui prévaut dans notre parti est compréhensible. Comme toute organisation, c’est tout à fait normal qu’il y ait souvent des remous, des crises. Mais, naturellement, cela dénote de la vitalité de notre parti. Il faut seulement essayer de régler et de dépasser ces crises. Il faut prendre à bras le corps tous ces problèmes. C’est ce que nous faisons. Nous pensons que nous avons un grand parti. C’est tout à fait normal qu’il rencontre quelques difficultés. C’est la marche naturelle de toute organisation». Ces explications de Yankhoba DIATTARA qui tente de justifier les démissions de Thierno BAUCOUM, Samba THIOUB et autres, ne convainquent que ceux qui dorment debout. Ce fidèle parmi les fidèles de l’ancien maire de Thiès aura beau parler de vitalité, Rewmi n’en demeure pas moins une formation politique en totale décrépitude. Et les dernières démissions  ne sont que l’arbre qui cache la forêt.

De héros à zéro

Ces deux dernières décennies, Idrissa SECK a plus que marqué le landerneau politique sénégalais. Directeur de la campagne présidentielle victorieuse du candidat Abdoulaye WADE en 2000, Idy a longtemps tenu la maison libérale pendant que Maître hibernait en France. L’organisation du Parti démocratique sénégalais et son fonctionnement au Sénégal lui ont toujours été dévolus par  un Abdoulaye WADE qui ne revenait au Sénégal que pour participer à une élection. Un compagnonnage non sans conséquence. En 1988, à l’issue de l’élection présidentielle remportée par Abdou DIOUF dès le premier tour avec plus de 71% des voix, Idy est envoyé en prison à Rebeuss en même temps que son mentor. Pourtant, au lendemain de la première alternance, personne ne l’a vu dans le premier gouvernement dirigé par Moustapha Niasse. Nommé ministre d’Etat, Idy avait pris pied au palais présidentiel, s’affairant autour des dossiers de chevet de son mentor. Le leader de l’Afp débarqué de son poste de Premier ministre, il demeura dans l’ombre, toujours ministre d’Etat auprès du Président et chargé de diriger son cabinet. C’est à la fin du mois de septembre 2002, quand le naufrage du bateau le Joola emporta Mame Madior BOYE et son équipe, que Me WADE confia les clefs de la Primature à son «fils spirituel».

Nommé neuvième Premier ministre du Sénégal, Idrissa SECK s’affirmait, dès lors, comme le numéro deux du Pds et le gardien du legs de la famille libérale. Le 3 février 2002, à l’Assemblée nationale, avec la voix cassée, il prouva à ses détracteurs, qu’après «la seule constante», c’était lui. Idrissa SECK était alors perçu comme l’inamovible dauphin du «Vieux» et son inévitable remplaçant. De Me Ousmane NGOM à Serigne DIOP, tous ceux qui pouvaient lui disputer cette posture avaient fini par répondre aux sirènes socialistes.

Au plan des résultats, Idrissa SECK, en tant que chef du gouvernement, avait réussi à porter le taux de croissance à 6% et était revenu du Groupe consultatif de Paris avec 840 milliards de francs Cfa. Seulement, Me WADE voulait perpétuer un nom de famille.

Et arriva le duo Macky-Karim

Alors qu’il était au sommet de son art, faisant et défaisant les carrières, Idrissa SECK est démis de ses fonctions de Premier ministre le 21 avril 2004. Wade le limoge. Après avoir bouclé l’essentiel des chantiers de Thiès qui marqueront à jamais son empreinte dans la cité du rail, le président de la République décide de l’écarter. Un limogeage dont le décor a été campé quelques jours avant la fête de l’indépendance du 4 avril 2004, le fameux «4, 4, 44».  Pourtant les déboires d’Idy ne faisaient que commencer. Quatorze mois plus tard, les chantiers de Thiès qui l’avaient élevé au firmament de la popularité à Thiès vont sonner sa disgrâce et l’envoyer à Rebeuss. Seulement, pour un libéral digne du nom, la prison n’est qu’une étape dans la longue marche menant au pouvoir. Et Idrissa SECK, qui n’a jamais caché ses ambitions,  a eu le temps de s’en rendre compte plus d’une fois. A force d’être bousculé, jeté en pâture à l’opinion par ses frères libéraux, il finit par enfiler la veste de la victime, de l’agneau du sacrifice. Pour beaucoup d’analystes politiques, si Idrissa SECK ne s’était pas rendu le 22 janvier 2007 au palais de la République pour rencontrer Me Wade, il aurait eu de grandes chances d’amener ce dernier au deuxième tour de la présidentielle de la même année. Avec 14,8% des suffrages, Idy s’était classé deuxième, devançant Moustapha NIASSE, Ousmane Tanor DIENG et leurs alliés communistes. Un score anecdotique qu’Idrissa SECK peine depuis à rééditer.

A force de vouloir supplanter «l’immortel» WADE qui entend se faire remplacer à la tête du Pds par son fils, Idy n’a pas seulement perdu du temps. Il est également passé à côté de la véritable massification de son parti dont il n’a réellement jamais voulu, en plus de s’être séparé de nombreux de ses anciens compagnons. Qui restent-ils parmi les députés Oumar SARR, Mor Talla DIOUF, Samba Bathily, NDEYE Maguette DIEYE, Garmy FALL et autres qui avaient démissionné le 25 avril 2005 pour fonder le «Front de l’alternance» (FAL) ? Où sont passés les Oumar GUEYE, Pape DIOUF et autres ?  Ce n’est donc pas par hasard si son score a chuté de moitié entre la présidentielle de 2007 et celle de 2012. Habib SY semble si bien le comprendre que quand il lance un «truc» improbable, c’est lui qu’il va d’abord voir.

Mame Birame WATHIE – Walf

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