Franc CFA : Ce que pensent nos Présidents du débat sur le franc CFA

En finir avec le franc CFA : le grand débat

La Cemac et l’UEMOA doivent-elles en finir avec l’ex-franc des colonies d’Afrique ? Économistes, responsables politiques, banquiers… il semble de plus en plus difficile de trouver des voix pour défendre cette monnaie commune. Enquête sur un tabou africain.abdoulaye-wade-francs-cfa

Les dirigeants africains ont beau dire que le franc CFA n’est point un sujet sensible. Que des économistes, des universitaires, des politiques voire des chefs d’État se sont toujours librement exprimés sur cette monnaie utilisée dans quatorze pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, mais aussi aux Comores.

Ce fut peut-être le cas dans les années 1960 et 1970, lorsque des Présidents décidèrent de claquer la porte de la zone franc, comme le Malien Modibo Keïta. Sans doute avait-il été inspiré par son ministre d’alors, Seydou Badian, qui affirmait : « Le droit de battre monnaie est l’un des attributs essentiels de la souveraineté nationale. » Aujourd’hui, il n’en est plus rien !

Un tabou africain

Lorsque la rédaction de Jeune Afrique s’est lancée dans cette enquête, elle a fait appel à plus d’une vingtaine de personnalités d’horizons divers : économistes, banquiers, ministres ou dirigeants d’institutions internationales. Anglophones comme francophones. Africains, européens et américains. La plupart des anglophones ont décliné la proposition, expliquant qu’ils ne maîtrisaient pas bien les contours de ce système monétaire. Plusieurs Français se sont prêtés à l’exercice et ont exposé leurs arguments, pour ou contre le franc CFA.

Du côté des Africains, c’est-à-dire des premiers concernés par le débat, cela a été une tout autre histoire. Nous avons rarement essuyé des refus catégoriques. Mais hormis les habituels contestataires de cette monnaie, très peu de personnes ont répondu à nos questions. Il y a par exemple ce dirigeant d’une institution panafricaine qui, dans un premier temps, nous a assuré qu’il était prêt à expliquer, preuves à l’appui, pourquoi cette monnaie était néfaste pour les économies qui l’utilisent. Pour finalement faire marche arrière : « Étant donné ma position, il m’est délicat de donner publiquement mon opinion », a-t-il plaidé.

Plus étonnant encore, le cas de ce patron de renom, connu pour sa liberté de parole, dont nous préférons taire le nom. Il était, avant de rentrer récemment en politique et de solliciter le suffrage de ses concitoyens, de ces Africains qui défendent ardemment le franc CFA. Avec, il faut le reconnaître, des arguments convaincants. Sa réponse a d’abord été : « Qui participe au débat ? Quelle forme prendra-t-il ? Puis-je avoir les questions en amont ? » Jeune Afrique s’est prêté au jeu et lui a donné tous les éléments. Depuis, plus rien. Et nos relances n’ont pas permis de le faire sortir de son silence. Pour quelle raison ? Allez savoir…

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Quand « Gorgui » tourne casaque

Tout le monde l’attendait sur le sujet, mais Aboulaye Wade a préféré botter en touche : « Il serait irresponsable de ma part de m’attarder trop longtemps sur le franc CFA. Ne comptez pas sur moi pour dire s’il est surévalué ou non. Irresponsable, car demain les capitaux s’envoleraient dans tous les sens. Contrairement à ce que croient certains journalistes, qui pensent qu’on peut dire ce qu’on veut, je pense que certaines choses ne se disent pas. »

C’est donc un ancien président sénégalais très prudent qui s’est exprimé le 19 octobre dans un amphithéâtre bondé de Sciences-Po Paris. Économiste et auteur d’une thèse intitulée Économie de l’Ouest africain : unité et croissance, en 1959, il était invité par l’Association des étudiants de Sciences-Po pour l’Afrique (ASPA) à plancher pendant deux heures sur « Les grands défis économiques de l’Afrique ». Mais il a préféré aborder d’autres thèmes comme l’écologie, la désertification, l’éducation ou la mémoire de l’esclavage.

Loin, très loin de ses sorties autrefois très critiques envers la monnaie de la zone franc… Aurait-il tourné casaque ? Lui qui, en 2010, déclarait par exemple : « Après cinquante ans d’indépendance, il faut revoir la gestion monétaire. Si nous récupérons notre pouvoir monétaire, nous gérerons mieux. Le Ghana a sa propre monnaie et la gère bien. C’est le cas aussi de la Mauritanie, de la Gambie qui financent leurs propres économies. »

Face aux relances des étudiants, Gorgui (« le vieux »), qui, malgré son âge, se présente comme « un homme d’avenir », a tout de même tenu à préciser qu’il était « pour une monnaie africaine, continentale ». « Je l’ai déjà dit, je l’ai écrit. Aujourd’hui, c’est possible, il n’y a techniquement aucun problème, estime-t-il. En économie, c’est surtout la volonté politique qui est déterminante. » (H.N.)

Jeune Afrique 

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