Flambée des prix alimentaires : le FMI alerte sur « les risques de troubles sociaux » en Afrique

La flambée des prix alimentaires engendrée par la guerre en Ukraine accroît « les risques de troubles sociaux » en Afrique, a alerté, jeudi, le Fonds monétaire international, quatorze ans après les « émeutes de la faim ».


Les graines de nouvelles « émeutes de la faim » sont-elles plantées en Afrique sub-saharienne ? Un peu tôt pour le dire, mais la flambée des prix alimentaires fait craindre au Fonds monétaire international des « troubles sociaux » sur le continent.

« Les craintes à l’égard de la sécurité alimentaire se sont nettement accentuées » avec la guerre en Ukraine et l’explosion des prix des denrées alimentaires, accroissant « les risques de troubles sociaux » au sein des pays vulnérables, a alerté, jeudi 28 avril, l’institution de Washington dans un rapport régional.
« Nous sommes très inquiets de la récente flambée des prix des aliments et du carburant » sur le continent, a commenté auprès de l’AFP le directeur du département Afrique au FMI, Abebe Aemro Selassie, relevant des risques de « protestations sociales ».

« Ce choc frappe de manière extrêmement ciblée les plus pauvres, en faisant augmenter les prix alimentaires, ceux des carburants et du transport en général, et au bout de la chaîne les producteurs de biens et services qui rehaussent leurs prix », a-t-il poursuivi.

La flambée des prix des denrées alimentaires est sans précédent : ils ont atteint un nouveau record en mars et effacé le précédent plus haut de 2011, selon l’indice de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui inclut les tarifs des huiles végétales, des céréales ou des produits laitiers.

Le blé importé à 85 %
La progression des prix du blé est « particulièrement préoccupante », écrit le FMI dans son rapport intitulé « un nouveau choc et une faible marge de manœuvre ». Car l’Afrique sub-saharienne importe 85 % de sa consommation de la céréale, avec des montants particulièrement élevés en Tanzanie, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, et au Mozambique.

Plus largement, les importations de blé, riz et de maïs représentent plus de 40 % des calories consommées chaque jour par les habitants du Botswana, du Lesotho, de Maurice et du Cap Vert, détaille un graphique de l’organisation internationale, qui voit parmi les pays les plus fragilisés par l’insécurité alimentaire Madagascar, la République démocratique du Congo et les Etats autour du Sahel.

Deux mois après le début de la guerre en Ukraine et alors que le conflit ne montre pas de signe d’accalmie, « la hausse des prix des denrées alimentaires exacerbera l’insécurité alimentaire et les tensions sociales », craint le FMI.

C’est justement une forte augmentation des prix des aliments de base qui avait précédé les « émeutes de la faim » de 2008, des mouvements de protestations plus ou moins violents dans une trentaine de pays, notamment au Sénégal et au Cameroun, ainsi qu’au Maghreb et dans les Caraïbes.

Faut-il craindre un acte 2 ? Le FMI reste prudent quant à de potentielles révoltes violentes. Le directeur général de la FAO, Qu Dongyu, a pour sa part dressé en avril un parallèle entre l’explosion de 2008 et la situation actuelle : les deux crises sont marquées par une flambée des prix alimentaires, des carburants, des engrais, ainsi que des transports, a-t-il affirmé.

La situation est même potentiellement plus problématique cette fois, avait-il ajouté, en raison de deux années de pandémie et des risques majeurs que fait peser la guerre en Ukraine sur les récoltes de l’an prochain.
La pandémie a fait augmenter le nombre de personnes sous alimentées à un quart de la population sub-saharienne en 2021, calcule le FMI.

Une redite de 2008 « peut être évitée », a toutefois estimé Qu Dongyu, évoquant la nécessité de ne pas voir s’accélérer les restrictions à l’export sur les aliments.

Le FMI s’inquiète aussi quant aux capacités budgétaires des Etats, dans une région dont la croissance économique devrait ralentir cette année à 3,8 % : « bien plus de pays d’Afrique sub-saharienne étaient en meilleure santé budgétaire en 2008-2009 pour absorber le choc », signale Abebe Aemro Selassien.

« Cette fois, avec des dettes publiques aussi élevées dans autant de pays, les marges de manœuvre sont fortement diminuées », selon le directeur Afrique qui appelle la communauté internationale à soutenir la région « de la manière la plus énergique possible ».

Avec AFP

Source France24
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