Exploitation de la pierre de ponce : une menace au-dessus des Mamelles

L’exploitation de la pierre de ponce a laissé une grosse entaille au sommet de la colline des Mamelles de Ouakam. Au pied de ce mont de roches volcaniques, les restaurateurs, les tenanciers de cabanon redoutent une déstabilisation des Mamelles.
La mer est très agitée au pied de la colline des Mamelles de Ouakam, ce dimanche 22 août 2021, à 11 heures. Les vents précipitent des vagues qui s’écrasent sur les basaltes. L’énergie des vagues a fait disparaître temporairement la langue de sable. Le sommet de la falaise est le siège d’une autre érosion. Sauf que là-bas, c’est l’homme, qui est l’unique responsable. Du côté de la mer, au sommet colline, une grosse entaille dessine la forme d’une grotte incrustée. Sa profondeur augmente au fil des années. Les strates des couches noires, des pierres basaltiques sont visibles à partir de la plage. La stratification est imprimée par une éruption volcanique datant de 700.000 ans. « La pierre de ponce se forme durant une éruption volcanique riche en gaz. Une fois, à l’extérieur, le magma riche en gaz se refroidit rapidement. L’évaporation des gaz créée des trous, des alvéoles. C’est ainsi que se forme cette pierre », explique l’enseignant-chercheur, le Professeur Papa Goumba Lô.

L’échancrure lovée sur la façade maritime de la falaise est la résultante du prélèvement de la pierre de ponce, vendue à un prix d’or, sur le marché de la sous-région, Burkina Faso, Mali et Togo. « Nous avons eu plusieurs altercations avec des maliens qui creusent le sommet de la colline pour extraire la pierre de ponce. C’est nous qui sommes ici que ne connaissons pas la valeur de cette pierre bien vendue au Mali, au Burkina Faso », raconte Mamadou Ndong, gérant du restaurant « Chez Ngom ». Très en verve, l’homme aux dreadlocks, visage couvert de sueur, sur un site balayé par la brise pense qu’il y a anguille sous roche sur ce prélèvement qui n’émeut pas les autorités. « Nous avons saisi à plusieurs fois, leur matériel d’excavation. Nous avons interpellé plusieurs fois la gendarmerie de Ouakam. Mais depuis lors rien n’a changé », se désole Mamadou Ndong.

Sauver les Mamelles

Dans ces cabanes, aux murets construits avec des roches de basaltes surmontées par des pans en bois ou de lattes de bambou laissant transparaitre les rayons du soleil, la protection des Mamelles est un souci partagé. Ce monument historique est un atout touristique. Il faut pour Ibrahima Wade, né le 27 août 1976 à Ouakam sauver les Mamelles. « Nous avons rendu cette plage célèbre. Tous ceux qui y travaillent parviennent à entretenir leur famille. Si le site est visité, c’est pour plusieurs raisons parmi lesquelles, la présence des Mamelles qui sont menacées par l’exploitation de la pierre de ponce. Nous avons demandé aux autorités du port d’installer des lampadaires pour lutter contre l’exploitation de la pierre de ponce », témoigne Ibrahima Wade, qui a passé une trentaine d’années sur cette plage en tant qu’un des gestionnaires d’un cabanon.

Debout près de son comptoir, en face de la mer, Pape Ndiaye n’entend pas baisser les bras contre toutes actions ou mesures qui vont hypothéquer leurs activités. « Je ne sais pas pourquoi, les autorités n’ont pas donné un coup d’arrêt à l’exploitation de la pierre de ponce. Ce n’est pas tout, regarde ce côté-ci, ce sont des hôtels en construction. Le site est menacé de toute part alors qu’il est un patrimoine », s’offusque Pape Ndiaye qui émet aussi des réserves sur la construction de l’usine de dessalement d’eau de mer. « On nous dit que le volcan est endormi. Mais on est en train de créer les conditions de son réveil. Est-ce que la construction des réservoirs de stockage ne va-t-elle pas augmenter la pression à l’intérieur qui pourrait favoriser le réveil du volcan ? », s’interroge Pape Ndiaye. Sur l’usine de dessalement d’eau de mer, les avis sont divergents entre les restaurateurs, les tenanciers des cabanons, et des plongeurs. « Nous ne sommes pas contre la construction de l’usine de dessalement d’eau de mer. Par contre, il faut prioriser le recrutement de tous ceux qui travaillent à la plage des Mamelles en plus des indemnisations », propose Mamadou Ndong.

En bordure de la route, du côté du Monument de la Renaissance, des espèces végétales poussent un partout. L’objectif, c’est de prévenir d’autres constructions au pied de la colline. Au juste, beaucoup se posent la question comment les porteurs de projet immobilier parviennent-ils à obtenir les permis de construire sur ce site ? Aucune réponse n’est pas apportée à cette interrogation des acteurs de défense de l’environnement.
Papa Goumba Lô, universitaire, Professeur
VOLCAN: Les raisons d’un sommeil profond

Le volcan des Mamelles n’a pas émis des signaux d’alerte depuis des décennies. Il est dans un sommeil profond qui risque de se prolonger. C’est au moins l’avis de l’universitaire, le Professeur Papa Goumba Lô. La cause du prolongement de son sommeil, c’est la libération des magmas des volcans des îles de Fogo et de Brava au Cap-Vert. « Tant que magma est craché par les deux volcans, et que les gaz continuent d’y échapper, le reste va bouillir mais il ne sortira pas. L’activité en cours dans des îles capverdiennes stabilise le magma aux Mamelles », explique l’enseignant-chercheur. La dernière éruption volcanique à Dakar s’est déroulée, il y a 700.000 et 800.000 ans.

La terre avait tremblé le 22 mars 1984 à Dakar
La ville de Dakar avait enregistré un tremblement de terre d’une faible magnitude, le 22 mars 1984. Il a été provoqué par le déplacement de la faille de Koundia en Guinée et les secousses annonciatrices de l’éruption du volcan de l’île de Fogo au Cap-Vert. « Ce tremblement de terre est dû à la faille de Koundia qui avait bougé et aussi au prélude de l’éruption volcanique des îles de Fogo », a affirmé le géologue, Papa Goumba Lô qui a soutenu sa thèse sur les risques volcaniques et l’avenir des volcans des Mamelles et de Dakar.

  ♦ Idrissa SANE – Journaliste au quotidien national (Le Soleil)

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