ESPAGNE : Mariano Rajoy renversé, Pedro Sanchez devient président du gouvernement

Le parlement espagnol a voté ce vendredi 1er juin 2018 la motion de censure contre le leadeur du PP, fragilisé depuis la condamnation de son parti pour corruption.

Le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, coulé par un scandale de corruption, a été renversé par le Parlement, vendredi 1er juin, après plus de six ans au pouvoir en Espagne. Il a été remplacé dans la foulée par le socialiste Pedro Sanchez. Devant l’imminence de sa défaite, M. Rajoy avait préféré abandonner le pouvoir juste avant le vote de la motion de censure, qui a été adoptée à une majorité de 180 députés sur 350.

Le sort de M. Rajoy s’est donc joué en à peine une semaine depuis le dépôt vendredi par le Parti Socialiste (PSOE) de M. Sanchez de cette motion, au lendemain de l’annonce de la condamnation du Parti Populaire du chef du gouvernement dans un méga-procès pour corruption, baptisé Gürtel. “Ça a été un honneur d’être président du gouvernement d’Espagne, a dit Rajoy à la tribune du Parlement. Bonne chance pour le bien de l’Espagne.”

Un chapitre de l’histoire politique espagnole s’est donc refermé vendredi à Madrid. Au pouvoir depuis décembre 2011, M. Rajoy, 63 ans, avait survécu à plusieurs crises majeures, de la récession, dont il est sorti au prix d’une sévère cure d’austérité, aux mois de blocage politique en 2016 jusqu’à la tentative de sécession de la Catalogne l’an dernier. La revanche de Sanchez “Aujourd’hui, nous écrivons une nouvelle page de l’histoire de la démocratie dans notre pays”, a déclaré M. Sanchez, ancien professeur d’économie surnommé le “beau mec”, qui va être nommé officiellement chef du gouvernement dans les heures à venir.

A 46 ans, M. Sanchez tient enfin sa revanche, lui dont l’investiture à la tête du gouvernement avait été rejetée par les députés en mars 2016 avant qu’il ne réalise en juin de la même année le pire score de l’histoire du PSOE aux élections législatives. Débarqué du poste de numéro deux de sa formation à la suite de cette déroute électorale, il en a repris les rênes l’an dernier grâce au soutien de la base contre les barons du PSOE. Monté au front contre M. Rajoy dès l’annonce le 24 mai de la condamnation du PP dans le scandale Gürtel, il a tenté cette fois avec succès un coup de poker politique.

De probables élections anticipées Pedro Sanchez est désormais le nouveau président du gouvernement espagnol, son parti ayant réussi à obtenir suffisamment de voix pour renverser le gouvernement sortant. Il a reçu le soutien de six partis totalisant 180 voix à la chambre basse du Parlement pour voter la motion de censure, soit plus que la majorité absolue des 176 voix nécessaires. Le soutien décisif est venu du Parti nationaliste basque (PNV) qui a décidé de voter la censure. La chute de Mariano Rajoy était encore impensable voici moins de dix jours. Mercredi 23 mai au soir, le pouce levé en signe de victoire, il avait d’ailleurs quitté le Parlement avec le sentiment d’avoir franchi le dernier obstacle d’une législature compliquée, marquée par le défi indépendantiste catalan et soumise aux difficultés de tout gouvernement minoritaire tenu de renouveler au coup par coup de fragiles soutiens.

Ce jour-là, il venait, avec six mois de retard, de faire voter le projet de loi budgétaire 2018 par le parti libéral Ciudadanos et le parti basque, le PNV. Afin de convaincre le parti basque, M. Sanchez a d’ailleurs dû assurer qu’il ne toucherait pas à ce budget qui prévoit des largesses financières pour le Pays basque.

Il a en outre promis aux indépendantistes catalans qu’il essaierait de “jeter des ponts pour dialoguer” avec le gouvernement régional de Quim Torra. Pedro Sanchez s’est pour le moment gardé de dérouler un véritable programme de gouvernement, bien que rien ne l’empêche de rester au pouvoir jusqu’en 2020.

Mais avec seulement 84 sièges sur un total de 350 à la chambre basse du Parlement, les socialistes devraient avoir des difficultés à gouverner, ce qui signifie que des élections anticipées ne sont pas à exclure. Les alliés de circonstance de M. Sanchez ont d’ailleurs tous souligné que leur vote contre Rajoy n’était pas un chèque en blanc. Podemos a déjà réclamé d’entrer au gouvernement. L’affaire Gürtel La condamnation du PP dans le procès Gürtel aura donc été l’affaire de trop pour M. Rajoy, dont le PP est empêtré dans plusieurs scandales.

L’Audience nationale, le haut tribunal espagnol chargé notamment du crime organisé a en effet condamné pour corruption une dizaine d’anciens cadres et élus du PP, ainsi que la formation elle-même, en tant que bénéficiaire du réseau. Le parti devra rembourser près de 250 000 euros pour le financement illégal de plusieurs meetings dans deux municipalités de la région de Madrid.

Deux anciens maires du PP, un ex-secrétaire du PP de Galice, un ancien conseiller des sports de la région de Madrid, ou encore une ancienne ministre du PP, font notamment partie des condamnés. Dans cette affaire, les juges ont conclu à l’existence d’un “authentique système de corruption institutionnelle” entre le PP et un groupe privé à travers la “manipulation de marchés publics”, ainsi qu’à l’existence d’une “caisse noire” au sein du parti. Ils ont de plus mis en doute la crédibilité de M. Rajoy qui avait nié l’existence de cette comptabilité parallèle devant le tribunal.

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