Entretien : Mama Sougoufara, DG des ICS décline sa stratégie pour augmenter et diversifier la production d’engrais

À la tête des Industries chimiques du Sénégal (Ics) depuis le début de l’année, Mama Sougoufara décline, dans cet entretien, sa stratégie pour augmenter et diversifier la production d’engrais.Mama Sougoufara - Directeur Général des ICS

 
Dans quelle situation avez-vous trouvé les Ics ?
Permettez-moi de faire un rappel de contexte. Après une longue période marquée par des difficultés financières, une dette atteignant plus de 270 milliards de FCfa, un placement en situation de pré-faillite, l’Etat du Sénégal a fait appel, en 2014, à Indorama Corporation, groupe indonésien, spécialisé dans la pétrochimie et basé à Singapour. Le groupe Indorama a intégré l’actionnariat aux cotés de l’État du Sénégal.
Ainsi, le groupe Indorama est-il devenu le partenaire industriel et l’actionnaire de référence des Industries Chimiques du Sénégal (Ics). Je souligne que le groupe Indorama est présent dans une trentaine de pays, à travers le monde. Nous célébrons, en 2025, les 50 ans du Groupe Indorama qui coïncident avec les 10 ans du partenariat stratégique entre le l’État du Sénégal et Indorama.
 
Depuis, la production de roche de phosphate, entièrement transformée au Sénégal, est passée de 800 milles tonnes en 2014, à environ 1,9 million de tonnes en 2023. Les Ics sont encore aujourd’hui l’unique producteur d’acide phosphorique et d’engrais complexe Npk en Afrique de l’Ouest. L’entreprise dispose d’installations logistiques intégrées, notamment l’accès à une ligne de chemin de fer, une flotte de locomotives et de wagons, ainsi qu’un terminal au Port Autonome de Dakar.
 
Que nous renseigne le rapport Pwc intitulé « l’impact des Ics sur l’économie sénégalaise » qui vient d’être publié ?
Ce rapport que nous avons officiellement présenté le 5 février 2025, a été élaboré avec Price Waterhouse Coopers Advisory Sénégal Sas (PwC) un cabinet international, spécialisée dans des missions d’audit, d’expertise comptable et de conseil, privilégiant des approches sectorielles. Cette évaluation prend en compte différents aspects : financiers, économiques et sociaux. Elle revient également sur les retombées des activités des Ics, notamment dans la création de valeur, la création d’emplois directs et indirects, la contribution sociale, le soutien aux communautés, la production d’engrais.
Cette étude a permis enfin de mettre en évidence les évolutions enregistrées durant la période 2014-2023. C’est un exercice de transparence incontournable dans le cadre de l’Itie et des attentes de l’État du Sénégal.
 
Les Ics ont-elles la capacité d’assurer l’autosuffisance en engrais ? Si oui, pourquoi continue-t-on d’importer de l’engrais ?
Des investissements majeurs sont continuellement réalisés dans la production d’engrais, à travers la modernisation des installations et la diversification des formules d’engrais.
L’objectif est de se conformer aux besoins spécifiques du marché. À cet égard, les Ics produisent des engrais complexes de type Npk (Azote, Phosphore, Potassium) en important l’ammoniaque-urée et la potasse. Nous produisons également des engrais phosphatés binaires Map (Phosphate Mono Ammonique) et Dap (Di-Ammonique Phosphate) au niveau du site industriel de Mbao (Dakar) qui dispose d’une capacité de 200.000 tonnes par an.
Les investissements réalisés ces dernières années ont permis de presque doubler la production d’engrais, en l’espace d’une décennie, malgré les défis industriels. Aussi, l’entreprise travaille-t-elle en étroite collaboration avec l’État du Sénégal, pour mettre à la disposition des distributeurs agréés la quantité d’engrais nécessaire, à la campagne agricole.
En effet, les distributeurs agréés, sur la base de quotas alloués par l’État, commandent les quantités souhaitées au niveau des Ics. Nous produisons sur commande l’engrais et nous répondons totalement aux sollicitations des distributeurs agréés. L’accompagnement des Ics se traduit, outre la mise à disposition d’engrais de qualité, par l’appui technique aux agriculteurs, pour améliorer les rendements.
 
Quelle stratégie envisagez-vous de déployer pour consolider les acquis et optimiser les performances des Ics ?
Les activités chimiques industrielles et minières nécessitent des investissements lourds, avec une grande part des dépenses allouées aux achats d’intrants et de matériels, à la maintenance et à l’énergie. Nous sommes en train de construire une centrale solaire qui viendra en complément de notre centrale à charbon de 20 Mw.
 
Ainsi, pourrons-nous non seulement diversifier les sources d’énergie, réduire les dépenses énergétiques, sur le long terme, mais également contribuer à atténuer, notre empreinte carbone, alignant ainsi nos activités avec les objectifs de développement durable. Il faut rappeler que les Ics participent à l’amélioration des conditions de vie des communautés.
 
Dans le cadre de la mise en œuvre pratique de notre politique de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (Rse), nous continuerons à financer massivement, dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’agriculture. La politique Rse sera consolidée et renforcée dans l’appui à la formation professionnelle et aux activités créatrices d’emplois pour les femmes et les jeunes.
 
Au plan environnemental, nous allons veiller à l’accélération du plan de conformité des installations. Il est prévu le lancement d’un plan global sur l’environnement et le développement durable, incluant la certification Iso 14001, pour s’aligner sur les standards internationaux, dans une démarche d’amélioration continue. Nous travaillons aussi à la mise en place d’une plateforme entreprise – territoire avec un cadre local permanent de dialogue inclusif et de résolution des défis de tous les jours, avec toutes les parties prenantes.
 
Quelles sont les perspectives ?
Ces 10 dernières années, avec le soutien de l’État du Sénégal, la participation des travailleurs et l’accompagnement des banques, des partenaires et des populations, les Ics ont connu un redressement extrêmement important, démontrant la capacité de résilience de l’ensemble des parties prenantes.
 
À court terme, le conseil d’administration des Ics vient d’approuver la construction d’une nouvelle usine d’engrais, sur notre site de Mbao, pour tripler notre capacité et la porter à 600.000 tonnes. C’est pour soutenir les besoins de l’agriculture sénégalaise et ouest-africaine, également une contribution concrète à l’Agenda Sénégal 2050 qui priorise l’agriculture et l’autosuffisance alimentaire.
 
Aussi, la stratégie nationale est-elle articulée autour de pôles économiques régionaux. Nous sommes dans le Pôle de Thiès, premier pôle minier du Sénégal. Nous comptons dès lors y renforcer notre position et envisageons de développer l’extension de la production d’acide phosphorique, avec une nouvelle unité qui pourrait produire jusqu’à 300.000 tonnes d’acides phosphoriques additionnels. Il y a le potentiel pour plus de transformation locale du phosphate car tous les détenteurs de mines de phosphates au Sénégal exportent la roche brute sauf les Ics.
Enfin, nous allons renforcer notre accompagnement à l’enseignement technique et professionnel, à travers des partenariats et des projets propres qui renforcent l’employabilité des jeunes, pour nos besoins et ceux de l’industrie sénégalaise en général. 

 

  • Entretien réalisé par Seydou KA (texte) et Mbacké BA (photo) – Le Soleil

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